19.10.08

Petit cours d'économie écologique

Non, l’écologie ne se limite pas à faire attention aux petites fleurs et aux petits oiseaux. Non, les Verts ne sont pas que des défenseurs de l’environnement. Non, la protection de la vie future n’est pas incompatible avec l’essor immédiat de l’économie. C’est pour battre en brèche ces contre-vérités que Pascal Canfin[1] a écrit L’économie verte expliquée à ceux qui n’y croient pas. Un ouvrage pédagogique basé sur un dialogue imaginé entre l’auteur et ses amis sceptiques quant au programme économique des écolos.

On y apprend que si l’économie verte est incompatible avec le système économique actuel[2], elle ne repose pas uniquement sur les préceptes traditionnels portés par la gauche depuis 1945. D’un côté : rejet du tout Etat, défense de la liberté d’entreprendre, réforme des services publics… De l’autre, hausse de l’impôt sur les revenus et sur les bénéfices des grandes entreprises, augmentation des minima sociaux, suppression de la durée de cotisation pour bénéficier des allocations chômage… Le dogmatisme n’a pas lieu d’être dans l’économie rêvée par les militants écologistes.

Reposant sur des idées neuves comme le revenu social garanti (sorte de rétribution des activités d’intérêt général), la mise en place d’une dette-carbone dans les pays du Nord (à partir du moment où les Occidentaux empiètent sur les droits à polluer des pays du Sud, pourquoi ne devraient-ils pas les rembourser ?) ou la conversion écologique de l’économie (investissements lourds dans les énergies renouvelables, les économies d’énergie…), l’économie verte frappe surtout par son objectif final. Ici, l’économie est au service de l’Homme et non pas l’inverse. L’objectif n’est donc pas de produire et consommer plus mais de chercher l’épanouissement des citoyens via des politiques économiques audacieuses. Oubliez donc le PIB, préférez l’empreinte énergétique[3]. Oubliez l’organisation ternaire de la vie (études, travail, retraite), préférez un rythme de vie pleinement choisi (année sabbatique, activité d’utilité sociale et environnementale rémunérée, droit à l’apprentissage tout au long de la vie…), oubliez le « travailler plus pour gagner plus », préférez le « travailler moins pour travailler tous et vivre mieux »…
C’est bien beau cette histoire, mais ça coûte cher, non ? Il faut avoir les moyens de ses ambitions et aller chercher l’argent où il est, explique Canfin. L’économie verte est une économie qui n’a pas peur de taxer (les activités polluantes, les très hauts revenus, la spéculation…) et qui s’appuie pas mal sur les modèles nordiques. C’est mieux mais ça coûte cher ! Oui mais c’est mieux ! Oui mais ça coûte cher ! Oui, mais c’est mieux ! Oh, les gars, on se calme !

L’économie verte repose donc sur un programme innovant à mille lieux des réformettes qui font la une des journaux. Le livre de Canfin constitue donc un excellent cours d’économie post-bac et s’appuie sur un argumentaire riche, étayé par de très nombreuses références statistiques. On apprend donc sur les Verts autant que sur l’économie réelle. Evidemment, un dialogue entre potes de 148 pages, uniquement basé sur des réformes économiques, ça fait un peu long… Mais le tout se lit facilement. Les lecteurs qui ne croient pas en l’économie écologique feraient donc bien d’y jeter un œil.

Samuel Duhamel

[1] Président de la commission économie et société des Verts
[2] Le fameux « capitalisme libéral productiviste mondialisé », cher à Yves Cochet et Agnès Sinaï in Sauver la Terre, 2003
[3] L’empreinte énergétique est un indicateur inventé au début des années 90 par les professeurs William Rees et Mathis Wackernagel qui vise à traduire l’impact des activités humaines sur les écosystèmes. On sait ainsi que l’empreinte énergétique d’un Etats-Unien moyen est équivalente à cinq planètes. Cela veut dire que si tout le monde adoptait le mode de vie américain, il faudrait cinq fois plus de pétrole, d’eau, de charbon, de gaz, d’électricité… Or, les ressources de la planète sont limitées.


L’économie verte expliquée à ceux qui n’y croient pas,
Pascal Canfin, éd. Les petits matins, 148 pages, 14 €