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9.1.08

Zidane, le dernier « au revoir »

Ses deux coups de tête rageurs en finale de coupe du monde, son transfert au Real Madrid – le plus cher l’Histoire du football –, sa reprise de volée splendide en finale de la Ligue des Champions, ses deux buts pour sa première sélection en bleu, ses roulettes made in Castellane, sa panenka face à Gianluigi Buffon… Au final, que retenir de l’exceptionnelle carrière de Zinedine Zidane ?

C’est cette question que posent Alix Delaporte et Stéphane Meunier dans leur documentaire, Le dernier match (production 2P2L). En moins d’une heure et quart, ils passent en revue les grands moments de la vie professionnelle du maestro, de ses débuts à Cannes jusqu’à son coup de sang lors de la finale du mondial 2006. On pensait avoir déjà tout vu… Erreur ! Le documentaire ne s’arrête pas seulement sur les principales victoires et les plus beaux dribbles de Zidane. Il va bien au-delà…

Grâce à une complicité tissée durant dix ans, Meunier a pu rentrer dans l’intimité du joueur et saisir comment le petit Yazid est devenu le grand Zidane. Des débuts prometteurs à la Bocca jusqu’aux exploits au stade Bernabeu, le joueur s’est forgé un mental à toute épreuve. Il a puisé sa force dans la fragilité existentielle de ses parents. Il a travaillé d’arrache-pied pour fructifier son talent et rester toute sa carrière un ton au-dessus des autres sur le terrain. Il a réfléchi au sens de sa carrière, de son génie, de sa vie… pour conquérir tous les titres possibles et imaginables.

Dans le documentaire, on découvre un Zidane simple, humble et accessible. Un homme qui a fait rêver des millions de supporteurs mais pas seulement… Pour la première fois, on entend des footballeurs de premier plan raconter leur admiration pour l’ancien milieu de terrain. De Beckham avouant l’éviter sur le terrain par peur d’être ridiculisé, jusqu’à Abidal qui utilisait son pied droit juste pour lui plaire… Mais l’histoire du dernier match est surtout celle de la famille Zidane, venue encourager leur héros pour son ultime rencontre avec Madrid. La séquence est intense, elle dépasse largement le cercle du sport pour entrer dans celle du rêve, un rêve qui s’achève pour ses proches, pour son public, pour tous les amateurs de ballon rond…

Porté par la voix suave de Roschdy Zem et par une entraînante chanson de Delphine Labey, le documentaire mérite donc le détour. Riche en intervenants (Lippi, Ancellotti, Dugarry, Lizarazu, Vieira…), soigné au niveau du cadre et de la lumière, le dernier match rendra nostalgiques tous les supporteurs des bleus, archi-gâtés par leur champion ces dix dernières années. Il donnera des frissons à tous les footeux, transportés par la divine élégance du génie, ballon au pied. Il fera pleurer les supporteurs français, regrettant déjà les partitions inégalables du maestro marseillais… Car comme le dit Yannick Noah : « Sans Zidane, on gagnera peut-être encore… mais plus jamais de la même façon. » Voilà sans doute ce qu’il faut retenir de la fabuleuse carrière du plus grand des numéros 10…

Samuel Duhamel

Le dernier match, d’Alix Delaporte et Stéphane Meunier, 72 min
Prod : 2P2L, 2007
19 € 99

20.6.07

Bernadette Chirac, madâme de fer

C’est l’histoire d’une première Dame de France qui, grisée par les sirènes du pouvoirs, en oublie son humanité. C’est l’histoire d’une élue corrézienne qui, mariée au Président de la République, se prend pour la Reine du pays. C’est l’histoire d’une pauvre vieille femme qui, restée trop longtemps dans l’ombre, veut prendre sa revanche sur la vie.
L’héroïne de Madâme, le dernier documentaire de John Paul Lepers (Elysez-moi, En avant, marche !...) et de Jean-Sébastien Desbordes, s’appelle Bernadette Chirac. On l’a tous lue, vue, écoutée sans jamais avoir réussi à la cerner. D’elle, on ne connaît vraiment que ses coupes de cheveux déjantées et ses élans de générosité, à coups de pièces dorées. Le film de Lepers lève le voile sur le reste. On y découvre une suzeraine autoritaire qui ne supporte pas la critique ou la remise en cause de son statut de femme d’Etat. Sa méfiance envers les citoyens trop irrespectueux ou pas assez obséquieux est saisissante. Alors, quand Lepers et son équipe débarquent aux réunions publiques où elle se rend, la vieille dame se raidit. Chirac est une bourgeoise réservée et froide. Fille d’aristocrates parisiens, née Chodron de Courcelles, elle contraste singulièrement avec son paysan de mari… A l’Elysée, pendant douze ans, elle s’est comportée en être supérieur avec son entourage alors que la Constitution de la Ve République ne lui garantissait aucun pouvoir. Et pourtant ! Autocensure des journalistes, servilité des employés de l’Elysée, soumission de ses adversaires politiques corréziens… Son influence a été énorme.
Le film est basé sur l’opposition, imposée par la dame de fer, entre elle et Lepers. Ce dernier apparaît souvent à l’image, sans doute plus qu’elle. Mais n’y voyez pas de tentation du « je » ou de narcissisme primaire. Le journaliste se montre parce qu’il souhaite aller l’encontre de Bernadette Chirac, parce qu’il veut la comprendre. Certes, quelques questions révèlent un poil de mauvaise foi ou d’arrogance. Et alors ? L’important est ailleurs. La grandeur du documentaire réside dans l’affrontement entre une Chirac, engoncée dans ses certitudes, qui se considère supérieure au reste de la population et un Lepers, qui sincèrement, intellectuellement, presque naïvement, ne comprend pas pourquoi une femme de Président peut agir en monarque absolue dans une République. Le choc des cultures est captivant.
Au-delà de ce dialogue de sourds entre les deux protagonistes, le film recèle une part d’enquête fort attrayante : on y découvre par exemple les mensonges proférés publiquement sur les quantités de pièces jaunes récoltées, les collusions entre la Chiraquie et TF1 via Anne Barrère, ancienne conseillère de la « Présidente » et épouse de Robert Namias, directeur de la rédaction de la première chaîne, les détournements de moyens publics à des fins privées, les abus de pouvoir de la première Dame de France sur ses terres corréziennes… Un vrai régal !
Rythmées par d’agréables phrases musicales de Romain Dudek, les séquences du film contiennent des perles comme cet échange entre Lepers et les policiers chargés de surveiller l’entrée du château de Bity, propriété des Chirac, ou cette discussion à bâtons rompus avec les amis Milou et Jean-Pierre, des voisins du couple présidentiel. Intéressant, séduisant, instructif : Madâme est un documentaire d’actualité réussi. A voir absolument !

Samuel Duhamel

Madâme, le film de John Paul Lepers et Jean-Sébastien Desbordes, production : 17 juin média et On y va ! média, 90 min, 2007

Pour aller plus loin : - http://www.latelelibre.fr/ (la télévision indépendante de la bande à Lepers sur Internet)
- http://blog.romaindudek.net (le blog politique et musical de Romain Dudek, le compositeur des musiques du documentaire), avec un extrait juste là.