18.4.11

L'écologie, tout de suite, maintenant !


22 000 personnes décèdent chaque jour suite à la consommation d’eau contaminée[1], un humain sur six n’a pas accès à l’eau potable[2], un sur trois survit avec moins de deux dollars par jour[3], 206 kilos de déchets plastiques sont déversés chaque seconde dans les océans[4], la désertification avance à une vitesse équivalente à 22 terrains de football par minute[5], 6 000 espèces animales disparaissent chaque année de la surface de la Terre[6]
Les faits sont là. Têtus. Cyniques. Inacceptables. Et pourtant, on ne peut pas dire que nous n’avons pas été prévenus. Depuis près de cinquante ans, les Cassandre écologistes ont fait leur office. De René Dumont à André Gorz, d’Ivan Illich à Yves Cochet. Nous les avons entendus souvent. Écoutés ? Jamais. Pourtant, transformer nos modes de vie, construire cet « autre monde possible » relève d’une impérieuse nécessité.
Le dénominateur commun à toutes les catastrophes écologiques réside dans leur irréversibilité. Lorsqu’elles se produisent, les dégâts sont considérables mais surtout indépassables. La famine décime des pans entiers de population[7], les accidents nucléaires condamnent de vastes territoires pour une durée quasi infinie, la culture des OGM contaminent irrémédiablement les champs biologiques ou conventionnels, les marées noires dégradent la biodiversité et le tissu économique des zones marines pendant de nombreuses années, les gaz à effet de serre restent coincés dans l’atmosphère plusieurs décennies[8], la désertification et le productivisme à outrance rendent définitivement stériles les terres cultivables… Autrement dit, le champ d’action de l’Homme sur son environnement se situe bien plus dans la prévention que dans la réparation. Si on veut éviter d’autres crises environnementales, si on veut éviter plus de souffrance, de misère et de guerres, si on veut éviter l’extinction de l’espèce humaine – car in fine, c’est de cela qu’il s’agit quand on parle d’écologie. Il ne s’agit pas de « sauver la Terre » comme on l’entend souvent mais bien de sauver les Hommes et donc l’environnement dans lequel ils évoluent –, il faut donc agir maintenant et remplacer le système économique actuel – le capitalisme libéral mondialisé – par un modèle plus durable et plus harmonieux.
Pour agir, il faut d’abord cibler les grands défis écologiques auxquels nous sommes confrontés. Le journaliste Ignacio Ramonet[9] en dénombre cinq. Chacun d’entre eux engage la survie de l’Humanité à moyen ou long terme : 1. « éviter les dérives d’une science devenue technoscience » (enrayer le développement du nucléaire, des OGM, de l’agriculture chimique intensive…), 2. « réduire les pollutions, protéger la biodiversité et lutter contre le changement climatique global », 3. « éviter l’épuisement des ressources », 4. « freiner l’érosion des sols et la désertification », 5. « trouver les moyens de désaltérer et de nourrir 6,5 milliards d’êtres humains ».
Pour endiguer ces problèmes majeurs, il faut une méthode d’action. Cette méthode doit s’appuyer sur des principes forts, des valeurs incontournables. L’économiste Alain Lipietz[10] définit l’écologie politique en trois mots : autonomie, équité, solidarité. L’autonomie est entendue comme la possibilité pour chacun de vivre selon ses envies, ses principes tant que ces derniers n’empiètent sur la liberté d’autrui de faire la même chose. L’équité sous-entend la recherche permanente de compromis et le refus de voir certains mourir de misère quand d’autres nagent dans l’argent facile[11]. La solidarité implique une attitude bienveillante portée à l’autre dans l’espace – du voisin de palier au citoyen habitant de l’autre côté de la planète – et dans le temps – les Humains d’aujourd’hui mais aussi ceux qui ne sont pas encore nés –. Idéalement, nous devrions appliquer ces principes dans chacune de nos actions (achats, constructions de logements, choix énergétiques, aménagement urbain, transports…). Mais nous devons prendre en compte un autre paramètre oublié par la plupart des économistes et des hommes politiques : nous vivons dans un monde fini[12]. Autrement dit, nos ressources et notre territoire sont limités. Nous devons donc nous organiser en tenant compte des contraintes que cela impose. Il n’est matériellement pas possible d’accumuler sans fin, de dépenser toujours plus, de se déplacer toujours plus vite, toujours plus loin… La planète n’étant pas extensible, si un citoyen occidental moyen consomme davantage, cela signifie que de l’autre côté du monde, un citoyen africain ou asiatique moyen ne pourra couvrir ses besoins primaires. Un quatrième principe doit donc compléter les trois premiers : la sobriété. Pour reprendre Gandhi, « nous devons tous vivre simplement pour que simplement tous puissent vivre. »
C’est probablement ce principe de sobriété qui sera le plus difficile à mettre en place. Car le capitalisme libéral mondialisé se base sur des valeurs opposées : l’avidité, la recherche de l’opulence, l’abondance… Pour réussir cette transformation indispensable, il faudra donc réapprendre à penser le monde, oublier nos références, « décoloniser nos imaginaires »[13]. Selon l’économiste Serge Latouche, « l’altruisme devrait prendre le pas sur l’égoïsme, la coopération sur la compétition effrénée, le plaisir du loisir sur l’obsession du travail, l’importance de la vie sociale sur la consommation illimitée, le goût de la belle ouvrage sur l’efficience productiviste… »[14]
En un mot, l’écologie peut être considérée comme une forme moderne d’humanisme. Elle exige une responsabilité individuelle et collective forte sans laquelle la permanence de la vie humaine sur Terre est impossible. A ceux qui disent qu’elle est une utopie, les écologistes répondent que l’utopie, c’est penser que nous pouvons continuer avec le système actuel sans risquer l’extinction de notre espèce à moyen ou long-terme. Nous n’avons donc pas le choix. Un autre monde est possible ? Non, il est indispensable.
Mais dès lors comment faire ? Qui doit engager ce tournant sans lequel une grande partie de l’espèce humaine sera condamnée à la misère demain et après-demain plus encore ? La réponse est simple : les tenants du système. Ce sont les riches qui détruisent la planète[15]. C’est à eux de payer l’addition. Les États de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) – les plus riches du monde – sont responsables de 90% de la production de déchets industriels alors qu’ils ne représentent que 15% de la population. Autre exemple : si tous les humains avaient le niveau de vie de la population suisse, la Terre ne pourrait subvenir aux besoins que de 600 millions de personnes. Si au contraire, ils acceptaient de vivre avec la frugalité des paysans du Bengale, elle pourrait accueillir plus de 20 milliards d’habitants[16]. Les déséquilibres environnementaux constatés aujourd’hui sont donc le fruit des politiques des pays riches. Il leur revient donc le devoir d’instaurer la conversion écologique de notre économie.
Cette transformation implique un changement de système. Nous vivons depuis plus de deux siècles au rythme du capitalisme – système économique reposant sur la propriété privée des moyens de production et ayant pour objectif l’accumulation perpétuelle de la production, du capital et des profits –. Depuis les années 1970, le capitalisme profite de l’essor du libéralisme – environnement économique impliquant la prévalence du marché sur l’action des pouvoirs publics et ayant pour conséquences des privatisations, la baisse des impôts, la diminution du nombre de services publics, la libre-circulation des capitaux… –. Le capitalisme libéral étant adopté par l’immense majorité des pays, ce système peut-être considéré comme mondialisé. Il faut donc trouver une alternative écologique à ce « capitalisme libéral mondialisé ».
Les écologistes militent pour l’instauration d’un système plus doux, plus harmonieux. Il pourrait s’appeler « durabilisme régulé régionalisé ». Contrairement au capitalisme, le durabilisme reposerait sur des moyens de production détenus de manière privée mais également publique et aurait surtout pour fondement « la poursuite d’une vie authentiquement humaine sur Terre »[17]. L’objectif du système ne serait donc plus le « toujours plus » mais le « vivre mieux ». La priorité de nos actions ne serait plus d’accumuler des biens mais de protéger l’environnement, de préserver la vie, de lutter contre les pollutions… En un mot, le système serait tout entier tourné vers les cinq grands défis écologiques auxquels nous sommes confrontés.
Évidemment, cela suppose de remettre les marchés et la finance à leur place, de mettre l’économie au service des Hommes et non plus l’inverse. Et c’est là que les pouvoirs publics doivent intervenir de manière forte et concertée. Ils devront réguler le système, en gommer les imperfections, apporter le nécessaire aux plus démunis, subventionner les activités d’intérêt public (agriculture biologique, énergies renouvelables, transports collectifs…) et taxer ou interdire les activités néfastes ou polluantes (publicité, vente d’armes, voitures individuelles puissantes, transactions financières…).
Ils devront également relocaliser l’économie. Les riches devront consommer moins. Et l’ensemble de la population mondiale devra consommer mieux. Il n’est plus possible de manger des fraises d’Afrique du Sud en hiver quand on habite en Europe. Il n’est plus possible qu’un pot de yoghourt soit fabriqué en Chine avant d’être conditionné en Roumanie puis consommé aux Etats-Unis comme c’est malheureusement le cas aujourd’hui. Il faut donc réduire la place des transports trop polluants[18] et privilégier les échanges courts. C’est ce qu’on pourrait appeler la régionalisation en opposition à la mondialisation. Pour des raisons environnementales mais également des raisons de développement des pays les plus pauvres, il vaut mieux développer le commerce avec des pays proches. Aujourd’hui, les paysans burkinabés, maliens ou ivoiriens ont d’immenses difficultés à vendre leur blé à leurs voisins car ce dernier coûte plus cher que les blés européens ou américains largement subventionnés. Les pays pauvres ne luttent pas dans la même cour économique que l’Union Européenne ou les États-Unis. Leur imposer une ouverture inconditionnelle de leurs frontières, comme le leur demande l’Organisation mondiale du commerce, c’est donc pénaliser leur population. Économiquement mais aussi écologiquement, il vaut donc mieux échanger avec des pays voisins que des pays lointains. Pour cela, il suffit d’instaurer une taxe à l’importation ou une taxe carbone sur les hydrocarbures utilisés dans les transports (ces impôts rendraient automatiquement les produits lointains plus chers que les produits locaux).
La mise en place de ce nouveau système d’organisation mondiale nécessite bien des changements dans les comportements. De la part des citoyens mais également de la part des États. Les conférences récentes sur l’environnement (Rio 1992, Kyoto 1997, Johannesburg 2004, Copenhague 2010) nous montrent qu’il n’est pas évident d’aboutir à des accords allant dans le bon sens. Pourtant, c’est bien à l’échelon mondial que nous réglerons les problèmes écologiques. Mais ce n’est pas parce que certains pays campent sur leurs positions arriérées qu’il ne faut pas chercher à avancer. C’est en créant des microsociétés durables que nous pourrons montrer à d’autres qu’une autre voie est possible et qu’elle est même enviable. L’exemple de la ville de Fribourg en Allemagne en témoigne[19]. L’exigence de résultats implique de toute manière une exigence en termes de moyens. Nous sommes à un moment clé de l’histoire de l’Humanité. Il faut en prendre conscience au plus vite. En 1974, René Dumont, le père de l’écologie politique en France, écrivait L’écologie ou la mort. Mon choix est fait : l’écologie tout de suite, maintenant !
« Qu’en est-il de notre savoir s’il reste sans conséquence. A l’heure de quitter ce monde, il ne s’agira d’avoir été bon ; cela ne suffit pas. Il s’agira de quitter un monde bon. » Bertolt Brecht, Sainte-Jeanne des abattoirs
Samuel Duhamel


[1] Source : John Briscoe, conseiller de la Banque mondiale, quatrième congrès mondial de l’eau, Marrakech, septembre 2004
[2] Ibidem
[3] Rapport du PNUD, La lutte contre les changements climatiques : la solidarité humaine dans un monde divisé, 2007
[4] Source : planetoscope.com
[5] Écologie, le grand défi, article d’Ignacio Ramonet, supplément du Monde diplomatique, juin-juillet 2005, p. 7
[6] Ibidem
[7] Selon Jean Ziegler, ancien rapporteur des Nations Unies pour le droit à l’alimentation, environ 35 000 personnes meurent de faim chaque jour dans le monde.
[8] N’en déplaise à l’ancien ministre Claude Allègre, plus de 2 000 spécialistes du GIEC (Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat) affirment depuis les années 1990 que les agissements des Hommes ont une influence sur le dérèglement du climat. Ce dérèglement a multiplié par deux le nombre de catastrophes naturelles depuis les années 1980 (source : EM-DAT, base de données OFA-CRED sur les désastres, Université catholique de Louvain). Par ailleurs, la pollution de l’air engendrée par les gaz à effet de serre occasionne la mort prématurée de deux millions de personnes chaque année dans le monde (source : http://www.automobile-entreprise.com/Pollution-de-l-air-urbain-2,2028).
[9] Opus cité
[10] Qu'est-ce que l'écologie politique ? La grande transformation du XXIe siècle, La Découverte, Paris, 1999
[11] D’après un rapport du PNUD de 2006, les 500 capitalistes les plus fortunés sont plus riches que les 416 millions de citoyens mondiaux les plus pauvres.
[12] Paul Valéry écrivait dans Regards sur le monde actuel en 1945 : « Le temps du monde fini commence. » (repris par Albert Jacquard dans Écologie, le grand défi, supplément du Monde diplomatique, juin-juillet 2005, p. 82)
[13] Survivre au développement. De la décolonisation de l’imaginaire économique à la construction d’une société alternative de Serge Latouche, éditions Mille et une nuits, Paris, 2004.
[14] Écologie, le grand défi, article de Serge Latouche, supplément du Monde diplomatique, juin-juillet 2005, p. 75
[15] Comment les riches détruisent la planète, d’Hervé Kempf, éd. Seuil, 2007, 148 p.
[16] Ignacio Ramonet, opus cité
[17] Le principe responsabilité, d’Hans Jonas, éd. Du Cerf, 1979, 144 p.
[18] D’après une étude de l’école nationale des ponts et chaussées de 2005, les transports représentent un quart des émissions de gaz à effet de serre dans le monde (source : http://www.enpc.fr/fr/formations/ecole_virt/cours/lenoir/Transport-effet-serre.pdf)
[19] Lire Écologie, le grand défi, article de Philippe Bovet, supplément du Monde diplomatique, juin-juillet 2005, p. 58 – Fribourg est une ville allemande de 212 000 habitants qui a investi massivement dans les énergies renouvelables (il y a dans cette ville quatre fois plus d’emplois liés à ces énergies que dans le reste de l’Allemagne) tout en limitant drastiquement le transport par voiture. Ses réussites ont inspiré beaucoup d’autres villes à travers le monde.

3.4.11

Lille s'envole

Et de quatre pour le LOSC ! Les dogues ont enchaîné une quatrième victoire de rang en battant aisément le stade Malherbe de Caen ce soir (3-1). Les buts lillois ont été inscrits par Chedjou, Hazard et Sow. El-Arabi a permis aux Normands de sauver l'honneur en toute fin de rencontre. Avec ce seizième succès en Ligue 1 cette saison, les hommes de Rudy Garcia s'envolent au classement. Ils comptent désormais septs points d'avance sur Marseille et Rennes, leurs poursuivants directs.


Réactions d'après match :

Franck Dumas, entraîneur du stade Malherbe de Caen :"Bosmel a fait un très bon match. Le travail a payé pour lui. On savait que ce serait difficile. C'est un match à part. On le savait. Il faut qu'il n'y ait aucune conséquence mentale pour le prochain match. Lille a un très bon niveau. On n'a pas à rougir. On a fait ce qu'on pouvait. On a eu quelques occasions. On aurait pu revenir à 1-1 à la mi-temps. On a manqué de maîtrise, on a sans doute trop balancé devant ! En deuxième mi-temps, on avait un peu plus la maîtrise mais voilà Lille est capable de contrer très vite. On avait beaucoup d'absents aussi. Pour battre Lille, il faut des joueurs de caractère. Il faut les empêcher de jouer leur jeu, de multiplier leurs passes... Mais j'ai de jeunes joueurs et nous ne sommes que Caen. Les Lillois ne se prennent pas la tête. Il y a une réelle joie de vivre dans cette équipe. Personne ne tire la couverture, ils sont en confiance."

Rudy Garcia, entraîneur du Lille Olympique Sporting Club :"On a eu beaucoup d'occasions. On en a concrétisé certaines. Bosmel a fait un gros match. On a fait 35 superbes premières minutes. On les a pressés très, très haut. Landreau a fait un gros match aussi, il a sorti deux parades décisives en fin de première mi-temps. Mes joueurs sont en confiance, ils tentent des choses et collectivement, on est bien. On enchaîne un 4e succès de rang, c'est une première cette saison. Je suis content pour Moussa avec son 20e but. Il a la qualité pour terminer les actions. On va aller à Monaco maintenant, ça va être compliqué. Les résultats de Rennes et Paris nous avantagent. Demain, on va regarder les matchs tranquillement de Lyon et Marseille, c'est bien. J'espère que Lens va gagner !"

Propos recueillis par Samuel Duhamel