2.12.14

Bientôt une ferme de 250 000 poules à Beauval ?

Un projet décrié. Celui d'une ferme qui accueillera 250 000 poules à Beauval dans la Somme. Cet élevage géant produira 70 millions d'oeufs chaque année. De nombreux éleveurs et écologistes dénoncent une course folle au gigantisme comparable à la ferme des 1000 vaches à Drucat, près d'Abbeville. Reportage de Samuel Duhamel.

13.10.14

Calais : migrants, habitants, policiers... "Tous victimes !"

Ce matin, environ 500 manifestants ont défilé dans les rues de Calais…. Policiers, commerçants, agriculteurs… ont dénoncé la hausse des flux migratoires avec un slogan simple : « Habitants – migrants : tous victimes ! » Les migrants sont près de 2 000 dans la ville aujourd’hui. Leurs conditions de vie sont toujours plus précaires. Et cela occasionne de sérieux problèmes de sécurité comme vous allez le voir dans ce reportage d’Emmanuel Michel et Samuel Duhamel.

8.10.14

Intoxications au monoxyde de carbone : la menace fantôme !

C’est le début de l’automne… Le moment où vous devez faire vérifier vos installations de chauffage… Pour faire des économies évidemment… Mais aussi pour éviter les accidents. Chaque année, plusieurs milliers de Français se font intoxiquer par le monoxyde de carbone, un gaz toxique émanant d’appareils de chauffage en mauvais état. 
Il faut donc redoubler de vigilance en cette période où le pic d’intoxication est le plus élevé. 
Voyez ce reportage d’Emmanuel Michel, Thierry Maurer, Stéphane Bruhier et Samuel Duhamel.

31.8.14

Duflot - Hollande, les raisons de la rupture

Cécile Duflot dans la cour de l'Elysée en mai 2012 - AP Images

Cécile Duflot fait partie d’une catégorie sociale peu nombreuse, celle des catholiques de gauche. Pour paraphraser Jean Gabin dans le film Le Président d’Henri Verneuil, « les cathos de gauche, ça existe mais c’est comme les poissons volants… Ça ne constitue pas la majorité de l’espèce ». Cécile Duflot appartient à une autre espèce peu développée, celle des politiciens professionnels davantage intéressés par l’intérêt général que par leur sort particulier. C’est en tout cas ce que l’on ressent à la lecture de son livre De l’intérieur, récit forcément subjectif de ses 23 mois passés au gouvernement sous la présidence de François Hollande.

« J’ai fait le même chemin que des millions de Français. J’ai voté Hollande, cru en lui et été déçue. Mais je suis allée plus loin que tous ses électeurs découragés. J’ai essayé de l’aider à tenir ses promesses […] Et j’ai échoué. Alors, je suis partie », explique dès la première page l’ancienne ministre de l’Égalité des territoires et du Logement. Pendant presque deux ans, Duflot s’est retrouvée dans une position inconfortable, celle d’être régulièrement en désaccord avec la ligne du gouvernement auquel elle appartenait. Ses espoirs se sont transformés au fil du temps en frustrations puis en désillusions… Austérité budgétaire, politique européenne, réformes environnementales… Les pommes de discorde ont été nombreuses. Mais au-delà du fond, c’est la manière de faire de la politique de François Hollande que dénonce Duflot. « Il ne veut pas faire de vagues », il est « hésitant », « il ne dit pas ce qu’il pense », il fait des choix « souvent inattendus et parfois incohérents entre eux »… Bref, d’après la députée parisienne, Hollande n’a pas de boussole politique. Il gouverne au gré de la pression des lobbies et de l’opinion.
               
Mais c’est un événement précis qui a conduit Duflot à rompre avec le Président de la République. 24 septembre 2013, Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, est invité à donner son avis sur les Roms à la radio : « Ils ont des modes de vie extrêmement différents des nôtres et qui sont évidemment en confrontation » estime l’ancien maire d’Évry. « Les Roms ont vocation à revenir en Roumanie ou en Bulgarie. » Hollande appuiera Valls quelques heures plus tard. Pour Duflot, ces phrases sont inadmissibles. Elles rompent profondément avec sa vision humaniste de la société. « Cet instant restera une brisure politique » explique-t-elle. « Jamais je n’aurais imaginé qu’un de mes collègues ministres puisse soutenir qu’un peuple a plus ou moins vocation à s’intégrer en fonction de son origine. » Quelques mois plus tard, Cécile Duflot refusera un poste de numéro 2 au gouvernement de Manuel Valls pour « être en paix avec elle-même ».
                
Pour autant, l’ancienne secrétaire nationale des Verts ne regrette pas son passage rue de Varenne. Elle pense avoir été « utile » en faisant notamment voter la loi Alur (loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové). L’ancienne urbaniste s’est battue pour faire encadrer les loyers conformément à une promesse présidentielle et malgré le scepticisme ambiant (Manuel Valls a toutefois refusé de publier le décret d'application). Elle a fait voter une loi augmentant de 20 à 25 % le seuil de logements sociaux dans les communes de plus de 3 500 habitants. Elle se réjouit également d’avoir été aux côtés de Christiane Taubira lors du vote autorisant le mariage aux couples de même sexe et de voir son acolyte écologiste Pascal Canfin tenter de mettre un terme aux réseaux souterrains mafieux de la France en Afrique.
                
Sans concession, le livre de Cécile Duflot n’est pourtant pas qu’une critique de la présidence de François Hollande. L’ancienne ministre reconnaît au Président de la République de nombreuses qualités, notamment celle de garder son calme en temps de crise, « une qualité primordiale à son niveau de responsabilité ». Toutefois, la déception de Cécile Duflot est à la fois sincère et légitime. Après deux ans de hollandisme, l’écologiste n’était plus « ni en communion d’idées, ni en communion d’espérances » avec son gouvernement. Son ouvrage en explique clairement les raisons.

Samuel Duhamel

De l’intérieur, Voyage au pays de la désillusion de Cécile Duflot, éditions Fayard, 234 pages, 17 euros



3.5.14

Karima Delli, de Tourcoing à Strasbourg, itinéraire d’une eurodéputée singulière

VINCENT KESSLER/Newscom/Reuters

A 35 ans, Karima Delli est la plus jeune eurodéputée française. Quand elle a été élue au parlement de Strasbourg en 2009 sous la bannière d’Europe Écologie Les Verts, cette Nordiste d’origine algérienne n’avait ni voiture, ni logement mais simplement un vélo et la somme de 9 euros 90 sur son compte en banque. Son arrivée dans la capitale européenne a été une réelle surprise pour elle mais aussi pour ses douze frères et sœurs. Quant à son père analphabète, ancien ouvrier textile, il ne l’a tout simplement pas cru lorsqu’elle lui a annoncé son élection par téléphone : « Arrête tes blagues, je vais me coucher ! », lui a-t-il lancé avant de raccrocher. Bref, Karima Delli n’est pas une eurodéputée comme les autres.

                Aux antipodes de l’archétype de l’élu européen (en gros, un homme de bonne famille quinquagénaire habitué aux fonctions électives), Karima Delli est arrivée à Strasbourg presque par hasard, profitant du score inattendu d’Europe Écologie Les Verts en Île-de-France lors des élections européennes de 2009 (près de 21%). Une consécration pour cette militante associative à l’origine de la création de plusieurs collectifs (Jeudi Noir, La France qui se lève tôt, Sauvons les riches !) qui mêlent à la défense des droits des plus fragiles un activisme joyeusement déluré. Véritable « miracle sociologique » pour reprendre l’expression du politologue Frédéric Sawicki, Karima Delli souhaite faire de la politique autrement, sans se prendre au sérieux, tout en restant proche des attentes des citoyens. C’est ce qu’elle raconte dans son livre La politique ne me fait pas perdre le Nord dans lequel elle revient sur son parcours, de ses rares vacances en famille à Dunkerque jusqu’à la fin de son mandat d’élue européenne.

                Avec ce livre-témoignage, la Tourquennoise cherche à retisser des liens avec les électeurs qui boudent les isoloirs. Et veut jouer la transparence. Son salaire « très confortable, trop sans doute » est de 6 000 euros net par mois ; c’est trois fois plus que ce qu’elle touchait comme assistante parlementaire de la sénatrice écologiste Marie-Christine Blandin. A ces 6 000 euros, il faut rajouter 4 200 euros au titre des frais généraux et 2 000 euros engrangés grâce son présentéisme au Parlement. Des montants qu’elle juge « scandaleux » et qu’elle utilise pour aider des amis et des associations. Des montants qui peuvent toutefois être complétés par des cadeaux offerts par les nombreux lobbys sévissant à Strasbourg. Bouteilles de vin, trousses de toilettes, produits de beauté, vacances payées ou même chèques de plusieurs centaines d’euros… Les lobbys de l’industrie sont prêts à tout ou presque pour s’attirer les faveurs des élus européens. L’ancienne étudiante en droit explique avoir « constituer une frontière » entre les groupes d’intérêts et sa mission d’eurodéputée et  range les « attentions » dans une armoire spécialement conçue à cet effet dans son bureau. Ce n’est pas le cas de tous ses collègues…

                Court mais instructif,  le livre de la candidate EELV aux élections européennes du 25 mai prochain est en soi rassurant. Il montre qu’il est possible de rester simple et accessible tout en  réussissant en politique. Malgré tout, les lecteurs passionnés par le monde des idées risquent de rester sur leur faim car Karima Delli aborde son programme (instauration d’un revenu maximal à hauteur de trente fois le revenu médian, mise en place d’un revenu d’existence, rupture avec les politiques d’austérité, conversion écologique de l’économie, fédéralisme…) avec superficialité. Dommage !

Samuel Duhamel

La politique ne me fait pas perdre le Nord de Karima Delli, La Tengo Éditions, 120 pages, 14 €

24.4.14

« Qaptif ! », l’enfer du décor qatarien


Jean-Pierre Marongiu est un homme brillant. Ingénieur hautement qualifié dans le secteur d’extraction de gaz et de pétrole, entrepreneur à succès, conférencier respecté, écrivain prometteur, citoyen du monde ayant vécu notamment en Malaisie, en Thaïlande et en Angola, président de l’Union des Français de l’Étranger au Qatar, humaniste de gauche habitué aux dîners mondains avec consuls, ambassadeurs ou politiques de premier plan, marié et père heureux de quatre enfants… Il fait partie de ces managers visionnaires qui transforment en or tout ce qu’ils touchent ou presque. Pourtant, Marongiu moisit depuis près d’un an, dans une cellule crasseuse de 36 m² qu’il partage avec neuf autres détenus de la prison centrale de Doha, la capitale du Qatar.

En décembre dernier, nous avons pu échanger avec lui quelques messages par téléphone. Son moral était alors au plus bas. Après une grève de la faim de quarante jours, le Lorrain de 53 ans nous confiait vouloir en finir avec la vie, désespéré de voir le président Hollande ne pas répondre à ses appels au secours. Car Marongiu le clame haut et fort : il est innocent ! Risquant jusqu’à dix ans de prison pour avoir signé huit chèques sans provision, l’ingénieur explique s’être fait rouler par son ancien associé qatarien, lequel lui aurait dérobé son argent. Voilà sa vérité, celle qu’il dévoile aujourd’hui dans un ouvrage intitulé « Qaptif ! ». Écrit clandestinement en prison, le livre revient sur son arrivée au Qatar en 2005, sur la création du « projet de [s]a vie », un centre de formation au management à Doha et surtout sur son interminable descente aux enfers. Car avant d’être incarcéré dans sa cellule, Marongiu était également enfermé… à ciel ouvert, dans cet émirat du Moyen Orient grand comme le Nord-Pas-de-Calais. La raison ? La loi de la kafala ! Elle permet aux entrepreneurs qatariens de décider si, oui ou non, leurs associés étrangers peuvent quitter le territoire. Brouillé avec son sponsor, Marongiu ne pouvait légalement pas rentrer en France malgré la faillite de son entreprise. Alors, il a opté pour une voie illégale.

Pour quitter le Qatar, trois options se présentaient à lui : faire appel à des mercenaires spécialisés dans l’exfiltration des ressortissants étrangers, traverser seul, à pied, les 400 kilomètres du désert saoudien pour gagner Ryad ou partir en canoë-kayak, direction l’île de Bahreïn située à une cinquantaine de kilomètres. Seul, désespéré, Marongiu a d’abord contacté deux agences de sécurité étrangères qui lui promettaient une traversée de la frontière sans encombre. Mauvais choix : 30 000 euros transférés sur leurs comptes pour financer les opérations d’exfiltration et plus aucun contact dans la foulée… Deuxième option : la marche saoudienne. Nouvel échec : le désert n’est pas qu’une étendue de sable fin. C’est aussi un espace marécageux où l’on s’enfonce sans pouvoir avancer. Arrestation par la police côtière qatarienne et retour à la case départ. C’est donc par la voie maritime que l’ingénieur lorrain trouverait son salut. Il fit appel à une nouvelle agence de sécurité. Le plan ? Ramer vers Bahreïn avant de s’envoler vers la France. Après huit ans au Qatar, Marongiu était prêt à tout y compris à mourir en mer. Avec un membre de l’agence chargée de son exfiltration, il rama toute une nuit pour finalement voir son canoë-kayak se disloquer sous la force des vagues. Sauvé par des pêcheurs bengalis qui passaient par là, il atteignit enfin Bahreïn où il alla demander l’aide du consul et de l’ambassadeur de France. Mais, les forces diplomatiques hexagonales n’ont pas souhaité donner suite à son aventure. Marongiu fut finalement arrêté à l’aéroport de Manama, la capitale du Bahreïn, avant d’être reconduit manu militari dans une prison qatarienne.

S’il ne relatait pas une histoire vraie, profondément dramatique, on pourrait dire de « Qaptif ! » qu’il est un livre d’aventures passionnant. Mais ce témoignage, écrit dans un français soigné, presque raffiné, est avant tout un appel au secours à considérer comme tel. Dicté par Jean-Pierre Marongiu à ses proches lors de conversations téléphoniques interdites en prison, l’ouvrage est le fruit d’une souffrance innommable. Celle d’un homme débonnaire et talentueux qui végète dans une cellule à 5 000 kilomètres de chez lui. Celle d’un homme captif, emprisonné dans l’enfer qatarien.   

Samuel Duhamel

Qaptif !, Un entrepreneur retenu au Qatar, de Jean-Pierre Marongiu, éditions Les Nouveaux Auteurs, 460 pages, 19 € 95