30.3.06

Prendre l'avion, est-ce un vol ?

Alors que les compagnies low-cost pullulent et que les vacances aux quatre coins du monde se démocratisent, de plus en plus de voix se font entendre pour réduire le transport aérien. En effet, l’augmentation du nombre de vols engendre des émissions accrues de gaz à effet de serre, ce qui dérègle le climat et menace notre santé. Face à ces arguments, les compagnies aériennes et les agences de voyage ripostent : taxer le transport aérien risque d’occasionner une perte de compétitivité et des licenciements massifs.

« Plus vite, plus loin, plus souvent, moins cher », le leitmotiv des compagnies aériennes a décidément du plomb dans l’aile. Prochainement pénalisées par une taxe sur les billets d’avion visant à financer l’aide publique au développement[1], elles sont également menacées par une « taxe verte » défendue par de nombreux scientifiques et écologistes. Parmi eux, Thomas Hutin, ingénieur conseil en environnement et militant vert à Lille, se veut sans concession : « Les voyages en avion sont incompatibles avec les exigences du développement durable. En clair, si on fait un aller-retour pour l’Argentine, par exemple, et que l’on vit le reste de l’année dans une grotte comme un homme préhistorique, on aura déjà émis trop de gaz à effet de serre pour ne pas aggraver le réchauffement climatique. » Et les conséquences risquent d’être terribles. D’après les scientifiques du Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC), sans une réduction drastique des émissions de dioxyde de carbone, méthane ou autre dioxyde d’azote, la multiplication des catastrophes météorologiques, la radicalisation des températures et l’élévation du niveau de la mer sont inévitables. Pour Thomas Hutin, « on ne peut pas à la fois prendre l’avion et vouloir transmettre une planète vivable à nos enfants : il n’y a rien de plus contradictoire ! » Au cœur de la polémique, une décision prise en 1944 par l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI) qui détaxe totalement le kérosène [carburant d’aviation] et instaure ainsi une concurrence déloyale entre les différents modes de transport. Ainsi, pour de nombreux écologistes, l’absence de taxe sur le transport aérien rendrait les moyens de transport plus propres moins compétitifs. A côté des économies d’énergie, de la promotion des énergies renouvelables et de l’isolation des bâtiments, il faudrait donc taxer les déplacements en avion pour sauver la terre. « Si les coûts environnementaux liés au transport aérien étaient comptabilisés, le prix d’un billet d’avion serait cinq à cent euros plus cher, suivant la distance. Ainsi, les billets se vendraient moins et la pollution due aux déplacements aériens serait réduite[2] », affirme Thomas Hutin.

Du côté des professionnels de l’aviation et du tourisme, le constat est tout autre. Pour Lionel Guérin, président de la Fédération de l’Aviation marchande, le transport aérien doit être encouragé car il est vecteur d’emploi et de croissance. Aujourd’hui, des vols supplémentaires s’ouvrent dans différents aéroports nationaux. A Lesquin, les tours opérateurs proposent actuellement davantage de liaisons vers la Crète et la Tunisie. Mais malgré cette vague positive, les craintes des professionnels de l’aviation sont réelles. Taxer le transport aérien reviendrait en effet à diminuer le nombre de clients. Or, pour le conseil international des aéroports, une perte d’un million de passagers transportés par an engendrerait la suppression de 3 à 4 000 emplois. Pour leur défense, les compagnies font également valoir que peu de pays ont accepté la taxe visant à aider les pays les moins avancés et qu’ils seraient encore moins nombreux à vouloir instaurer une « taxe verte ». Elles affirment par ailleurs que taxer le transport aérien occasionnerait une rupture de concurrence avec les Etats-Unis et l’Asie. Enfin, compagnies et agences de voyage se disent victimes de la cherté du pétrole. Pour Lionel Guérin, « le prix du kérosène est déjà très élevé. Ces deux dernières années, notre facture de kérosène, qui représente 20% de nos coûts d’exploitation, a été multipliée par deux, et l’augmentation du prix du pétrole se poursuit. » Toutefois, certains professionnels de l’aviation ne s’opposent pas à pareille taxe. Jean-François Rial, PDG du groupe Voyageurs du monde, appelle ainsi à la responsabilité des transporteurs aériens : « S’il faut payer pour que les générations futures aient des conditions d’existence décentes, payons ! Soyons visionnaires ! Proposons de faire également payer cette taxe par toutes les activités non délocalisables et polluantes...».

Entre logique écologique et dynamique capitaliste, la question d’une « taxe verte » sur le transport aérien divise les différentes parties prenantes. Mais alors que l’ère du pétrole à bas coût se termine, 100% des avions continuent de voler au kérosène. Si aucune « taxe verte » sur les déplacements en avion n’est instaurée dans les prochaines années, c’est bien l’augmentation du prix du pétrole qui risque de pénaliser les professionnels de l’aviation. Qu’ils le veuillent ou non.

Samuel Duhamel

[1] Entrée en vigueur le 1er juillet 2006
[2] L’association CO2solidaire propose d’ailleurs à chaque citoyen prenant l’avion la possibilité de compenser ses émissions de gaz à effet de serre en calculant le montant des dégâts environnementaux liés à un déplacement aérien. L’argent récolté est utilisé pour soutenir des actions de coopération avec des pays du sud et pour préserver l’environnement. Pour plus d’informations : www.co2solidaire.org

3 commentaires:

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