« Sur une planète physiquement limitée comme la nôtre, une croissance illimitée des productions matérielles est clairement impensable. » Une évidence, non ? Pas tant que çà au vu des déclarations de 95% de nos dirigeants. A droite, à gauche et au centre, on reste persuadé, après 250 ans de productivisme, que la solution de tous nos maux réside dans le toujours plus. Contre le chômage, la croissance. Contre la misère, la croissance. Contre la dette, la croissance. Contre le dérèglement climatique, la croissance…
L’ouvrage de Christian Comeliau, La croissance ou le progrès ?, renverse cette idée répandue avec brio et intelligence. Sans dogmatisme, il démonte les artefacts de l’idéologie dominante et souligne les limites du système capitaliste. Accroissement des inégalités, augmentation du nombre de miséreux, destruction de la planète…, la croissance du PIB a engendré de nombreux maux, sans apporter de solutions aux problèmes qui rongent nos sociétés.
La force du livre de Comeliau consiste à montrer que les fruits de l’accumulation des richesses profitent d’abord aux nantis. Si une minorité de privilégiés accèdent au confort et à l’abondance, c’est uniquement parce qu’une majorité de sans-grade sont contraints au dénuement. « Nous demandons à la Terre plus qu’elle ne peut nous donner », résume Comeliau, reprenant à son compte le discours de l’écologiste américain Lester Brown. Mais alors pourquoi avancer toujours plus vite si nous avons pris la mauvaise direction ? Egoïsme, mimétisme, poids des habitudes, paresse intellectuelle…, les causes de notre aveuglement sont innombrables. Le défi à relever est donc immense…
Malgré les difficultés, le livre ne sombre pas dans le catastrophisme. Il présente moult remèdes aux fléaux qui heurtent notre civilisation : adoption d’autres indicateurs de progrès social (BIP 40, ISS, IDH, empreinte écologique…), priorité accordée à la lutte contre l’indigence grâce à la régulation et la redistribution, sortie de l’économisme ambiant et recherche de l’équité, de l’autonomie et de la convivialité des relations humaines…
Si le pouvoir politique actuel ne réussit pas à construire une société juste et équilibrée, c’est qu’il utilise des moyens injustes et partiaux. En appeler à la croissance est un manque de responsabilité envers les générations futures et les peuples miséreux. Pour Comeliau, il faut imaginer un autre avenir, changer de paradigme pour pouvoir enfon vivre ensemble sur la planète. A la lecture de son livre, difficile de ne pas être d’accord avec lui !
Samuel Duhamel
La croissance ou le progrès ?, Croissance, décroissance, développement durable, Christian Comeliau, Seuil 2006, Paris, 23 €