VINCENT KESSLER/Newscom/Reuters
A 35 ans, Karima Delli est la plus jeune eurodéputée
française. Quand elle a été élue au parlement de Strasbourg en 2009 sous la
bannière d’Europe Écologie Les Verts, cette Nordiste d’origine algérienne n’avait
ni voiture, ni logement mais simplement un vélo et la somme de 9 euros 90 sur
son compte en banque. Son arrivée dans la capitale européenne a été une réelle
surprise pour elle mais aussi pour ses douze frères et sœurs. Quant à son père
analphabète, ancien ouvrier textile, il ne l’a tout simplement pas cru lorsqu’elle
lui a annoncé son élection par téléphone : « Arrête tes blagues, je
vais me coucher ! », lui a-t-il lancé avant de raccrocher. Bref, Karima
Delli n’est pas une eurodéputée comme les autres.
Aux
antipodes de l’archétype de l’élu européen (en gros, un homme de bonne famille quinquagénaire
habitué aux fonctions électives), Karima Delli est arrivée à Strasbourg presque
par hasard, profitant du score inattendu d’Europe Écologie Les Verts en Île-de-France
lors des élections européennes de 2009 (près de 21%). Une consécration pour
cette militante associative à l’origine de la création de plusieurs collectifs
(Jeudi Noir, La France qui se lève tôt, Sauvons les riches !) qui mêlent à
la défense des droits des plus fragiles un activisme joyeusement déluré. Véritable
« miracle sociologique » pour reprendre l’expression du politologue
Frédéric Sawicki, Karima Delli souhaite faire de la politique autrement, sans
se prendre au sérieux, tout en restant proche des attentes des citoyens. C’est
ce qu’elle raconte dans son livre La
politique ne me fait pas perdre le Nord dans lequel elle revient sur son
parcours, de ses rares vacances en famille à Dunkerque jusqu’à la fin de son
mandat d’élue européenne.
Avec ce
livre-témoignage, la Tourquennoise cherche à retisser des liens avec les
électeurs qui boudent les isoloirs. Et veut jouer la transparence. Son salaire « très
confortable, trop sans doute » est de 6 000 euros net par mois ;
c’est trois fois plus que ce qu’elle touchait comme assistante parlementaire de
la sénatrice écologiste Marie-Christine Blandin. A ces 6 000 euros, il
faut rajouter 4 200 euros au titre des frais généraux et 2 000 euros
engrangés grâce son présentéisme au Parlement. Des montants qu’elle juge « scandaleux »
et qu’elle utilise pour aider des amis et des associations. Des montants qui
peuvent toutefois être complétés par des cadeaux offerts par les nombreux
lobbys sévissant à Strasbourg. Bouteilles de vin, trousses de toilettes,
produits de beauté, vacances payées ou même chèques de plusieurs centaines d’euros…
Les lobbys de l’industrie sont prêts à tout ou presque pour s’attirer les
faveurs des élus européens. L’ancienne étudiante en droit explique avoir « constituer
une frontière » entre les groupes d’intérêts et sa mission d’eurodéputée
et range les « attentions »
dans une armoire spécialement conçue à cet effet dans son bureau. Ce n’est pas
le cas de tous ses collègues…
Court
mais instructif, le livre de la
candidate EELV aux élections européennes du 25 mai prochain est en soi
rassurant. Il montre qu’il est possible de rester simple et accessible tout
en réussissant en politique. Malgré
tout, les lecteurs passionnés par le monde des idées risquent de rester sur
leur faim car Karima Delli aborde son programme (instauration d’un revenu
maximal à hauteur de trente fois le revenu médian, mise en place d’un revenu d’existence,
rupture avec les politiques d’austérité, conversion écologique de l’économie,
fédéralisme…) avec superficialité. Dommage !
Samuel Duhamel
La politique ne me fait pas perdre le Nord de Karima Delli,
La Tengo Éditions, 120 pages, 14 €