Cécile Duflot dans la cour de l'Elysée en mai 2012 - AP Images |
Cécile Duflot fait partie d’une catégorie sociale peu
nombreuse, celle des catholiques de gauche. Pour paraphraser Jean Gabin dans le
film Le Président d’Henri Verneuil, « les cathos de gauche,
ça existe mais c’est comme les poissons volants… Ça ne constitue pas la majorité
de l’espèce ». Cécile Duflot appartient à une autre espèce peu développée,
celle des politiciens professionnels davantage intéressés par l’intérêt général
que par leur sort particulier. C’est en tout cas ce que l’on ressent à la lecture
de son livre De l’intérieur, récit forcément subjectif de ses 23
mois passés au gouvernement sous la présidence de François Hollande.
« J’ai
fait le même chemin que des millions de Français. J’ai voté Hollande, cru en
lui et été déçue. Mais je suis allée plus loin que tous ses électeurs
découragés. J’ai essayé de l’aider à tenir ses promesses […] Et j’ai échoué.
Alors, je suis partie », explique dès la première page l’ancienne ministre
de l’Égalité des territoires et du Logement. Pendant presque deux ans, Duflot s’est
retrouvée dans une position inconfortable, celle d’être régulièrement en
désaccord avec la ligne du gouvernement auquel elle appartenait. Ses espoirs se
sont transformés au fil du temps en frustrations puis en désillusions… Austérité
budgétaire, politique européenne, réformes environnementales… Les pommes de
discorde ont été nombreuses. Mais au-delà du fond, c’est la manière de faire de
la politique de François Hollande que dénonce Duflot. « Il ne veut pas
faire de vagues », il est « hésitant », « il ne dit pas ce
qu’il pense », il fait des choix « souvent inattendus et parfois
incohérents entre eux »… Bref, d’après la députée parisienne, Hollande n’a
pas de boussole politique. Il gouverne au gré de la pression des lobbies et de
l’opinion.
Mais c’est
un événement précis qui a conduit Duflot à rompre avec le Président de la
République. 24 septembre 2013, Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, est
invité à donner son avis sur les Roms à la radio : « Ils ont des
modes de vie extrêmement différents des nôtres et qui sont évidemment en
confrontation » estime l’ancien maire d’Évry. « Les Roms ont vocation
à revenir en Roumanie ou en Bulgarie. » Hollande appuiera Valls quelques
heures plus tard. Pour Duflot, ces phrases sont inadmissibles. Elles rompent
profondément avec sa vision humaniste de la société. « Cet instant restera
une brisure politique » explique-t-elle. « Jamais je n’aurais imaginé
qu’un de mes collègues ministres puisse soutenir qu’un peuple a plus ou moins
vocation à s’intégrer en fonction de son origine. » Quelques mois plus
tard, Cécile Duflot refusera un poste de numéro 2 au gouvernement de Manuel
Valls pour « être en paix avec elle-même ».
Pour
autant, l’ancienne secrétaire nationale des Verts ne regrette pas son passage
rue de Varenne. Elle pense avoir été « utile » en faisant
notamment voter la loi Alur (loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové).
L’ancienne urbaniste s’est battue pour faire encadrer les loyers conformément à
une promesse présidentielle et malgré le scepticisme ambiant (Manuel Valls a toutefois refusé de publier le décret d'application). Elle a fait voter
une loi augmentant de 20 à 25 % le seuil de logements sociaux dans les communes
de plus de 3 500 habitants. Elle se réjouit également d’avoir été aux
côtés de Christiane Taubira lors du vote autorisant le mariage aux couples de
même sexe et de voir son acolyte écologiste Pascal Canfin tenter de mettre un
terme aux réseaux souterrains mafieux de la France en Afrique.
Sans
concession, le livre de Cécile Duflot n’est pourtant pas qu’une critique de la
présidence de François Hollande. L’ancienne ministre reconnaît au Président de
la République de nombreuses qualités, notamment celle de garder son calme en
temps de crise, « une qualité primordiale à son niveau de responsabilité ».
Toutefois, la déception de Cécile Duflot est à la fois sincère et légitime.
Après deux ans de hollandisme, l’écologiste n’était plus « ni en communion
d’idées, ni en communion d’espérances » avec son gouvernement. Son ouvrage
en explique clairement les raisons.
Samuel Duhamel
De l’intérieur, Voyage au pays de la désillusion de Cécile
Duflot, éditions Fayard, 234 pages, 17 euros