31.8.14

Duflot - Hollande, les raisons de la rupture

Cécile Duflot dans la cour de l'Elysée en mai 2012 - AP Images

Cécile Duflot fait partie d’une catégorie sociale peu nombreuse, celle des catholiques de gauche. Pour paraphraser Jean Gabin dans le film Le Président d’Henri Verneuil, « les cathos de gauche, ça existe mais c’est comme les poissons volants… Ça ne constitue pas la majorité de l’espèce ». Cécile Duflot appartient à une autre espèce peu développée, celle des politiciens professionnels davantage intéressés par l’intérêt général que par leur sort particulier. C’est en tout cas ce que l’on ressent à la lecture de son livre De l’intérieur, récit forcément subjectif de ses 23 mois passés au gouvernement sous la présidence de François Hollande.

« J’ai fait le même chemin que des millions de Français. J’ai voté Hollande, cru en lui et été déçue. Mais je suis allée plus loin que tous ses électeurs découragés. J’ai essayé de l’aider à tenir ses promesses […] Et j’ai échoué. Alors, je suis partie », explique dès la première page l’ancienne ministre de l’Égalité des territoires et du Logement. Pendant presque deux ans, Duflot s’est retrouvée dans une position inconfortable, celle d’être régulièrement en désaccord avec la ligne du gouvernement auquel elle appartenait. Ses espoirs se sont transformés au fil du temps en frustrations puis en désillusions… Austérité budgétaire, politique européenne, réformes environnementales… Les pommes de discorde ont été nombreuses. Mais au-delà du fond, c’est la manière de faire de la politique de François Hollande que dénonce Duflot. « Il ne veut pas faire de vagues », il est « hésitant », « il ne dit pas ce qu’il pense », il fait des choix « souvent inattendus et parfois incohérents entre eux »… Bref, d’après la députée parisienne, Hollande n’a pas de boussole politique. Il gouverne au gré de la pression des lobbies et de l’opinion.
               
Mais c’est un événement précis qui a conduit Duflot à rompre avec le Président de la République. 24 septembre 2013, Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, est invité à donner son avis sur les Roms à la radio : « Ils ont des modes de vie extrêmement différents des nôtres et qui sont évidemment en confrontation » estime l’ancien maire d’Évry. « Les Roms ont vocation à revenir en Roumanie ou en Bulgarie. » Hollande appuiera Valls quelques heures plus tard. Pour Duflot, ces phrases sont inadmissibles. Elles rompent profondément avec sa vision humaniste de la société. « Cet instant restera une brisure politique » explique-t-elle. « Jamais je n’aurais imaginé qu’un de mes collègues ministres puisse soutenir qu’un peuple a plus ou moins vocation à s’intégrer en fonction de son origine. » Quelques mois plus tard, Cécile Duflot refusera un poste de numéro 2 au gouvernement de Manuel Valls pour « être en paix avec elle-même ».
                
Pour autant, l’ancienne secrétaire nationale des Verts ne regrette pas son passage rue de Varenne. Elle pense avoir été « utile » en faisant notamment voter la loi Alur (loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové). L’ancienne urbaniste s’est battue pour faire encadrer les loyers conformément à une promesse présidentielle et malgré le scepticisme ambiant (Manuel Valls a toutefois refusé de publier le décret d'application). Elle a fait voter une loi augmentant de 20 à 25 % le seuil de logements sociaux dans les communes de plus de 3 500 habitants. Elle se réjouit également d’avoir été aux côtés de Christiane Taubira lors du vote autorisant le mariage aux couples de même sexe et de voir son acolyte écologiste Pascal Canfin tenter de mettre un terme aux réseaux souterrains mafieux de la France en Afrique.
                
Sans concession, le livre de Cécile Duflot n’est pourtant pas qu’une critique de la présidence de François Hollande. L’ancienne ministre reconnaît au Président de la République de nombreuses qualités, notamment celle de garder son calme en temps de crise, « une qualité primordiale à son niveau de responsabilité ». Toutefois, la déception de Cécile Duflot est à la fois sincère et légitime. Après deux ans de hollandisme, l’écologiste n’était plus « ni en communion d’idées, ni en communion d’espérances » avec son gouvernement. Son ouvrage en explique clairement les raisons.

Samuel Duhamel

De l’intérieur, Voyage au pays de la désillusion de Cécile Duflot, éditions Fayard, 234 pages, 17 euros