13.2.10

Lens en Ligue 2 : un naufrage annoncé

Le 9 mai 1998, au terme d’une saison remarquable, le Racing Club de Lens devînt champion de France de première division. Logique ! Depuis quelques années, le club se structurait et terminait régulièrement dans le haut de tableau. L’arrivée de Daniel Leclercq au poste d’entraîneur donna un supplément d’âme à l’équipe et lui permit de gravir les quelques marches qui la séparait du Graal. Pourtant, dix ans plus tard, quasiment jour pour jour, le Racing était relégué en deuxième division. Aux mannettes de l’équipe, ce même Daniel Leclercq, le Druide, celui qui apporta au club ses deux seuls titres majeurs. Que s’est-il donc passé pour que ce monument du football français sombre à ce point ? Comment un club aussi populaire et ambitieux a-t-il pu descendre en Ligue 2 ? C’est à ces questions que répond Benoît Dequevauviller dans son enquête, 2 saisons en enfer.

De la démission de Francis Gillot en mai 2007 jusqu’au titre de champion de Ligue 2 deux ans plus tard, le livre retrace le parcours sinueux du club sang et or. Avec un constat clair : le Racing s’est perdu en chemin. L’arrivée du caporal bourguignon Guy Roux, sa démission quatre mois plus tard, son remplacement par l’étoile filante Jean-Pierre Papin, le retour du Druide à la maison, l’inimitié Leclercq-JPP, la banderole anti chti, la finale de la Coupe de la Ligue perdue puis la relégation… Tous les épisodes de la saison 2007-2008 sont passés au crible. Les anecdotes sont croustillantes[1] et révèlent à quel point le club s’est éloigné des valeurs d’humilité et de solidarité qui ont construit ses succès.

La partie la plus intéressante de l’ouvrage concerne Daniel Leclercq, l’entraîneur emblématique du Racing à la fin des années 90. Adoré par les supporters, considéré comme l’un des meilleurs techniciens français, Leclercq se fait refaire le portrait dans l’ouvrage. Il serait le contraire de l’image qu’il renvoie, à savoir celle d'un fin connaisseur du ballon rond mais surtout d'un homme simple, proche des gens simples. D’après les faits rapportés par Dequevauviller, le Druide s’est comporté en despote lorsqu’il a été rappelé par Gervais Martel. Reléguant sur le banc des joueurs performants dont il n’appréciait pas le comportement en dehors du terrain (Aruna, Carrière, Monterrubio…), humiliant son adjoint de luxe Jean-Pierre Pain, accusant la presse de faire son travail critique, absent lors d’entraînements importants ou accusant Maoulida d’ « injecter du venin dans les veines » de sa femme gravement malade, le grand blond n’a pas été exemplaire durant sa présence sur le banc, réussissant la performance incroyable de fédérer la grande majorité des joueurs contre lui en seulement quelques mois. Simplement désastreux.

L’enquête de Benoît Dequevauviller éclaire donc bien des aspects cachés des deux saisons infernales qu’a traversées le Racing. C’est un livre très fouillé, écrit au plus proche du vestiaire par un grand connaisseur du club. Mais cette introspection au cœur du RC Lens paraît un peu déséquilibrée. Dénonçant les clans qui se sont constitués au sein du club (les pro-Collado contre les pro-Doré, les pro-Papin contre les pro-Leclercq…), l’auteur semble lui aussi prendre partie en faveur des premiers. Les piètres résultats obtenus par JPP, les exercices parfois humiliants organisés par ce dernier à l’entraînement (le joueur le moins adroit de l’entraînement devait porter une chasuble spéciale lui permettant d’être identifié par les autres) ou la relative indifférence avec laquelle il apprit les problèmes de santé du Druide ne sont par exemple pas évoqués. Malgré ces quelques manques et deux ou trois imprécisions[2], 2 saisons en enfer est un livre qui passionnera les amoureux du Racing mais aussi les simples amateurs de football.

Samuel Duhamel

2 saisons en enfer de Benoît Dequevauviller, édition Les Lumières de Lille, juin 2009, 188 pages, 20 €

[1] On retiendra par exemple la fête improvisée dans le bus par certains joueurs après le match… perdu à Troyes (3-0) qui privait le Racing de Ligue des Champions ou la demande insistante de Guy Roux pour que Gervais Martel appelle le président du Mali afin d’empêcher le transfert de Seydou Keita au FC Séville.
[2] Contrairement à ce qui est écrit, Hilton a bien participé à la dernière rencontre du Racing lors de la saison 2007-2008, Fanni s’écrit « Fanni » et non « Fanny » et les saisons précédentes et actuelles montrent que Chelle, Roudet, Monnet-Paquet ont bien le niveau Ligue 1 malgré les doutes de l’auteur.