26.11.10

Pierre Mauroy, entre socialisme et réalités

« Depuis l’adolescence, pas un seul jour je n’ai renoncé à cette conviction d’être socialiste. »Pierre Mauroy

Ce n’était pas écrit d’avance. Lorsque le petit Pierre Mauroy vient au monde en 1928 dans un village de l’Avesnois, personne ne peut prédire le destin qui sera le sien. A la maison, le socialisme n’a pas voix au chapitre. Le papa est maître d’école et vote en faveur du parti radical, la maman reste à la maison et craint les émeutes après la victoire du Front populaire en 1936. Et puis de toute façon, l’enfance de Pierre et de ses six frères et sœurs, c’est avant tout la guerre. Une guerre qui a failli coûter la vie à toute la famille un jour de mai 1940 lorsqu’une bombe allemande détruit le cinéma d’Abbeville où les Mauroy s’étaient réfugiés.

Pour autant, Pierre ne s’est pas construit tout seul. Son idole à l’époque, c’est Léo Lagrange, le député d’Avesnes-sur-Helpe, créateur des premières auberges de jeunesse et des colonies de vacances sous le gouvernement Blum. A la Libération, pas encore dix-huit ans, Mauroy adhère aux Jeunesses socialistes dont il prendra la charge quelques années plus tard. Son objectif : « se mettre au service du progrès et du bonheur des hommes ». Sa méthode : le « socialisme démocratique » qu’il conçoit comme une idéologie de transformation sociale dans un cadre économique capitaliste figé. Naviguer entre « Socialisme et réalités » sera donc le credo de sa carrière politique et… par ailleurs le nom de la motion qu’il présentera au congrès de Metz en 1979.

Mais pour pouvoir changer la vie des gens, il faut être en position de le faire. Alors très vite, Pierre Mauroy intègre différentes organisations politiques, associatives et syndicales et va en tirer les ficelles. Les mandats et les responsabilités s’enchaînent : en 1950, il lance la Fédération Léo-Lagrange, un réseau national d’éducation populaire, puis entre au comité directeur de la SFIO (section française de l’internationale ouvrière) avant d’en devenir le secrétaire national adjoint. En 1965, il rencontre François Mitterrand avec qui il prend la tête du nouveau parti socialiste. Son ancrage local lui permet également de devenir vice-président du conseil général du Nord en 1967, puis maire de Lille et député en 1973. Avant évidemment l’entrée à Matignon en 1981. En 1988, il devient Premier secrétaire du PS, avant d’être élu sénateur, président de la Communauté urbaine de Lille puis président de la Fédération mondiale des villes jumelées. Mais la reconnaissance suprême, l’aboutissement de son parcours, c’est 1992, année durant laquelle il succède à Willy Brandt à la présidence de l’internationale socialiste.

Durant ses soixante ans de carrière, Pierre Mauroy a toujours cherché l’unité de sa famille politique. Acceptant parfois de jouer les seconds rôles au profit de son idéal [1], il symbolise un socialisme tempéré dans un monde en proie aux affres d’un capitalisme toujours plus vorace. « Je me sens proche de ces utopistes qui, à force de croire obstinément à leurs rêves, finissent par leur imposer la réalité. », dit-il encore aujourd’hui. Son bilan à la tête des différentes fonctions qu’il a occupées reste globalement positif et rares sont ceux aujourd’hui qui critiquent ses choix et son intégrité. Dans la droite ligne de Jaurès, Blum ou Salengro, Mauroy restera donc une figure tutélaire du socialisme français et international du XXe siècle. Entre socialisme et réalités, Mauroy s’est, semble-t-il, trouvé une place de choix.

Samuel Duhamel


[1] Il céda son poste de député au communiste Jean Lenoir en 1967, déclina la fonction de Premier secrétaire du PS au profit de François Mitterrand au congrès d’Epinay en 1971, démissionna du gouvernement contre l’avis de ce dernier en 1984…