8.1.09

Patrick, shutttttttttt !

19h28, hier sur Canal +. Sur le plateau du Grand Journal, Joseph Stiglitz, ancien Prix Nobel d’économie, et Poivre d’Arvor, ancien présentateur du journal de 20h sur TF1. Le débat porte sur la décision de la Russie de ne plus fournir de gaz à l’Ukraine. Diplomatiquement, ce choix est lourd sens : à court terme, c’est une dizaine de pays qui pourraient se retrouver sans chauffage et sans électricité. Les invités discutent de la pertinence de la décision, du risque de pénurie en Europe, des conséquences éventuelles pour la France… Et puis, pour conclure le débat, comme s’il voulait remporter la bataille des idées, PPDA lance : « C’est un problème qui relance la question du nucléaire. Au moins, en France, avec l’atome, nous ne sommes pas dépendants d’autres pays pour la fourniture d’électricité. » Et Michel Denisot d’approuver.

Pourquoi mentir aux gens ? Quel est l’intérêt de défendre l’énergie atomique en dépit du bon sens ? Ont-ils conscience qu’en prononçant ces deux petites phrases devant deux millions de téléspectateurs, ils effacent le travail de fourmi des militants antinucléaires ?

Car, non, le nucléaire n’est pas la solution ! La France a battu son record de consommation électrique hier avec plus de 90 000 MW produits vers 19h. Malgré les 58 réacteurs sur notre territoire, EDF doit importer de l’électricité d’Allemagne… qui sort du nucléaire depuis 2002. Et de toute façon, on ne peut pas dire que la France est indépendante sur le plan énergétique puisque 100% de l’uranium qu’elle utilise pour produire de l’électricité via le nucléaire est importé. Dès lors, les solutions sont simples : sobriété énergétique et lutte contre le gaspi (la consommation électrique en France dans les années 70 était trois fois moindre), panachage des énergies renouvelables et importations de gaz d’autres pays de l’Union.

La leçon de l’histoire, c’est qu’on a beau avoir présenté le journal le plus regardé en France pendant 21 ans, on n’est pas à l’abri d’une belle ineptie. Patrick, règle élémentaire du journalisme : « Ce dont on ne peut parler, il faut le taire ! »

Samuel Duhamel

21.12.08

Lille dans le bon wagon !

Lille s'est imposé face au Havre hier soir au stadium Nord (3-1). Une victoire globalement méritée qui permet aux Nordistes de se rapprocher des places qualificatives pour la Ligue des Champions. Les Havrais, eux, restent derniers de Ligue 1 et devront réaliser une deuxième partie de saison digne d'un club européen pour ne pas descendre en Ligue 2. A signaler, le nouveau festival de Michel Bastos, auteur de son 9e but et de sa 7e passe décisive.

Lille - Le Havre.mp3

Echos et déclarations :

- On n’arrête plus Michel Bastos : le Brésilien a inscrit son 9e but et adressé sa 7e passe décisive face au Havre. Après seulement 19 matchs, les statistiques sont impressionnantes. Les Havrais ont pourtant tout essayé pour l’arrêter hier soir : Maxime Baca a ainsi remplacé Jérémy Hénin peu après la demi-heure de jeu… Pour le même résultat. Bastos s’est amusé toute la partie avec les arrières droits havrais ! Les supporters nordistes ne s’y trompent pas : Bastos a changé de dimension depuis le début de saison. Avant le match, ils avaient d’ailleurs salué l’annonce de la prolongation de contrat jusqu’en juin 2012 par de copieux applaudissements.

Frédéric Hantz est arrivé tout sourire en conférence de presse : « Ca fait plaisir de retrouver la L1 ! » Il a confirmé que la mission qui lui incombe était « difficile, voire très difficile, voire très, très, très difficile ! » Dans une boutade, il a dit que dorénavant, « si un président de club veut changer d’entraîneur, il ne faut pas qu’il le fasse avant un déplacement à Lille » (cf. défaite de Saint-Etienne 3-0 au stadium Nord juste après l’arrivée de Perrin à la tête des Verts), « on a fait mieux que Saint-Etienne », a-t-il ajouté en rigolant.

Mavuba, le capitaine lillois, s’est montré très satisfait du score et du début de saison nordiste. Pour lui, ce qu’il manque aux dogues pour accrocher la ligue des champions pour l’instant, « c’est 1. de la concentration, 2. de l’expérience, 3. un esprit de tueur devant le but, et 4. des attaquants valides (!) » (Frau, De Melo et Fauvergue sont blessés)

Revault est lui arrivé avec une tête d’enterrement : « On méritait au moins le nul. Contre les gros, on se défend bien mais à chaque fois, on repart avec 0 point. Mentalement, on n’y est pas. J’ai l’impression que certains ne sont pas prêts pour jouer la Ligue 1. Globalement, on est trop gentils, trop bien élevés. Ce sont des qualités pour les Hommes en général mais pas pour des footbaleurs. Résultat : on ne nous respecte pas. Les arbitres, les adversaires, la presse, personne ne nous respecte. On nous marche dessus mais j’y crois encore. Pour s’en sortir, il faut faire un parcours de 7-8e en 2e partie de saison. »

Rudy Garcia est satisfait du la première partie de saison de son équipe : « 5-6e, c’est notre place ! »

Nicolas Gillet : « Mentalement, ça devient très dur. On est tous épuisés, on a besoin de souffler et d’analyser tranquillement notre jeu et les raisons de nos défaites avec le coach. Ce qui nous arrive est paradoxal, quand on joue bien, on perd et quand on joue mal (Nice, VA), on gagne. »

14.12.08

Valenciennes se réveille

Les Valenciennois se sont brillamment imposés hier face à Monaco à domicile (3 buts à 1). Malgré une entame difficile et l'ouverture du score des visiteurs par Pino, les joueurs d'Antoine Kombouaré ont renversé la vapeur grâce à des buts somptueux de Carlos Sanchez, Belmadi puis Pujol. Avec ce succès, les rouges et blancs quittent la dernière place du classement et ne sont plus qu'à deux longueurs de Saint-Etienne, premier non relégable.


VA-ASM le best of.mp3

Echos et déclarations :
- Antoine Kombouaré: "Il fallait finir cette année de merde par un victoire, c'est fait ! C'est un beau cadeau pour tout le monde mais rien n'est fini. C'est une bonne bouffée d'oxygène mais dans ma tête, on reste derniers ! On a produit un jeu formidable et sans Ruffier, on aurait pu en mettre 2 ou 3 de plus... L'objectif c'est la 17e place : c'est bizarre à dire mais c'est ainsi !"
- La dernière victoire de Valenciennes remontait au 23 août, contre Lorient (3-1). Les joueurs d'Antoine Kombouaré restaient sur une série de 15 matchs sans succès (14 en championnat, une élimination en coupe de la Ligue à Vannes).
- Ricardo a reconnu la supériorité des Valenciennois après la rencontre : "On n'a rien fait, on n'a rien montré ! Même quand on a marqué, c'était immérité ! Ils nous ont baladé dans le jeu. On s'est fait bouger tout le match. On a perdu 90% des duels. Je pense que c'est dû à un manque de confiance."
- Le président Decourrière confiant : "Je suis sûr qu'on va s'en sortir. A la 20e position, notre équipe n'est pas à sa place." L'ancien élu européen a par ailleurs confirmé la signature prochaine d'au moins un nouveau joueur.

7.12.08

Résumé Lille - Toulouse

Hier soir, Lille et Toulouse se sont quittés sur un match nul 1-1 au terme d'une rencontre fermée et équilibrée. Les Haut-Garonnais ont failli réalisé le hold-up parfait suite à l'ouverture du score de leur capitaine Mauro Cetto à la 65e minute. Mais c'était sans compter sur le talent de Michel Bastos, auteur du but égalisateur sur coup franc dans le temps additionnel. Les deux équipes restent dans la première partie de tableau, à seulement quelques encablures des places européennes.

LOSC - TFC Best of.mp3

Les échos du match :
- L'entraîneur adjoint de l'équipe de France espoir, Patrice Bergues, était dans les travées du stadium Lille métropole hier soir : sans doute pour observer les moins de 23 ans Toulousains : Etienne Capoue, Cheikh M'Bengue et Moussa Sissoko. Le premier a joué toute la partie, le second a été remplacé par Sirieix, le dernier est rentré à la place de Braaten. Côté lillois, l'espoir se nomme Jerry Vandam mais il est resté sur le banc.

- Alain Casanova explique les nombreux matchs nuls de son équipe (6) et du LOSC (8) par la dégradation des terrains en cette période de l'année : "les écarts entre équipes de L1 sont minimes et ces terrains nivellent encore plus le niveau, c'est donc plus difficile d'inscrire des buts et donc de gagner maintenant qu'en début et fin de saison."

Samuel Duhamel

19.10.08

Petit cours d'économie écologique

Non, l’écologie ne se limite pas à faire attention aux petites fleurs et aux petits oiseaux. Non, les Verts ne sont pas que des défenseurs de l’environnement. Non, la protection de la vie future n’est pas incompatible avec l’essor immédiat de l’économie. C’est pour battre en brèche ces contre-vérités que Pascal Canfin[1] a écrit L’économie verte expliquée à ceux qui n’y croient pas. Un ouvrage pédagogique basé sur un dialogue imaginé entre l’auteur et ses amis sceptiques quant au programme économique des écolos.

On y apprend que si l’économie verte est incompatible avec le système économique actuel[2], elle ne repose pas uniquement sur les préceptes traditionnels portés par la gauche depuis 1945. D’un côté : rejet du tout Etat, défense de la liberté d’entreprendre, réforme des services publics… De l’autre, hausse de l’impôt sur les revenus et sur les bénéfices des grandes entreprises, augmentation des minima sociaux, suppression de la durée de cotisation pour bénéficier des allocations chômage… Le dogmatisme n’a pas lieu d’être dans l’économie rêvée par les militants écologistes.

Reposant sur des idées neuves comme le revenu social garanti (sorte de rétribution des activités d’intérêt général), la mise en place d’une dette-carbone dans les pays du Nord (à partir du moment où les Occidentaux empiètent sur les droits à polluer des pays du Sud, pourquoi ne devraient-ils pas les rembourser ?) ou la conversion écologique de l’économie (investissements lourds dans les énergies renouvelables, les économies d’énergie…), l’économie verte frappe surtout par son objectif final. Ici, l’économie est au service de l’Homme et non pas l’inverse. L’objectif n’est donc pas de produire et consommer plus mais de chercher l’épanouissement des citoyens via des politiques économiques audacieuses. Oubliez donc le PIB, préférez l’empreinte énergétique[3]. Oubliez l’organisation ternaire de la vie (études, travail, retraite), préférez un rythme de vie pleinement choisi (année sabbatique, activité d’utilité sociale et environnementale rémunérée, droit à l’apprentissage tout au long de la vie…), oubliez le « travailler plus pour gagner plus », préférez le « travailler moins pour travailler tous et vivre mieux »…
C’est bien beau cette histoire, mais ça coûte cher, non ? Il faut avoir les moyens de ses ambitions et aller chercher l’argent où il est, explique Canfin. L’économie verte est une économie qui n’a pas peur de taxer (les activités polluantes, les très hauts revenus, la spéculation…) et qui s’appuie pas mal sur les modèles nordiques. C’est mieux mais ça coûte cher ! Oui mais c’est mieux ! Oui mais ça coûte cher ! Oui, mais c’est mieux ! Oh, les gars, on se calme !

L’économie verte repose donc sur un programme innovant à mille lieux des réformettes qui font la une des journaux. Le livre de Canfin constitue donc un excellent cours d’économie post-bac et s’appuie sur un argumentaire riche, étayé par de très nombreuses références statistiques. On apprend donc sur les Verts autant que sur l’économie réelle. Evidemment, un dialogue entre potes de 148 pages, uniquement basé sur des réformes économiques, ça fait un peu long… Mais le tout se lit facilement. Les lecteurs qui ne croient pas en l’économie écologique feraient donc bien d’y jeter un œil.

Samuel Duhamel

[1] Président de la commission économie et société des Verts
[2] Le fameux « capitalisme libéral productiviste mondialisé », cher à Yves Cochet et Agnès Sinaï in Sauver la Terre, 2003
[3] L’empreinte énergétique est un indicateur inventé au début des années 90 par les professeurs William Rees et Mathis Wackernagel qui vise à traduire l’impact des activités humaines sur les écosystèmes. On sait ainsi que l’empreinte énergétique d’un Etats-Unien moyen est équivalente à cinq planètes. Cela veut dire que si tout le monde adoptait le mode de vie américain, il faudrait cinq fois plus de pétrole, d’eau, de charbon, de gaz, d’électricité… Or, les ressources de la planète sont limitées.


L’économie verte expliquée à ceux qui n’y croient pas,
Pascal Canfin, éd. Les petits matins, 148 pages, 14 €

27.7.08

Le capitalisme doit mourir (ou alors ça sera nous) !

« Il va falloir apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous mourrons seuls comme des idiots. »
Gandhi
Un milliard de personnes survivent avec moins d’un dollar par jour[1], 1,1 milliard d’êtres humains n’ont pas accès à l’eau potable [2] , deux milliards d’individus souffrent de carences alimentaires[3], 35 000 personnes meurent de faim chaque jour[4], l’équivalent d’un terrain de foot est déboisé chaque seconde [5]... Vous en voulez encore ? Tant pis ! Six milliards de citoyens ne partent jamais en vacances[6], les 500 capitalistes les plus fortunés sont plus riches que les 416 millions de miséreux les plus pauvres[7], la Chine compte 10 millions de chômeurs de plus chaque année malgré une croissance à deux chiffres[8] , un Terrien sur six vit dans un bidonville[9], le chômage a augmenté de 22% lors des dix dernières années dans le monde[10] … Vous ne voyez aucun rapport entre ces chiffres ? Pourtant, il y en a un ! Il fait l’objet du dernier livre d’Hervé Kempf, Comment les riches détruisent la planète. Un ouvrage simple et pédagogique qui explique que l’écologie n’est pas compatible avec le capitalisme.

La thèse de Kempf, journaliste d’environnement au Monde, tient en une phrase : ce sont les riches qui font de la planète un endroit potentiellement inhabitable et c’est donc à eux de faire les efforts pour maintenir la possibilité d’une vie humaine sur Terre. S’appuyant sur la Théorie de la classe de loisir de Thorstein Veblen, Kempf explique pourquoi le système économique global ne change pas malgré les injustices qu’il génère et l’impasse environnementale à laquelle il mène. Déni de la gravité de la situation, méconnaissances des élites dirigeantes, mimétisme et soif de reconnaissance sociale sont les causes de cet immobilisme aveugle et meurtrier. Car pour Kempf, crises sociales et écologiques sont liées. Les ressources terrestres étant limitées, si un occidental moyen s’enrichit, il empêche un Africain lambda des sortir de la misère. La clé n’est donc pas dans le « travailler plus pour gagner plus » mais dans le « consommer moins, répartir mieux ». Une révolution mentale indispensable pour sortir la majorité de la population mondiale du dénuement et permettre à nos enfants de vivre dignement sur Terre dans quelques années.
Le livre de Kempf repose sur deux éléments indépassables : le savoir et l’humanisme. Kempf est sans doute l’un des journalistes écologistes les plus calés en Europe. En vingt ans de métier, il a rencontré les principaux experts en environnement, a couvert toutes les rencontres internationales sur l’Ecologie avec un œil critique et avisé. Mais Kempf, c’est aussi un penseur du social, un humaniste consterné par le sort réservé aux trois quarts de la population mondiale. Quand les connaissances rencontrent la sensibilité, c’est de l’intelligence pure qui jaillit. Malgré un titre un peu racoleur, Comment les riches détruisent la planète est donc un ouvrage d’intérêt général, un livre qui devrait être distribué dans toutes les classes de sixième. Car qu’on le veuille ou non, si le capitalisme productiviste mondialisé[11] ne tombe pas, c’est bien l’Humanité qui tombera à sa place.
Samuel Duhamel
Comment les riches détruisent la planète, d’Hervé Kempf, éd. Seuil, 2007, 148 p., 14 €


[1] Rapport du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), 2006
[2]Rapport du PNUD, 2006
[3]Rapport de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), 2006
[4] D’après Jean Ziegler, ancien rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l’alimentation, auteur des Nouveaux Maîtres du Monde et ceux qui leur résistent, 2002
[5] D’après Simon Retallack, directeur éditorial de The Ecologist, auteur de Stop, 2003
[6]D’après Rodolphe Christin, auteur du Manuel de l’antitourisme, 2008
[7] Rapport du PNUD, 2006
[8]D’après Juan Somavia, directeur général du Bureau International du Travail (BIT)
[9]D’après l’organisme des Nations Unies chargé de l’habitat
[10]D’après le BIT, 2005
[11] Système économique, apparu vers 1850, reposant sur la propriété privée des moyens de production et dont la finalité est l’accroissement du profit par le biais de l’augmentation continue des rendements et de la consommation.

Une enquête politique royale

« Si Hollande et Royal avaient réussi à travailler ensemble, ils auraient été imbattables. Il tenait le parti, elle avait le charisme et la popularité. Ils ne pouvaient que réussir. Mais leur mésentente les a plombés. »
Raphaëlle Bacqué, journaliste au service politique du Monde, auteur avec Ariane Chemin de La femme fatale
La démocratie des sondages. Voilà ce qui a porté une femme politique élégante et ambitieuse aux portes de l’Elysée. En politique, de bons sondages, ç’est utile, mais pour devenir la première Présidente de l’Histoire de France, cela ne suffit pas. Tel est le constat sévère mais juste que dressent les journalistes Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin dans leur excellente enquête sur Ségolène Royal.
Le livre revient sur la folle envolée de la députée des Deux-Sèvres dans les enquêtes d’opinion, quelques mois avant l’élection présidentielle de 2007. Avec précision, minutie et en évitant d’éventuels détails scabreux touchant au privé ou à l’intime. Dans La Femme fatale, ce sont les arcanes du pouvoir qui sont mis en lumière. On y apprend quelques informations croustillantes sur la manière dont le couple Royal – Hollande s’est désagrégé à mesure qu’avançait la campagne ou sur la haine mutuelle que se portaient Royal et Strauss-Kahn.
Mais surtout on découvre comment l’ancienne ministre de la Famille a perdu une élection qu’elle aurait dû gagner. La campagne de Royal, c’était avant tout la campagne d’une femme seule qui n’a pas eu confiance en son entourage. La candidate s’est construite politiquement en éliminant ses proches, jamais en les rassemblant. Rejet de son compagnon, François Hollande, premier secrétaire du PS, rejet des éléphants, Fabius et DSK, qu’elle n’a jamais souhaité rappeler après leur défaite lors de la primaire, rejet du PS dans son ensemble. Les erreurs furent nombreuses : la fameuse « bravitude » chinoise, les gaffes médiatiques en tout genre, l’éloignement de sa conseillère en environnement lors de l’annonce de la non-candidature d’Hulot, sa trop grande fragilité dans domaines importants comme la politique étrangère ou l’économie… Royal avait des failles. Elle n’a pas voulu s’en rendre compte
L’analyse de Bacqué et Chemin est d’une clairvoyance admirable. Le souci du détail est proprement hallucinant, la distance éclairée avec laquelle les journalistes énumèrent les faits est un modèle du genre. Leur enquête politique se lit comme un roman dont on connaît la fin. Une fin finalement sans surprise quand on analyse d’aussi près le parcours politique de Royal, la femme fatale.
Samuel Duhamel
La femme fatale, de Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin, éd. Albin Michel, 240 pages, 18 euros

10.7.08

Domenech, entraîneur sans succès

Comment peut-on devenir (et rester) sélectionneur de l’équipe de France en étant buté, agressif et surtout inefficace ? La question se pose à la lecture de Domenech, la biographie qu’a consacrée Joël Domenighetti à l’entraîneur des Bleus. L’ouvrage revient sur les principales étapes de la vie de l’ancien latéral droit lyonnais : de sa jeunesse catalane jusqu’à la préparation de l’Euro 2008, en passant par son époque patte d’éph’, grosse moustache et « tacles à la hanche », ses échecs répétés comme entraîneur et sa courte carrière de comédien. Son caractère complexe (la fierté des origines, la provocation dans le sang, l’assurance de façade troublée par le doute intérieur…) est disséqué par ses proches, ses collègues et ses adversaires. Domenech, lui, ne dit rien ou presque. Il s’était engagé à donner trois interviews au journaliste de l’Equipe. Il n’en accordera qu’une seule. Absent lors des rendez-vous importants. Un rituel pour le sélectionneur…
Car qu’on l’admire ou qu’on le déteste, Domenech est un éternel perdant. Non pas un perdant héroïque, presque romantique comme le furent Hidalgo en 1982, Zoff en 2000 ou Van Basten en 2008. Non, Domenech est juste un perdant sans talent. Le constat est amer mais il est validé par les faits avancés par l’ouvrage. Le joueur a certes réalisé une carrière admirable ponctuée par deux titres de champion de France, deux coupes nationales et huit sélections chez les Bleus. Mais que dire de l’entraîneur ? Lorsqu’il arrive à Mulhouse, il veut faire monter le club en D1. Trois essais, trois échecs ! Son successeur, Didier Notheaux, réussira lui du premier coup. A Lyon, il achève sa carrière d’entraîneur de club avec une 16e puis une 14e place. Des performances médiocres qui lui permettent d’accéder directement au poste de sélectionneur des Bleuets. Là, c’est l’escalade : aucun succès en six participations à l’Euro Espoir, pas de qualification pour les JO de Sidney, pas de qualification non plus pour les JO d’Athènes. Des résultats consternants qui font de lui le sélectionneur actuel des Bleus.
En 23 ans de carrière d’entraîneur, Domenech a remporté 4 titres : champion de D2 avec Lyon, deux fois vainqueur du tournoi de Toulon et vainqueur du tournoi de Casablanca avec les Espoirs. C’est peu. A la lumière de du fiasco des Bleus lors de l’Euro 2008, la question se pose toujours : comment peut-on devenir (et rester) sélectionneur de l’équipe de France en étant buté, agressif et surtout inefficace?
L’ouvrage de Domenighetti ne répond pas à la question. Mais il a le mérite de la poser tacitement. C’est déjà pas mal.
Samuel Duhamel
Domenech, de Joël Domenighetti, éd. Du Moment, 177 pages, 19,95 euros

25.2.08

C'est çà la gauche !

« Jaurès disait : le courage, c’est de choisir un métier et de bien le faire, quel qu’il soit. […] Je me sens l’héritier de Jaurès. »
Nicolas Sarkozy, le 13 avril 2007 à Toulouse

Nicolas Sarkozy est un menteur et un usurpateur. Rien de nouveau sous le soleil ? En fait si, puisque ce constat est tiré par Jean Jaurès lui-même, dans Jaurès, Rallumer tous les soleils (éd. Omnibus). Dans ce recueil exhaustif d’écrits et de discours, le député de Carmaux se dévoile sans détour : humaniste, anti-capitaliste et citoyen du monde… Aucun risque d’avoir un regard faussé sur l’élu du Tarn : tous les mots imprimés dans le livre sont les siens. Pas d’analyses, pas de commentaires : juste la puissance irrésistible de la pensée jaurésienne. En 941 pages, de la fin de son adolescence jusqu’à son dernier discours, on suit pas à pas l’évolution de la pensée fourmillante et « résolument optimiste » d’un Jaurès toujours préoccupé par le sort de ses semblables.

Car le jeune député du Tarn n’a pas été tout de suite un socialiste révolutionnaire. Jaurès s’est construit intellectuellement dans les idéaux démocratiques de Danton et de la Révolution Française. Les premières années de la IIIe République et l’apparition du suffrage universel sont pour lui un aboutissement : politiquement, tous les hommes sont désormais égaux. Mais la lutte ne s’arrête pas là : les inégalités économiques et l’injustice sociale vont le contraindre à s’engager davantage. La gauche révolutionnaire devient son camp, le réformisme radical, sa méthode. Il n’oublie pas pour autant ses premières amours. Si Jaurès assume son socialisme, il reste presque amoureusement attaché à la République. Pour lui, les deux postures sont indivisibles. Et il s’efforcera, durant toute son existence, de concilier l’impératif démocratique et la nécessité de panser le monde, d’en faire un endroit plus juste et plus acceptable pour les prolétaires.

Mais ce qui frappe chez Jaurès, c’est surtout la profondeur de son esprit. Le style est riche, précis et imagé. Jaurès, c’est l’éloquence incarnée. C’est une pensée vive et épurée car confrontée en permanence au réel et à tous les pans du savoir. Jaurès était un spécialiste de tout ce qui avait un lien avec le sociétal: parlez-lui de la Révolution Française et il s’embrase, évoquez le combat des suffragettes et son cœur s’accélère, soufflez-lui à l’oreille « la dialectique hegelienne chez Marx » et il devient intarissable. Savoir, comprendre pour agir… voilà le triptyque humaniste qui animait l’ancien élève de l’Ecole normale supérieure.

On connaissait Jaurès, député socialiste puis journaliste, on rencontre un Jaurès historien de la Révolution française, avocat d’Alfred Dreyfus, romancier du réel lorsqu’il se prend à imaginer, avec un siècle de retard, l’improbable plaidoyer de Louis XVI lors de son arrestation ! On le découvre aussi fin politologue, tribun magnifique et visionnaire des grandes tragédies du XXe siècle. Lire Jaurès, c’est donc rentrer dans une intelligence supérieure, entre l’utopie des transformations à accomplir et la conscience réaliste de l’état du monde au tournant des XIXe et XXe siècles.

Parce qu’il s’arrête sur de brûlantes questions d’actualité (laïcité, dérives du capitalisme, droit des femmes, imbécillité de la guerre…), parce qu’il est le fruit d’un humaniste convaincu qui n’a jamais dérogé à ses principes (solidarité, sens des responsabilités, refus de l’injustice…), parce que la gauche contemporaine a oublié ce qu’est la Gauche, il est urgent de lire ou relire Jaurès. Il est urgent de rallumer tous les soleils…

Samuel Duhamel

Jaurès, Rallumer tous les soleils, anthologie des écrits et des discours de Jean Jaurès, choisis par Jean-Pierre Rioux, éd Omnibus, Paris, 2005, 28 €

Pour aller plus loin : - Société d’études jaurésiennes : www.jaures.info/welcome/index.php
- Fondation Jean Jaurès : www.fondatn7.alias.domicile.fr