28.7.10

Mon étoile noire

C’est probablement le plus grand défenseur de l’histoire de l’équipe de France. Pendant dix-sept ans, Lilian Thuram a connu une fantastique carrière de footballeur professionnel. Avec les Bleus, il a tout gagné : la Coupe du monde 98 (qui a oublié son incroyable doublé en demi-finale contre la Croatie ?), l’Euro 2000 puis la Coupe des Confédérations en 2003. Il reste encore aujourd’hui le détenteur du record de sélections en équipe de France masculine avec 142 caps. Thuram, c’est aussi une remarquable carrière en club avec de grandes réussites dans trois championnats majeurs : en France avec Monaco, en Italie à Parme et à Turin, puis en Espagne avec Barcelone.

Mais si Thuram gagne à être connu, ce n’est pas forcément pour ses performances sur le terrain. Avant d’être une légende de son sport, le natif de Pointe-à-Pitre est un humaniste convaincu. La noblesse de son cœur le définit bien davantage que les miracles qu’il a accomplis avec ses jambes. C’est en tout cas ce que l’on ressent à la lecture de son livre, Mes étoiles noires (éditions Philippe Rey). En 400 pages, Thuram évoque le destin d’une cinquantaine de philosophes, inventeurs, poètes, sportifs ou politiques noirs. Son projet est noble : rappeler à ses lecteurs que l’intelligence n’a pas de couleur. « Pas besoin de dépenser 18 euros pour savoir cela ! », me direz-vous ! Et bien si en fait : les messages les plus simples nécessitent qu’on les répète.

De Lucy, notre grand-mère africaine, au premier président métis étatsunien Barack Obama, en passant par des figures illustres comme Aimé Césaire, Rosa Parks ou Martin Luther King ou d’autres inconnues (le polytechnicien Camille Mortenol, le résistant Addi Bâ…), les modèles de Thuram nous racontent tous quelque chose sur nos préjugés ou sur ceux de notre époque. Et sincèrement, cela fait du bien ! La lutte contre le racisme est un combat de tous les instants qui doit s’appuyer sur l’éducation et l’accès à la culture. Alors Thuram nous donne certaines clés pour que nous restions éveillés : page 11 – «Nous sommes tous des Africains d’origine, nés il y a trois millions d’années, et cela devrait nous inciter à la fraternité » ; page 14 –« Quelle que soit sa couleur, l’être humain aura toujours 639 muscles, 5 litres de sang et sera génétiquement semblable aux autres à 99,9% » ; page 32 –« La première déclaration des droits de l’Homme date de 1222, elle est l’œuvre de chasseurs de l’Empire du Mali » ; page 34, 57, 141 et 321 – Le racisme peut venir de partout même des esprits a priori éclairés comme ceux de Victor Hugo, Voltaire, Kant ou Pierre de Coubertin.

En parlant de ses modèles, Lilian Thuram évoque en filigrane son parcours personnel : celui d’un Guadeloupéen, arrivé en métropole sans repère à seulement neuf ans. Il s’est construit grâce au sport évidemment, mais surtout dans la confrontation, dans l’acceptation de sa différence et la prise de conscience qu’elle n’était, en aucun cas, une tare ou une punition. Même si la classification chronologique de ses étoiles est parfois imprécise, le livre de Thuram fait tomber les clichés et grandir les âmes. Thuram, l’humaniste ! Thuram, le penseur ! Thuram, le philosophe ! Thuram, le footballeur ? Il jouait où déjà ?

Samuel Duhamel

Mes étoiles noires de Lilian Thuram, éditions Philippe Rey, 400 pages, 2010, 18 euros