19.1.09

Rennes craque à Lille

Invaincus depuis 18 rencontres en championnat, Rennes a finalement cédé hier soir à Lille lors de la 21e journée de Ligue 1. Nicolas Fauvergue a inscrit le but de la victoire avec la complicité involontaire du défenseur breton, Petter Hansson. Au classement, Rennes se retrouve 4e à un point de Marseille (3e). Avec un match de moins, Lille suit à la 7e place, à trois points des Olympiens. Tout reste donc possible dans la course à l'Europe.
Lille - Stade rennais.mp3
Echos et déclarations :

Inquiétude pour Debuchy : sévèrement taclé par Moussa Sow en première mi-temps, l’arrière droit lillois Mathieu Debuchy a dû être remplacé par Franck Béria. D’après les médecins nordistes, il faudra passer des examens pour connaître l’ampleur de la blessure. Mais, une fracture de la cheville n’est pas à exclure...

Sur cette action de jeu, Moussa Sow a écopé d’un carton jaune. Voyant Debuchy sortir sur blessure, l’arbitre Jean-Charles Cailleux a posé une réserve afin que la commission de discipline puisse sanctionner l’international espoir français, s’il y a lieu de le faire. Pour Guy Lacombe, cette réserve est surprenante. Pour Rudy Garcia, elle est logique. Le coach nordiste estime qu’il est inadmissible que Sow n’ait pas été expulsé sur l’action. « J’ai beau être à 45 mètres de l’action, le rouge me paraissait évident ! »

Fin de série pour Rennes : les Bretons restaient sur 18 matchs sans défaite en championnat. La série avait commencé lors de la 3e journée... et la réception de Lille (2-1) ! Pour Lille, la série d’invincibilité se poursuit avec, toutes compétitions confondues, huit rencontres sans revers (cinq victoires et trois nuls).

Guy Lacombe : "Il fallait bien que ça arrive un jour. On a pas vu la vraie équipe de Rennes aujourd'hui. Ca va remetytre de l’ordre dans la maison, j’espère. Ils nous ont mangés avec nos propres valeurs : discipline, rage dans les duels, rigueur… Lille avait faim de victoitre. C’est bien que la série s’arrête face à une telle équipe même si on aurait aimé la continuer encore un peu".

Fauvergue aime Rennes : même si le but lillois a finalement été attribué Hansson, c’est bien Nicolas Fauvergue qui est à l’origine du but. Remplaçant de Frau, auteur d’un très bon match, il a permis à son équipe de l’emporter. Ce n’est pas la 1er fois que le natif de Béthune fait mal à Rennes. Il y a deux ans, il avait inscrit un but assassin à la dernière seconde du dernier match, privant ainsi Rennes de qualification pour le tour préliminaire de la Ligue des Champions. A l'époque, c’était Toulouse qui avait récupéré le ticket.

Rudy Garcia : "Je suis satisfait. Ca fait partie de nos meilleurs matchs de la saison. Le dogue a été tenace. On peut regretter de ne pas avoir corsé l’addition. Frau aurait mérité de marquer. Il a doublé son temps de jeu de la saison sur ce match. C’est bien pour lui et l’équipe. Concernant, le match dans le match, Emerson - Briand, mon joueur a été très correct. Il n’aurait pas dû prendre de carton jaune, j’en suis sur !"

Samuel Duhamel

8.1.09

Patrick, shutttttttttt !

19h28, hier sur Canal +. Sur le plateau du Grand Journal, Joseph Stiglitz, ancien Prix Nobel d’économie, et Poivre d’Arvor, ancien présentateur du journal de 20h sur TF1. Le débat porte sur la décision de la Russie de ne plus fournir de gaz à l’Ukraine. Diplomatiquement, ce choix est lourd sens : à court terme, c’est une dizaine de pays qui pourraient se retrouver sans chauffage et sans électricité. Les invités discutent de la pertinence de la décision, du risque de pénurie en Europe, des conséquences éventuelles pour la France… Et puis, pour conclure le débat, comme s’il voulait remporter la bataille des idées, PPDA lance : « C’est un problème qui relance la question du nucléaire. Au moins, en France, avec l’atome, nous ne sommes pas dépendants d’autres pays pour la fourniture d’électricité. » Et Michel Denisot d’approuver.

Pourquoi mentir aux gens ? Quel est l’intérêt de défendre l’énergie atomique en dépit du bon sens ? Ont-ils conscience qu’en prononçant ces deux petites phrases devant deux millions de téléspectateurs, ils effacent le travail de fourmi des militants antinucléaires ?

Car, non, le nucléaire n’est pas la solution ! La France a battu son record de consommation électrique hier avec plus de 90 000 MW produits vers 19h. Malgré les 58 réacteurs sur notre territoire, EDF doit importer de l’électricité d’Allemagne… qui sort du nucléaire depuis 2002. Et de toute façon, on ne peut pas dire que la France est indépendante sur le plan énergétique puisque 100% de l’uranium qu’elle utilise pour produire de l’électricité via le nucléaire est importé. Dès lors, les solutions sont simples : sobriété énergétique et lutte contre le gaspi (la consommation électrique en France dans les années 70 était trois fois moindre), panachage des énergies renouvelables et importations de gaz d’autres pays de l’Union.

La leçon de l’histoire, c’est qu’on a beau avoir présenté le journal le plus regardé en France pendant 21 ans, on n’est pas à l’abri d’une belle ineptie. Patrick, règle élémentaire du journalisme : « Ce dont on ne peut parler, il faut le taire ! »

Samuel Duhamel

21.12.08

Lille dans le bon wagon !

Lille s'est imposé face au Havre hier soir au stadium Nord (3-1). Une victoire globalement méritée qui permet aux Nordistes de se rapprocher des places qualificatives pour la Ligue des Champions. Les Havrais, eux, restent derniers de Ligue 1 et devront réaliser une deuxième partie de saison digne d'un club européen pour ne pas descendre en Ligue 2. A signaler, le nouveau festival de Michel Bastos, auteur de son 9e but et de sa 7e passe décisive.

Lille - Le Havre.mp3

Echos et déclarations :

- On n’arrête plus Michel Bastos : le Brésilien a inscrit son 9e but et adressé sa 7e passe décisive face au Havre. Après seulement 19 matchs, les statistiques sont impressionnantes. Les Havrais ont pourtant tout essayé pour l’arrêter hier soir : Maxime Baca a ainsi remplacé Jérémy Hénin peu après la demi-heure de jeu… Pour le même résultat. Bastos s’est amusé toute la partie avec les arrières droits havrais ! Les supporters nordistes ne s’y trompent pas : Bastos a changé de dimension depuis le début de saison. Avant le match, ils avaient d’ailleurs salué l’annonce de la prolongation de contrat jusqu’en juin 2012 par de copieux applaudissements.

Frédéric Hantz est arrivé tout sourire en conférence de presse : « Ca fait plaisir de retrouver la L1 ! » Il a confirmé que la mission qui lui incombe était « difficile, voire très difficile, voire très, très, très difficile ! » Dans une boutade, il a dit que dorénavant, « si un président de club veut changer d’entraîneur, il ne faut pas qu’il le fasse avant un déplacement à Lille » (cf. défaite de Saint-Etienne 3-0 au stadium Nord juste après l’arrivée de Perrin à la tête des Verts), « on a fait mieux que Saint-Etienne », a-t-il ajouté en rigolant.

Mavuba, le capitaine lillois, s’est montré très satisfait du score et du début de saison nordiste. Pour lui, ce qu’il manque aux dogues pour accrocher la ligue des champions pour l’instant, « c’est 1. de la concentration, 2. de l’expérience, 3. un esprit de tueur devant le but, et 4. des attaquants valides (!) » (Frau, De Melo et Fauvergue sont blessés)

Revault est lui arrivé avec une tête d’enterrement : « On méritait au moins le nul. Contre les gros, on se défend bien mais à chaque fois, on repart avec 0 point. Mentalement, on n’y est pas. J’ai l’impression que certains ne sont pas prêts pour jouer la Ligue 1. Globalement, on est trop gentils, trop bien élevés. Ce sont des qualités pour les Hommes en général mais pas pour des footbaleurs. Résultat : on ne nous respecte pas. Les arbitres, les adversaires, la presse, personne ne nous respecte. On nous marche dessus mais j’y crois encore. Pour s’en sortir, il faut faire un parcours de 7-8e en 2e partie de saison. »

Rudy Garcia est satisfait du la première partie de saison de son équipe : « 5-6e, c’est notre place ! »

Nicolas Gillet : « Mentalement, ça devient très dur. On est tous épuisés, on a besoin de souffler et d’analyser tranquillement notre jeu et les raisons de nos défaites avec le coach. Ce qui nous arrive est paradoxal, quand on joue bien, on perd et quand on joue mal (Nice, VA), on gagne. »

14.12.08

Valenciennes se réveille

Les Valenciennois se sont brillamment imposés hier face à Monaco à domicile (3 buts à 1). Malgré une entame difficile et l'ouverture du score des visiteurs par Pino, les joueurs d'Antoine Kombouaré ont renversé la vapeur grâce à des buts somptueux de Carlos Sanchez, Belmadi puis Pujol. Avec ce succès, les rouges et blancs quittent la dernière place du classement et ne sont plus qu'à deux longueurs de Saint-Etienne, premier non relégable.


VA-ASM le best of.mp3

Echos et déclarations :
- Antoine Kombouaré: "Il fallait finir cette année de merde par un victoire, c'est fait ! C'est un beau cadeau pour tout le monde mais rien n'est fini. C'est une bonne bouffée d'oxygène mais dans ma tête, on reste derniers ! On a produit un jeu formidable et sans Ruffier, on aurait pu en mettre 2 ou 3 de plus... L'objectif c'est la 17e place : c'est bizarre à dire mais c'est ainsi !"
- La dernière victoire de Valenciennes remontait au 23 août, contre Lorient (3-1). Les joueurs d'Antoine Kombouaré restaient sur une série de 15 matchs sans succès (14 en championnat, une élimination en coupe de la Ligue à Vannes).
- Ricardo a reconnu la supériorité des Valenciennois après la rencontre : "On n'a rien fait, on n'a rien montré ! Même quand on a marqué, c'était immérité ! Ils nous ont baladé dans le jeu. On s'est fait bouger tout le match. On a perdu 90% des duels. Je pense que c'est dû à un manque de confiance."
- Le président Decourrière confiant : "Je suis sûr qu'on va s'en sortir. A la 20e position, notre équipe n'est pas à sa place." L'ancien élu européen a par ailleurs confirmé la signature prochaine d'au moins un nouveau joueur.

7.12.08

Résumé Lille - Toulouse

Hier soir, Lille et Toulouse se sont quittés sur un match nul 1-1 au terme d'une rencontre fermée et équilibrée. Les Haut-Garonnais ont failli réalisé le hold-up parfait suite à l'ouverture du score de leur capitaine Mauro Cetto à la 65e minute. Mais c'était sans compter sur le talent de Michel Bastos, auteur du but égalisateur sur coup franc dans le temps additionnel. Les deux équipes restent dans la première partie de tableau, à seulement quelques encablures des places européennes.

LOSC - TFC Best of.mp3

Les échos du match :
- L'entraîneur adjoint de l'équipe de France espoir, Patrice Bergues, était dans les travées du stadium Lille métropole hier soir : sans doute pour observer les moins de 23 ans Toulousains : Etienne Capoue, Cheikh M'Bengue et Moussa Sissoko. Le premier a joué toute la partie, le second a été remplacé par Sirieix, le dernier est rentré à la place de Braaten. Côté lillois, l'espoir se nomme Jerry Vandam mais il est resté sur le banc.

- Alain Casanova explique les nombreux matchs nuls de son équipe (6) et du LOSC (8) par la dégradation des terrains en cette période de l'année : "les écarts entre équipes de L1 sont minimes et ces terrains nivellent encore plus le niveau, c'est donc plus difficile d'inscrire des buts et donc de gagner maintenant qu'en début et fin de saison."

Samuel Duhamel

19.10.08

Petit cours d'économie écologique

Non, l’écologie ne se limite pas à faire attention aux petites fleurs et aux petits oiseaux. Non, les Verts ne sont pas que des défenseurs de l’environnement. Non, la protection de la vie future n’est pas incompatible avec l’essor immédiat de l’économie. C’est pour battre en brèche ces contre-vérités que Pascal Canfin[1] a écrit L’économie verte expliquée à ceux qui n’y croient pas. Un ouvrage pédagogique basé sur un dialogue imaginé entre l’auteur et ses amis sceptiques quant au programme économique des écolos.

On y apprend que si l’économie verte est incompatible avec le système économique actuel[2], elle ne repose pas uniquement sur les préceptes traditionnels portés par la gauche depuis 1945. D’un côté : rejet du tout Etat, défense de la liberté d’entreprendre, réforme des services publics… De l’autre, hausse de l’impôt sur les revenus et sur les bénéfices des grandes entreprises, augmentation des minima sociaux, suppression de la durée de cotisation pour bénéficier des allocations chômage… Le dogmatisme n’a pas lieu d’être dans l’économie rêvée par les militants écologistes.

Reposant sur des idées neuves comme le revenu social garanti (sorte de rétribution des activités d’intérêt général), la mise en place d’une dette-carbone dans les pays du Nord (à partir du moment où les Occidentaux empiètent sur les droits à polluer des pays du Sud, pourquoi ne devraient-ils pas les rembourser ?) ou la conversion écologique de l’économie (investissements lourds dans les énergies renouvelables, les économies d’énergie…), l’économie verte frappe surtout par son objectif final. Ici, l’économie est au service de l’Homme et non pas l’inverse. L’objectif n’est donc pas de produire et consommer plus mais de chercher l’épanouissement des citoyens via des politiques économiques audacieuses. Oubliez donc le PIB, préférez l’empreinte énergétique[3]. Oubliez l’organisation ternaire de la vie (études, travail, retraite), préférez un rythme de vie pleinement choisi (année sabbatique, activité d’utilité sociale et environnementale rémunérée, droit à l’apprentissage tout au long de la vie…), oubliez le « travailler plus pour gagner plus », préférez le « travailler moins pour travailler tous et vivre mieux »…
C’est bien beau cette histoire, mais ça coûte cher, non ? Il faut avoir les moyens de ses ambitions et aller chercher l’argent où il est, explique Canfin. L’économie verte est une économie qui n’a pas peur de taxer (les activités polluantes, les très hauts revenus, la spéculation…) et qui s’appuie pas mal sur les modèles nordiques. C’est mieux mais ça coûte cher ! Oui mais c’est mieux ! Oui mais ça coûte cher ! Oui, mais c’est mieux ! Oh, les gars, on se calme !

L’économie verte repose donc sur un programme innovant à mille lieux des réformettes qui font la une des journaux. Le livre de Canfin constitue donc un excellent cours d’économie post-bac et s’appuie sur un argumentaire riche, étayé par de très nombreuses références statistiques. On apprend donc sur les Verts autant que sur l’économie réelle. Evidemment, un dialogue entre potes de 148 pages, uniquement basé sur des réformes économiques, ça fait un peu long… Mais le tout se lit facilement. Les lecteurs qui ne croient pas en l’économie écologique feraient donc bien d’y jeter un œil.

Samuel Duhamel

[1] Président de la commission économie et société des Verts
[2] Le fameux « capitalisme libéral productiviste mondialisé », cher à Yves Cochet et Agnès Sinaï in Sauver la Terre, 2003
[3] L’empreinte énergétique est un indicateur inventé au début des années 90 par les professeurs William Rees et Mathis Wackernagel qui vise à traduire l’impact des activités humaines sur les écosystèmes. On sait ainsi que l’empreinte énergétique d’un Etats-Unien moyen est équivalente à cinq planètes. Cela veut dire que si tout le monde adoptait le mode de vie américain, il faudrait cinq fois plus de pétrole, d’eau, de charbon, de gaz, d’électricité… Or, les ressources de la planète sont limitées.


L’économie verte expliquée à ceux qui n’y croient pas,
Pascal Canfin, éd. Les petits matins, 148 pages, 14 €

27.7.08

Le capitalisme doit mourir (ou alors ça sera nous) !

« Il va falloir apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous mourrons seuls comme des idiots. »
Gandhi
Un milliard de personnes survivent avec moins d’un dollar par jour[1], 1,1 milliard d’êtres humains n’ont pas accès à l’eau potable [2] , deux milliards d’individus souffrent de carences alimentaires[3], 35 000 personnes meurent de faim chaque jour[4], l’équivalent d’un terrain de foot est déboisé chaque seconde [5]... Vous en voulez encore ? Tant pis ! Six milliards de citoyens ne partent jamais en vacances[6], les 500 capitalistes les plus fortunés sont plus riches que les 416 millions de miséreux les plus pauvres[7], la Chine compte 10 millions de chômeurs de plus chaque année malgré une croissance à deux chiffres[8] , un Terrien sur six vit dans un bidonville[9], le chômage a augmenté de 22% lors des dix dernières années dans le monde[10] … Vous ne voyez aucun rapport entre ces chiffres ? Pourtant, il y en a un ! Il fait l’objet du dernier livre d’Hervé Kempf, Comment les riches détruisent la planète. Un ouvrage simple et pédagogique qui explique que l’écologie n’est pas compatible avec le capitalisme.

La thèse de Kempf, journaliste d’environnement au Monde, tient en une phrase : ce sont les riches qui font de la planète un endroit potentiellement inhabitable et c’est donc à eux de faire les efforts pour maintenir la possibilité d’une vie humaine sur Terre. S’appuyant sur la Théorie de la classe de loisir de Thorstein Veblen, Kempf explique pourquoi le système économique global ne change pas malgré les injustices qu’il génère et l’impasse environnementale à laquelle il mène. Déni de la gravité de la situation, méconnaissances des élites dirigeantes, mimétisme et soif de reconnaissance sociale sont les causes de cet immobilisme aveugle et meurtrier. Car pour Kempf, crises sociales et écologiques sont liées. Les ressources terrestres étant limitées, si un occidental moyen s’enrichit, il empêche un Africain lambda des sortir de la misère. La clé n’est donc pas dans le « travailler plus pour gagner plus » mais dans le « consommer moins, répartir mieux ». Une révolution mentale indispensable pour sortir la majorité de la population mondiale du dénuement et permettre à nos enfants de vivre dignement sur Terre dans quelques années.
Le livre de Kempf repose sur deux éléments indépassables : le savoir et l’humanisme. Kempf est sans doute l’un des journalistes écologistes les plus calés en Europe. En vingt ans de métier, il a rencontré les principaux experts en environnement, a couvert toutes les rencontres internationales sur l’Ecologie avec un œil critique et avisé. Mais Kempf, c’est aussi un penseur du social, un humaniste consterné par le sort réservé aux trois quarts de la population mondiale. Quand les connaissances rencontrent la sensibilité, c’est de l’intelligence pure qui jaillit. Malgré un titre un peu racoleur, Comment les riches détruisent la planète est donc un ouvrage d’intérêt général, un livre qui devrait être distribué dans toutes les classes de sixième. Car qu’on le veuille ou non, si le capitalisme productiviste mondialisé[11] ne tombe pas, c’est bien l’Humanité qui tombera à sa place.
Samuel Duhamel
Comment les riches détruisent la planète, d’Hervé Kempf, éd. Seuil, 2007, 148 p., 14 €


[1] Rapport du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), 2006
[2]Rapport du PNUD, 2006
[3]Rapport de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), 2006
[4] D’après Jean Ziegler, ancien rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l’alimentation, auteur des Nouveaux Maîtres du Monde et ceux qui leur résistent, 2002
[5] D’après Simon Retallack, directeur éditorial de The Ecologist, auteur de Stop, 2003
[6]D’après Rodolphe Christin, auteur du Manuel de l’antitourisme, 2008
[7] Rapport du PNUD, 2006
[8]D’après Juan Somavia, directeur général du Bureau International du Travail (BIT)
[9]D’après l’organisme des Nations Unies chargé de l’habitat
[10]D’après le BIT, 2005
[11] Système économique, apparu vers 1850, reposant sur la propriété privée des moyens de production et dont la finalité est l’accroissement du profit par le biais de l’augmentation continue des rendements et de la consommation.

Une enquête politique royale

« Si Hollande et Royal avaient réussi à travailler ensemble, ils auraient été imbattables. Il tenait le parti, elle avait le charisme et la popularité. Ils ne pouvaient que réussir. Mais leur mésentente les a plombés. »
Raphaëlle Bacqué, journaliste au service politique du Monde, auteur avec Ariane Chemin de La femme fatale
La démocratie des sondages. Voilà ce qui a porté une femme politique élégante et ambitieuse aux portes de l’Elysée. En politique, de bons sondages, ç’est utile, mais pour devenir la première Présidente de l’Histoire de France, cela ne suffit pas. Tel est le constat sévère mais juste que dressent les journalistes Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin dans leur excellente enquête sur Ségolène Royal.
Le livre revient sur la folle envolée de la députée des Deux-Sèvres dans les enquêtes d’opinion, quelques mois avant l’élection présidentielle de 2007. Avec précision, minutie et en évitant d’éventuels détails scabreux touchant au privé ou à l’intime. Dans La Femme fatale, ce sont les arcanes du pouvoir qui sont mis en lumière. On y apprend quelques informations croustillantes sur la manière dont le couple Royal – Hollande s’est désagrégé à mesure qu’avançait la campagne ou sur la haine mutuelle que se portaient Royal et Strauss-Kahn.
Mais surtout on découvre comment l’ancienne ministre de la Famille a perdu une élection qu’elle aurait dû gagner. La campagne de Royal, c’était avant tout la campagne d’une femme seule qui n’a pas eu confiance en son entourage. La candidate s’est construite politiquement en éliminant ses proches, jamais en les rassemblant. Rejet de son compagnon, François Hollande, premier secrétaire du PS, rejet des éléphants, Fabius et DSK, qu’elle n’a jamais souhaité rappeler après leur défaite lors de la primaire, rejet du PS dans son ensemble. Les erreurs furent nombreuses : la fameuse « bravitude » chinoise, les gaffes médiatiques en tout genre, l’éloignement de sa conseillère en environnement lors de l’annonce de la non-candidature d’Hulot, sa trop grande fragilité dans domaines importants comme la politique étrangère ou l’économie… Royal avait des failles. Elle n’a pas voulu s’en rendre compte
L’analyse de Bacqué et Chemin est d’une clairvoyance admirable. Le souci du détail est proprement hallucinant, la distance éclairée avec laquelle les journalistes énumèrent les faits est un modèle du genre. Leur enquête politique se lit comme un roman dont on connaît la fin. Une fin finalement sans surprise quand on analyse d’aussi près le parcours politique de Royal, la femme fatale.
Samuel Duhamel
La femme fatale, de Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin, éd. Albin Michel, 240 pages, 18 euros

10.7.08

Domenech, entraîneur sans succès

Comment peut-on devenir (et rester) sélectionneur de l’équipe de France en étant buté, agressif et surtout inefficace ? La question se pose à la lecture de Domenech, la biographie qu’a consacrée Joël Domenighetti à l’entraîneur des Bleus. L’ouvrage revient sur les principales étapes de la vie de l’ancien latéral droit lyonnais : de sa jeunesse catalane jusqu’à la préparation de l’Euro 2008, en passant par son époque patte d’éph’, grosse moustache et « tacles à la hanche », ses échecs répétés comme entraîneur et sa courte carrière de comédien. Son caractère complexe (la fierté des origines, la provocation dans le sang, l’assurance de façade troublée par le doute intérieur…) est disséqué par ses proches, ses collègues et ses adversaires. Domenech, lui, ne dit rien ou presque. Il s’était engagé à donner trois interviews au journaliste de l’Equipe. Il n’en accordera qu’une seule. Absent lors des rendez-vous importants. Un rituel pour le sélectionneur…
Car qu’on l’admire ou qu’on le déteste, Domenech est un éternel perdant. Non pas un perdant héroïque, presque romantique comme le furent Hidalgo en 1982, Zoff en 2000 ou Van Basten en 2008. Non, Domenech est juste un perdant sans talent. Le constat est amer mais il est validé par les faits avancés par l’ouvrage. Le joueur a certes réalisé une carrière admirable ponctuée par deux titres de champion de France, deux coupes nationales et huit sélections chez les Bleus. Mais que dire de l’entraîneur ? Lorsqu’il arrive à Mulhouse, il veut faire monter le club en D1. Trois essais, trois échecs ! Son successeur, Didier Notheaux, réussira lui du premier coup. A Lyon, il achève sa carrière d’entraîneur de club avec une 16e puis une 14e place. Des performances médiocres qui lui permettent d’accéder directement au poste de sélectionneur des Bleuets. Là, c’est l’escalade : aucun succès en six participations à l’Euro Espoir, pas de qualification pour les JO de Sidney, pas de qualification non plus pour les JO d’Athènes. Des résultats consternants qui font de lui le sélectionneur actuel des Bleus.
En 23 ans de carrière d’entraîneur, Domenech a remporté 4 titres : champion de D2 avec Lyon, deux fois vainqueur du tournoi de Toulon et vainqueur du tournoi de Casablanca avec les Espoirs. C’est peu. A la lumière de du fiasco des Bleus lors de l’Euro 2008, la question se pose toujours : comment peut-on devenir (et rester) sélectionneur de l’équipe de France en étant buté, agressif et surtout inefficace?
L’ouvrage de Domenighetti ne répond pas à la question. Mais il a le mérite de la poser tacitement. C’est déjà pas mal.
Samuel Duhamel
Domenech, de Joël Domenighetti, éd. Du Moment, 177 pages, 19,95 euros

25.2.08

C'est çà la gauche !

« Jaurès disait : le courage, c’est de choisir un métier et de bien le faire, quel qu’il soit. […] Je me sens l’héritier de Jaurès. »
Nicolas Sarkozy, le 13 avril 2007 à Toulouse

Nicolas Sarkozy est un menteur et un usurpateur. Rien de nouveau sous le soleil ? En fait si, puisque ce constat est tiré par Jean Jaurès lui-même, dans Jaurès, Rallumer tous les soleils (éd. Omnibus). Dans ce recueil exhaustif d’écrits et de discours, le député de Carmaux se dévoile sans détour : humaniste, anti-capitaliste et citoyen du monde… Aucun risque d’avoir un regard faussé sur l’élu du Tarn : tous les mots imprimés dans le livre sont les siens. Pas d’analyses, pas de commentaires : juste la puissance irrésistible de la pensée jaurésienne. En 941 pages, de la fin de son adolescence jusqu’à son dernier discours, on suit pas à pas l’évolution de la pensée fourmillante et « résolument optimiste » d’un Jaurès toujours préoccupé par le sort de ses semblables.

Car le jeune député du Tarn n’a pas été tout de suite un socialiste révolutionnaire. Jaurès s’est construit intellectuellement dans les idéaux démocratiques de Danton et de la Révolution Française. Les premières années de la IIIe République et l’apparition du suffrage universel sont pour lui un aboutissement : politiquement, tous les hommes sont désormais égaux. Mais la lutte ne s’arrête pas là : les inégalités économiques et l’injustice sociale vont le contraindre à s’engager davantage. La gauche révolutionnaire devient son camp, le réformisme radical, sa méthode. Il n’oublie pas pour autant ses premières amours. Si Jaurès assume son socialisme, il reste presque amoureusement attaché à la République. Pour lui, les deux postures sont indivisibles. Et il s’efforcera, durant toute son existence, de concilier l’impératif démocratique et la nécessité de panser le monde, d’en faire un endroit plus juste et plus acceptable pour les prolétaires.

Mais ce qui frappe chez Jaurès, c’est surtout la profondeur de son esprit. Le style est riche, précis et imagé. Jaurès, c’est l’éloquence incarnée. C’est une pensée vive et épurée car confrontée en permanence au réel et à tous les pans du savoir. Jaurès était un spécialiste de tout ce qui avait un lien avec le sociétal: parlez-lui de la Révolution Française et il s’embrase, évoquez le combat des suffragettes et son cœur s’accélère, soufflez-lui à l’oreille « la dialectique hegelienne chez Marx » et il devient intarissable. Savoir, comprendre pour agir… voilà le triptyque humaniste qui animait l’ancien élève de l’Ecole normale supérieure.

On connaissait Jaurès, député socialiste puis journaliste, on rencontre un Jaurès historien de la Révolution française, avocat d’Alfred Dreyfus, romancier du réel lorsqu’il se prend à imaginer, avec un siècle de retard, l’improbable plaidoyer de Louis XVI lors de son arrestation ! On le découvre aussi fin politologue, tribun magnifique et visionnaire des grandes tragédies du XXe siècle. Lire Jaurès, c’est donc rentrer dans une intelligence supérieure, entre l’utopie des transformations à accomplir et la conscience réaliste de l’état du monde au tournant des XIXe et XXe siècles.

Parce qu’il s’arrête sur de brûlantes questions d’actualité (laïcité, dérives du capitalisme, droit des femmes, imbécillité de la guerre…), parce qu’il est le fruit d’un humaniste convaincu qui n’a jamais dérogé à ses principes (solidarité, sens des responsabilités, refus de l’injustice…), parce que la gauche contemporaine a oublié ce qu’est la Gauche, il est urgent de lire ou relire Jaurès. Il est urgent de rallumer tous les soleils…

Samuel Duhamel

Jaurès, Rallumer tous les soleils, anthologie des écrits et des discours de Jean Jaurès, choisis par Jean-Pierre Rioux, éd Omnibus, Paris, 2005, 28 €

Pour aller plus loin : - Société d’études jaurésiennes : www.jaures.info/welcome/index.php
- Fondation Jean Jaurès : www.fondatn7.alias.domicile.fr

Jaurès, pour l'Humanité

La barbe mal taillée, le cheveu court brossé en arrière et un regard bleu acier qui vous glace le sang quand il vous fixe… De prime abord, Jean Jaurès a plus l’air d’un bûcheron suédois en quête de troncs que d’un éminent responsable politique. Il le sait mais n’en a cure. « De toute façon, ils n’ont ni peigne, ni mousse à raser au paradis alors je laisse pousser… Disons que c’est la seule négligence que je m’octroie. »
Pour le reste l’ancien député de Carmaux se veut intransigeant. Quand certains à l’extrême gauche voient en lui un élu trop prudent et calculateur (Guesde, Vaillant, Lafargue) Jaurès s’emporte : « Oui, je suis réformiste car la réforme, c’est l’œuvre commençante de la révolution. Je ne suis pas un modéré, je suis […] un révolutionnaire. » Pourtant, les disputes avec les collectivistes[1] ont souvent été violentes. Différences de stratégie pour aboutir à la révolution, degrés de radicalité diverses dans l’échelle du socialisme, visions opposées dans l’affaire Dreyfus… Tout ou presque semblait les opposer. Mais quand on lui parle de ses dissensions au sein du socialisme français au tournant des XIXe et XXe siècle, Jaurès rigole : « Je suis toujours surpris de voir à quel point les journalistes dramatisent des différences de point de vue au sein des partis politiques. Dès qu’on sort du rang, dès qu’on soumet une idée neuve, on nous reproche de mettre le bazar, de mettre l’unité du parti en danger. Adhérer à un parti, c’est se reconnaître dans son idéal. Ensuite, il y ait des débats contradictoires, des oppositions, c’est normal. C’est même signe de bonne santé intellectuelle. »

Quatre-vingt-quatorze ans après sa mort, Jaurès est donc en forme. Au paradis, il continue d’agir sans question, ni repos : il enchaîne les discours, écrit dans son journal L’Humanité d’après, raconte la Révolution française à Voltaire et à Rousseau, continue à défendre Dreyfus et à imaginer de magnifiques plaidoyers pour des dirigeants qu’il n’apprécie pourtant pas (Louis XVI, Pol Pot, Mao…). Mais Jaurès ne fait pas tout tout seul pour autant. Sa confiance en l’autre est presque naturelle. Là où la gauche contemporaine fuit les ouvriers et les employés à grandes enjambées, Jaurès s’en rapproche avec malice. « Pour moi, c’est la classe prolétarienne qui est la vraie classe intellectuelle. Ce sont les prolétaires qui, les premiers, ont compris que l’ordre capitaliste n’était pas tenable, que c’était un désordre, que c’était la haine, la convoitise sans frein, la ruée d’un troupeau qui se précipitait vers le profit et qui piétinait des multitudes pour y parvenir. Ce sont eux les premiers qui ont voulu l’avènement du socialisme. Alors, pourquoi s’en détacher et ne pas les écouter ? »

Socialiste il est, socialiste, il n’a pas toujours été. Mais Jaurès s’assume. Passionné par Danton et par la révolution bourgeoise de 1789, admiratif du réformisme de Gambetta, il ne s’est orienté vers le socialisme qu’à la trentaine. « Comme beaucoup, je percevais les socialistes comme des agitateurs irréalistes. Et puis, la misère humaine m’a sauté au visage avec le massacre de Fourmies[2] et la grande grève de Carmaux[3]. Dès lors, je n’avais qu’un seul but : améliorer, simplifier, adoucir la vie de mes concitoyens, de tous mes concitoyens. Car le socialisme ne s’intéresse pas à la seule classe des ouvriers. Il veut fondre les classes dans une organisation du travail qui sera meilleure pour tous. Le socialisme, c’est l’humanité toute entière, en tous ses individus, en tous ses atomes, qui est appelée à la propriété et à la liberté, à la lumière et à la joie.» Pour rallumer tous les soleils, Jaurès a des idées : impôt progressif, éducation publique et gratuite, fin du travail des enfants, abolition de l’héritage, nationalisations des industries de transport…

De l’anti-capitalisme en somme. « Et alors ? On ne peut pas être humaniste et capitaliste ! Aujourd’hui, l’anti-capitalisme est mal perçu. Mais, comment réduire la crise sociale mondiale et les inégalités sans sortir du capitalisme. De même qu’en 1789, le peuple et la bourgeoisie se trouvèrent unis pour abolir les privilèges nobiliaires et les abus féodaux, de même,[…] le peuple et la bourgeoise doivent s’unir[aujourd’hui] pour abolir les privilèges capitalistes. »

De son vivant, l’élu de Carmaux n’aura jamais connu l’idéal pour lequel il s’est battu toute sa vie. Sauvagement assassiné par un jeune militant ultranationaliste, Raoul Villain, il n’en veut même pas à la justice française de n’avoir jamais condamné son meurtrier[4]. « Mon seul regret, c’est de n’avoir pas réussi à avoir empêché le conflit. Ironie de l’histoire, c’est moi, le pacifiste absolu, qui ai été le déclencheur de la Première Guerre Mondiale. Mes camarades socialistes ont eu une mauvaise lecture de ma mort. Ils ont cru qu’en adoptant une attitude belliciste, ils me vengeraient. Mais la seule chose qui pourrait me venger aujourd’hui, c’est l’avènement d’une société plus juste, tournée vers l’Homme et non pas vers l’argent, une société à l’écoute d’elle-même, une société qui sait dire stop aux immondices du capitalisme. Le courage, c’est de comprendre ce [système] et d’aller vers l’idéal ! » Pour l’Humanité ? Sans doute !

Samuel Duhamel


NB : les citations en gras et en italique sont celles de Jaurès, les autres ne sont que pure invention... mais respectent quand même un semblant de réalite !

[1] Groupe de marxistes, dirigé par Jules Guesdes, qui refusent la participation de socialistes aux gouvernements bourgeois de la IIIe République. Ce groupe deviendra le Parti Ouvrier français en 1880.
[2] La fusillade de Fourmies s'est déroulée le 1er mai 1891. L’armée tire sur des grévistes pacifiques tuant neuf personnes et faisant au moins 35 blessés
[3] En 1892, Jaurès soutient les mineurs en grève qui protestent contre le renvoi de leur maire et responsable syndical, Jean-Baptiste Calvignac, pour le seul motif qu’il est… maire et responsable syndical.
[4] Raoul Villain est jugé en 1919, alors que la France vient de gagner la Guerre. Les jurés considèrent alors que si Jaurès, le pacifiste, avait été écouté, la France aurait perdu le conflit. Son assassin, belliciste en 1914, est donc acquitté. La famille Jaurès devra payer les frais du procès.

Jean Jaurès en dix dates

3 septembre 1859 : naissance à Castres
1878 : reçu premier à l’Ecole normale supérieure
4 octobre 1885 : élu député du Tarn, il devient le plus jeune parlementaire de France
29 juin 1886 : mariage avec Louise Bois
21 janvier 1887 : il écrit son premier article dans un journal, La Dépêche de Toulouse
18 avril 1904 : premier numéro de L’Humanité dont il est le fondateur
12 novembre 1908 : discours à la Chambre contre la « peine immonde »24 novembre 1912 : « Guerre à la guerre », discours au congrès de l’Internationale à Bâle
26 avril 1914 : réélu pour la quatrième et dernière fois aux législatives, à Carmaux (Tarn)
31 juillet 1914 : assassiné au café du Croissant par un militant ultranationaliste, Raoul Villain

Jaurès, un poète révolutionnaire

Si Jaurès est entré dans l’Histoire, ce n’est pas seulement pour son action politique débonnaire, courageuse et visionnaire. Jaurès, c’était avant tout un ton, un style, une voix… De celles qui vous embrasent et résonnent en votre âme pour toujours. Voici quelques unes des plus belles envolées lyriques de l’élu de Carmaux.

« Les hommes n’ont pas besoin de la charité qui est une forme de l’oppression ; ils ont besoin de la justice. »
in La question religieuse et le socialisme, 1891

« Même si les socialistes éteignent un moment toutes les étoiles du ciel, je veux marcher avec eux dans le chemin sombre qui mène à la justice [,] étincelle divine, qui suffira à rallumer tous les soleils dans toutes les hauteurs de l’espace. »in La question religieuse et le socialisme, 1891

« L’argent, lorsqu’il s’arroge lui-même le droit de gouverner et de dominer, est dans la société humaine, la semence du diable. »
in Luther socialiste, 1892

« Lorsque sera réalisée la révolution socialiste, lorsque l’antagonisme des classes aura cessé, lorsque la communauté humaine sera maîtresse des grands moyens de production selon les besoins connus et constatés des hommes, alors, l’humanité aura été arrachée à la longue période d’inconscience où elle marche depuis des siècles, poussée par la force aveugle des événements, et elle sera rentrée dans l’ère nouvelle où l’homme, au lieu d’être soumis aux choses, réglera la marche des choses. »
in Idéalisme et matérialisme dans la conception de l’histoire, 1894

« La société actuelle, violente et chaotique, même quand elle veut la paix, même quand elle est à l’état d’apparent repos, porte en elle la guerre comme la nuée dormante porte l’orage. »
in Comme la nuée porte l’orage, 1895

« Il n’y a qu’un moyen d’abolir enfin la guerre entre les peuples, c’est d’abolir la guerre entre les individus, c’est d’abolir la guerre économique, le désordre de la société présente, c’est de substituer à la lutte universelle pour la vie un régime de concorde sociale et d’unité. »in Comme la nuée porte l’orage, 1895

« Le courage, c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel. »
in Discours à la jeunesse, 1903

« Dans le monde capitaliste, il y a guerre permanente, éternelle, universelle, c’est la guerre de tous contre tous, des individus contre les individus dans une classe, des classes contre les classes dans une nation, des nations contre les nations […]. Le capitalisme, c’est le désordre, c’est la haine, c’est la convoitise sans frein, c’est la ruée d’un troupeau qui se précipite vers le profit et qui piétine des multitudes pour y parvenir. »in Le congrès de Stuttgart et l’antimilitarisme, 1907

« Laïcité de l’enseignement, progrès social, ce sont deux formules indivisibles. Nous n’oublierons ni l’une ni l’autre, et, en républicains socialistes, nous lutterons pour toutes les deux. »
in Pour la laïque, 1910

« Ce qui importe avant tout, c’est la continuité de l’action, c’est le perpétuel éveil de la pensée et de la conscience ouvrières. Là est la vraie sauvegarde. Là est la garantie de l’avenir. »
in Derniers appels, 1914

Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?


Un magnifique hommage de Jacques Brel à Jean Jaurès

15.2.08

Les ateliers d'écriture ou le plaisir de la page blanche


Images et commentaires : Samuel Duhamel

8.2.08

Mais alors que faire ?

A la fin du film, Al Gore propose des solutions simples et concrètes pour sauver la planète (il s’agit en fait de sauver l’espèce humaine mais Al n’est pas à une approximation près…).
Ainsi, on vous explique sérieusement (!) qu’il faut « acheter une voiture hybride », « défendre les véhicules qui roulent aux biocarburants », « dire à nos amis de regarder le film » ou encore « prier le Seigneur pour que ça change (!!!) ».

Pour léguer un monde potable à nos enfants, il faudra faire plus, beaucoup plus. Voici quelques pistes :
- N’achetez pas de voiture. Si vous avez vraiment besoin d’une voiture, louez-la. Sinon, achetez-la à plusieurs avec votre femme, votre mari, votre soeur ou mieux avec vos amis ou vos voisins. Si vous ne pouvez pas faire autrement, attendez l’année prochaine avant d’acheter : des voitures solaires seront disponibles. Si vous achetez une voiture, respectez scrupuleusement le code de la route, vous serez moins dangereux et vous polluerez moins. N'oubliez pas non plus de bien gonfler vos pneus et de faire réviser votre caisse régulièrement.
- Ne prenez plus l’avion. Demandez à vos dirigeants de mettre en place un système de restrictions pour les voyages en avion (un aller-retour maxi par an et par personne). Demandez à vos dirigeants de taxer le transport aérien. Demandez à vos dirigeants d’interdire les survols des villes de 22h à 7h du matin. Demandez à vos dirigeants d’abolir les compagnies low-cost. Si vous prenez l’avion, reversez une compensation volontaire pour la pollution engendrée à des associations de lutte pour l’environnement. Si vous prenez l’avion, restez sur votre lieu de destination au moins un mois. Pour aller sur d’autres continents, tentez de prendre le bateau. Pour voyager en Europe, prenez le train.
- A ceux qui disent que vous détruirez de l’emploi, répondez que les productivistes détruisent les conditions de vie des générations futures. Répondez que l’écologie est porteuse d’emplois dans des secteurs innovants (isolation, énergies renouvelables, économies d’énergie, recyclage, transports publics…).
- N’achetez que des produits locaux. Entre des produits bio du Vénézuela et des produits traditionnels de votre région, choisissez les seconds. Demandez à vos dirigeants de surtaxer les produits qui viennent d’autres continents. A ceux qui disent que vous contribuerez à plomber le commerce extérieur, répondez que généralement les producteurs du Sud ne sont mêmes pas capables d’acheter les produits qu’ils envoient chez nous. Au moins, si les produits restent là-bas, les autochtones pourront en profiter.
- Demandez à vos dirigeants de diminuer progressivement le nombre de courses automobiles (Enduropale, rallyes en tout genre, F1, motos, Dakar...) jusqu'à les supprimer totalement dans les années à venir.
- Votez pour les Verts, adhérez à Greenpeace ou aux Amis de la Terre, lisez la Décroissance, Silence, L’âge de Faire, préférez Le cauchemar de Darwin à Une vérité qui dérange.
- Préférez les ouvrages de Cochet, Sinaï, Ellul, Illich, Gorz, Beck, Dumont à ceux de Hulot, Arthus-Bertrand, Juppé ou Lepage.
- Travaillez moins pour gagner moins et vivre mieux.
- Achetez moins. A ceux qui vous disent que vous allez engendrer une récession, répondez que le bonheur spirituel est accessible avec peu de biens matériels.
- Demandez à vos dirigeants de taxer la publicité, activité vaine et destructrice.
- Prenez conscience que l’écologie est une lutte, qu’elle ne fait pas consensus, qu’elle nécessite des efforts et des concessions…
- Réfléchissez bien avant de faire un enfant.
- N’achetez pas d’écran plat.
- Ne jetez plus, ne gâchez rien !
- Ne tirez pas la chasse d’eau pour un petit pipi. Si votre compagne-on est d’accord, installez des toilettes sèches chez vous (une poubelle, un sac et des copeaux de bois suffisent).
- Dîtes vous que le progrès, ce n’est pas forcément synonyme de technologies nouvelles. Dîtes-vous que le vrai progrès en Occident, ce n’est pas plus mais moins.
- Arrêtez de croire que le PIB est un indicateur de référence.
- Doutez de vous, de vos connaissances, de celles des autres. Soyez un(e) citoyen(ne) responsable.
- Faîtes du sport, faîtes l’amour, jouer aux cartes avec vos potes, aller au cinéma, au théâtre, au musée, louez des DVD, rendez visite à votre famille en vélo ou en train, allez vous promener, engagez-vous dans une association, prenez le temps de vivre…

Samuel Duhamel

31.1.08

Sur la piste des jeux


Images et commentaires : Samuel Duhamel

24.1.08

Découvrez l'aquafeeling !


Images et commentaires : Samuel Duhamel

9.1.08

Réussir ses photos, c'est possible


Images et commentaires : Samuel Duhamel

Zidane, le dernier « au revoir »

Ses deux coups de tête rageurs en finale de coupe du monde, son transfert au Real Madrid – le plus cher l’Histoire du football –, sa reprise de volée splendide en finale de la Ligue des Champions, ses deux buts pour sa première sélection en bleu, ses roulettes made in Castellane, sa panenka face à Gianluigi Buffon… Au final, que retenir de l’exceptionnelle carrière de Zinedine Zidane ?

C’est cette question que posent Alix Delaporte et Stéphane Meunier dans leur documentaire, Le dernier match (production 2P2L). En moins d’une heure et quart, ils passent en revue les grands moments de la vie professionnelle du maestro, de ses débuts à Cannes jusqu’à son coup de sang lors de la finale du mondial 2006. On pensait avoir déjà tout vu… Erreur ! Le documentaire ne s’arrête pas seulement sur les principales victoires et les plus beaux dribbles de Zidane. Il va bien au-delà…

Grâce à une complicité tissée durant dix ans, Meunier a pu rentrer dans l’intimité du joueur et saisir comment le petit Yazid est devenu le grand Zidane. Des débuts prometteurs à la Bocca jusqu’aux exploits au stade Bernabeu, le joueur s’est forgé un mental à toute épreuve. Il a puisé sa force dans la fragilité existentielle de ses parents. Il a travaillé d’arrache-pied pour fructifier son talent et rester toute sa carrière un ton au-dessus des autres sur le terrain. Il a réfléchi au sens de sa carrière, de son génie, de sa vie… pour conquérir tous les titres possibles et imaginables.

Dans le documentaire, on découvre un Zidane simple, humble et accessible. Un homme qui a fait rêver des millions de supporteurs mais pas seulement… Pour la première fois, on entend des footballeurs de premier plan raconter leur admiration pour l’ancien milieu de terrain. De Beckham avouant l’éviter sur le terrain par peur d’être ridiculisé, jusqu’à Abidal qui utilisait son pied droit juste pour lui plaire… Mais l’histoire du dernier match est surtout celle de la famille Zidane, venue encourager leur héros pour son ultime rencontre avec Madrid. La séquence est intense, elle dépasse largement le cercle du sport pour entrer dans celle du rêve, un rêve qui s’achève pour ses proches, pour son public, pour tous les amateurs de ballon rond…

Porté par la voix suave de Roschdy Zem et par une entraînante chanson de Delphine Labey, le documentaire mérite donc le détour. Riche en intervenants (Lippi, Ancellotti, Dugarry, Lizarazu, Vieira…), soigné au niveau du cadre et de la lumière, le dernier match rendra nostalgiques tous les supporteurs des bleus, archi-gâtés par leur champion ces dix dernières années. Il donnera des frissons à tous les footeux, transportés par la divine élégance du génie, ballon au pied. Il fera pleurer les supporteurs français, regrettant déjà les partitions inégalables du maestro marseillais… Car comme le dit Yannick Noah : « Sans Zidane, on gagnera peut-être encore… mais plus jamais de la même façon. » Voilà sans doute ce qu’il faut retenir de la fabuleuse carrière du plus grand des numéros 10…

Samuel Duhamel

Le dernier match, d’Alix Delaporte et Stéphane Meunier, 72 min
Prod : 2P2L, 2007
19 € 99

28.12.07

Les Découvertes lilloises


Images et commentaires : Samuel Duhamel

Léguer à un organisme caritatif


Images et commentaires : Samuel Duhamel

28.10.07

Promenade filmée de Cormontaigne... au Groland !

En marge de la campagne des municipales, la semaine dernière, une chaîne de télévision a filmé le quartier, de la place Cormontaigne à la rue Roland. Le reportage, destiné au public senior d’un nouveau réseau câblé, a ciblé des propos qui se voulaient sérieux. Mais cela n’a pas empêché une dose d’humour des participants quand, par exemple, le groupe de promeneurs s’est retrouvé dans la présipauté de la rue (G)Roland.

La semaine dernière, au milieu d’une promenade « de campagne » en milieu urbain, une caméra a braqué son objectif sur quelques sites et habitants du quartier. Aux commandes, Samuel, jeune JRI (journaliste reporter d’images) ayant fait ses études à Lille. Il n’a pas oublié la capitale des Flandres en proposant un certain nombre de sujets nordistes aux producteurs d’une émission baptisée « Temps libre » et destinée à être diffusée – via le câble, le satellite ou le web – sur une nouvelle chaîne de télévision parisienne. Le public de ce nouveau média créé à l’initiative de Philippe Gildas ? « Les plus de 45 ans », précise Samuel qui a eu l’occasion de filmer là quelques artères de Vauban plus que d’Esquermes.

Scènes insolites

Au centre de son reportage, un militant évoquant le passé, le présent et l’avenir de ce secteur lillois. Mais la caméra a aussi enregistré les témoignages de riverains qui ont accompagné le groupe. Comme elle s’est arrêtée sur quelques scènes insolites : un chien portant un noeud papillon coloré ou un pélican dessiné sur une façade de bâtiment, non loin de la place Catinat. À signaler, enfin, un arrêt devant les célèbres plaques de la rue Roland, corrigées en « Groland » par quelque étudiant plaisantin. Au final, des prises de vue et des tranches de vie diurnes et nocturnes, que certains téléspectateurs ou internautes découvriront dans quelques semaines. Décidément, la ville n’en finit pas d’attirer les regards... • CH. D. (CLP)

27.9.07

Rencontre du troisième T.P.

Jeudi 27 septembre. 18 heures 46. Par un concours de circonstances extraordinaire, je me retrouve seul-à-seul avec Tony Parker[1], pour une petite interview au Hyatt Vendôme, le luxueux hôtel de la rue de la Paix dans le IIe arrondissement à Paris. A peine le temps de lui poser trois questions…

Tony Parker, vous organisez une soirée de gala ce soir pour l’association Make a wish [2] que vous parrainez. Pourquoi est-ce important de se mobiliser pour la cause défendue par cette organisation ?TP : C’est quelque chose qui me tient vraiment à cœur. J’aime bien aller au contact des jeunes et il y a deux ans, je me suis engagé après une rencontre avec un petit malade. C’est lui qui m’a donné envie de m’investir dans cette œuvre caritative. Et avec ma mère, on a decidé de donner du temps à Make a wish parce que tu vois, ma vie c'est un peu comme un rêve quand même. J’en ai pris conscience et donc maintenant, j’ai envie d'aider les autres, de recolter de l’argent et de rendre la vie plus douce aux enfants de 3 à 18 ans qui sont en phase terminale.

Vous dîtes que votre vie est un rêve. La prochaine étape de ce rêve, c'est la légion d'honneur que vous allez recevoir du président Sarkozy ?
TP : Oui, ça me fait plaisir ! En fait, c'est plus mon entourage qui est excité parce que moi, j'ai du mal à m’en rendre compte. Jamais j'aurais imaginé recevoir une telle récompense. C'est un honneur, je suis très, très content : c'est pas tous les jours qu'on peut aller à l'Elysée. Ca va être super d’y aller avec ma famille et mes amis...

Le championnat de basket de Pro A (première division française) reprend demain. Vous avez des favoris ?
TP : Je supporte mon frère [3] évidemment et donc je vais suivre Nancy. D'ailleurs, je vais aller les voir jouer ce samedi mais je n’ai pas de favori pour le titre. Je ne m'y connais pas assez... Tout ce que je sais, c'est que tout peut arriver dans ce championnat parce que la finale se joue en un seul un match !

18 heures 49. L'interview a duré trois minutes montre en main. Son souvenir restera gravé dans ma mémoire sans doute plus longtemps...

Samuel Duhamel

[1] Pour les extraterrestres qui ne connaîtraient pas Tony Parker, sachez qu’il est le basketteur français le plus doué de l’histoire. Il a été le plus jeune meneur de jeu titulaire dans l'histoire du championnat américain (National Basketball Association - NBA) à 19 ans et 173 jours, il a gagné trois fois le championnat NBA (2003, 2005, 2007) considéré comme le plus relevé au monde, il a été élu meilleur joueur de la finale 2007 et a été sélectionné en 2006 et 2007 au All-Star Game, le match d'exhibition entre les meilleurs joueurs du championnat américain.

[2] Make a wish est une association sans but lucratif qui fonctionne grâce au travail de bénévoles. Leur mission est de réaliser le vœu d’enfants atteints de pathologies lourdes. L’histoire de Make a Wish a commencé aux Etats-Unis en 1980. Aujourd’hui, l’association a « réalisé plus de 100 000 vœux » grâce au travail de 50 000 volontaires.

[3] Terence Jonathan Parker, le frère de Tony, joue meneur de jeu dans l'équipe de Nancy.

26.9.07

Docteure Roselyne et misses Bachelot

Joviale et avenante comme à son habitude, Roselyne Bachelot a présenté aujourd'hui le budget que consacrera l’Etat à la Jeunesse et aux Sports en 2008. Au total, c’est plus d’un milliard d’euros qui sera consacré à ce ministère, soit environ 0,4 % du budget de l’Etat.

Mais outre ce chiffre brut, l’information principale de la conférence de presse organisée par Bachelot concerne la ministre elle-même. D’un côté, l’ancienne députée de Maine-et-Loire fait preuve de bon sens et de solidarité en assurant que, dorénavant, les athlètes paralympiques toucheront une prime analogue à celle de leurs collègues valides en cas de médaille aux Jeux Olympiques. 50 000 euros pour l’or, 30 000 pour l’argent et 20 000 pour le bronze… Une enveloppe de près de 5 millions d’euros est d’ailleurs prévue pour féliciter et remercier nos futurs champions lors des JO de Pékin. [1]

De l’autre, la Sarkozette annonce qu’elle pense se rendre deux fois dans la capitale chinoise en août et septembre prochains : une fois pour y soutenir les Tricolores valides, une autre pour y encourager les bleus handicapés… Mais quelle mouche l'a donc piquée pour qu'elle ose sortir une ineptie pareille ? Un aller / retour Paris – Pékin représente un voyage de 16 440 kilomètres en avion, soit 264 000 litres de kérosène consommés[2]. Pour une ministre, passe encore ! Mais remettre le couvert deux semaines plus tard, c’est vraiment ne rien comprendre à l’expression « changer de modèle de société ». Si Bachelot tient son « engagement », elle aura, brûlé à elle-seule 1 200 litres de pétrole en à peine deux semaines, juste pour ce double voyage. 1 200 litres de pétrole, c’est ce que consomme le Burkinabé moyen en un an… pour couvrir l’ensemble de ses besoins en énergie.
Décidément Chirac avait raison : la maison brûle et nous regardons ailleurs…
Samuel Duhamel

Ps : Roselyne Bachelot a été ministre de l’Ecologie et du développement durable entre 2002 et 2004.


[1] Le budget alloué aux primes ne semble pas trop mince lorsqu’on sait qu’à Athènes en 2004, les athlètes handicapés tricolores avaient obtenu 74 médailles, soit 41 de mieux que les valides.
[2] Source : www.info.effetdeserre.fr

20.6.07

Bernadette Chirac, madâme de fer

C’est l’histoire d’une première Dame de France qui, grisée par les sirènes du pouvoirs, en oublie son humanité. C’est l’histoire d’une élue corrézienne qui, mariée au Président de la République, se prend pour la Reine du pays. C’est l’histoire d’une pauvre vieille femme qui, restée trop longtemps dans l’ombre, veut prendre sa revanche sur la vie.
L’héroïne de Madâme, le dernier documentaire de John Paul Lepers (Elysez-moi, En avant, marche !...) et de Jean-Sébastien Desbordes, s’appelle Bernadette Chirac. On l’a tous lue, vue, écoutée sans jamais avoir réussi à la cerner. D’elle, on ne connaît vraiment que ses coupes de cheveux déjantées et ses élans de générosité, à coups de pièces dorées. Le film de Lepers lève le voile sur le reste. On y découvre une suzeraine autoritaire qui ne supporte pas la critique ou la remise en cause de son statut de femme d’Etat. Sa méfiance envers les citoyens trop irrespectueux ou pas assez obséquieux est saisissante. Alors, quand Lepers et son équipe débarquent aux réunions publiques où elle se rend, la vieille dame se raidit. Chirac est une bourgeoise réservée et froide. Fille d’aristocrates parisiens, née Chodron de Courcelles, elle contraste singulièrement avec son paysan de mari… A l’Elysée, pendant douze ans, elle s’est comportée en être supérieur avec son entourage alors que la Constitution de la Ve République ne lui garantissait aucun pouvoir. Et pourtant ! Autocensure des journalistes, servilité des employés de l’Elysée, soumission de ses adversaires politiques corréziens… Son influence a été énorme.
Le film est basé sur l’opposition, imposée par la dame de fer, entre elle et Lepers. Ce dernier apparaît souvent à l’image, sans doute plus qu’elle. Mais n’y voyez pas de tentation du « je » ou de narcissisme primaire. Le journaliste se montre parce qu’il souhaite aller l’encontre de Bernadette Chirac, parce qu’il veut la comprendre. Certes, quelques questions révèlent un poil de mauvaise foi ou d’arrogance. Et alors ? L’important est ailleurs. La grandeur du documentaire réside dans l’affrontement entre une Chirac, engoncée dans ses certitudes, qui se considère supérieure au reste de la population et un Lepers, qui sincèrement, intellectuellement, presque naïvement, ne comprend pas pourquoi une femme de Président peut agir en monarque absolue dans une République. Le choc des cultures est captivant.
Au-delà de ce dialogue de sourds entre les deux protagonistes, le film recèle une part d’enquête fort attrayante : on y découvre par exemple les mensonges proférés publiquement sur les quantités de pièces jaunes récoltées, les collusions entre la Chiraquie et TF1 via Anne Barrère, ancienne conseillère de la « Présidente » et épouse de Robert Namias, directeur de la rédaction de la première chaîne, les détournements de moyens publics à des fins privées, les abus de pouvoir de la première Dame de France sur ses terres corréziennes… Un vrai régal !
Rythmées par d’agréables phrases musicales de Romain Dudek, les séquences du film contiennent des perles comme cet échange entre Lepers et les policiers chargés de surveiller l’entrée du château de Bity, propriété des Chirac, ou cette discussion à bâtons rompus avec les amis Milou et Jean-Pierre, des voisins du couple présidentiel. Intéressant, séduisant, instructif : Madâme est un documentaire d’actualité réussi. A voir absolument !

Samuel Duhamel

Madâme, le film de John Paul Lepers et Jean-Sébastien Desbordes, production : 17 juin média et On y va ! média, 90 min, 2007

Pour aller plus loin : - http://www.latelelibre.fr/ (la télévision indépendante de la bande à Lepers sur Internet)
- http://blog.romaindudek.net (le blog politique et musical de Romain Dudek, le compositeur des musiques du documentaire), avec un extrait juste là.

14.6.07

Clearstream par Denis Robert

Raconter la vérité, rien que la vérité, toute la vérité sur une nébuleuse opaque de la finance internationale… Voilà la mission périlleuse que s’est donné le journaliste Denis Robert en écrivant Clearstream, l’enquête. Bien lui en a pris. Devenu l’un des sujets d’actualité les plus brûlants des derniers mois, le volet politico judiciaire de l’affaire Clearstream reste un sujet abscond pour les citoyens non-initiés aux pratiques perverses des chambres de compensation. Il fallait donc un livre pour éclaircir les zones d’ombre et rappeler, fait après fait, tenants et aboutissants du « plus improbable steeple-chase judiciaire de ces trente dernières années ».

L’objectif est largement atteint. Rien d’étonnant à cela : après deux livres (Révélation$ et La Boîte noire, éd. Les Arènes) et deux enquêtes télé (Les Dissimulateurs et L’affaire Clearstream racontée à un ouvrier de chez Daewoo, prod. The factory), Denis Robert est devenu le spécialiste des dérives de la banque des banques. Le livre répondra donc à toutes les questions qu’un citoyen en alerte est en droit de se poser sur les errements de la société luxembourgeoise et sur ses incidences hexagonales. Quelles sont les responsabilités de Villepin et Chirac ? Sarkozy est-il totalement innocent dans cette histoire ? Pourquoi Jean-Louis Gergorin, dit le corbeau, a-t-il envoyé des listes contenant de fausses transactions financières au juge Renaud Van Ruymbeke ?, Les services secrets français sont-ils utilisés à des fins personnelles par les gouvernants ?...

Précis et rythmé, le récit contient de savoureuses anecdotes sur l’inimitié entre Sarkozy et Villepin. Parmi elles, la déclaration de l’ancien Premier ministre, à la lecture des fausses listes de Gergorin, où figure le nom de l’actuel Président : « Ca y est, on le tient ! Si les journalistes font leur travail, et s’ils ont des couilles, il ne survivra pas à cette affaire-là. » La riposte de Sarkozy n’est pas mal non plus : lorsqu’il se sait complètement innocenté, il dépose une plainte avec constitution de partie civile et affirme vouloir « pendre à un croc de boucher celui qui a fait cela. » A l’autre bout de la chaîne, Chirac et Villepin doivent trembler de peur…

Un seul regret toutefois : l’ouvrage raconte parfois davantage la manière dont Denis Robert a vécu l’affaire Clearstream que l’affaire Clearstream elle-même. Les passages où l’auteur décrit ses impressions et ses sentiments sont peut-être trop nombreux eu égard à l’absence d’interviews ou de témoignages extérieurs. Un aspect négatif qu’on oublie fort vite, tant le fond du dossier est captivant.

Samuel Duhamel


Clearstream, l’enquête de Denis Robert, les Arènes, Paris, 2006, 19 € 80

Affaire Clearstream 2 : qui a fait quoi et que s’est-il passé ?

Pour les lecteurs souhaitant savoir, dans les grandes lignes, ce que contient le volet politico judiciaire de l’affaire Clearstream, voici une synthèse revenant sur les faits et les implications de chacun. Ce résumé est issu de livre de Denis Robert, Clearstream, l’enquête.
« Ma seule obsession, depuis le début de cette aventure, a été la vérité. C’est un peu con à dire. Sans doute présomptueux. Mais c’est ainsi. Soyons pragmatique… Qu’est-ce que la vérité ? Le contraire du mensonge et de la communication. L’information. »

Denis Robert

A la suite de Denis Robert, de nombreux journalistes ont pertinemment disjoint le volet financier du dossier – dit affaire Clearstream 1 – de son aspect politique – dit affaire Clearstream 2 –. Robert est un spécialiste de la chambre de compensation luxembourgeoise. Il connaît donc les deux facettes de l’intrigue sur le bout des ongles. Il a consacré deux livres[1] au premier volet de l’histoire. Ils racontent comment Clearstream, une chambre de compensation internationale, a dissimulé des transactions financières, a blanchi de l’argent sale et a noirci de l’argent propre au profit de multinationales et de riches individus. Les sommes détournées ou cachées se mesurent en dizaines de trillions d’euros (13 zéros…) dans certains cas.

L’information financière : le nerf de la guerreL’affaire Clearstream 2, celle qui nous intéresse ici, est en quelque sorte la conséquence française des dérives révélées par Denis Robert dans ses deux premiers ouvrages sur la banque des banques luxembourgeoise. Opposé à Clearstream et à ses banques partenaires pour diffamation dans une vingtaine de procès – qu’il remportera d’ailleurs quasiment tous –, Robert est un jour contacté par Imad Lahoud, gendre d’un ancien directeur de cabinet de Chirac, François Heilbronner. A l’origine, en 2003, Lahoud déclare à Robert qu’il est impressionné par la qualité de son travail sur Clearstream et qu’il dispose d’informations pouvant l’intéresser. Informaticien, grand boursicoteur et spécialiste du hacking, Lahoud a le profil idéal pour aider Denis Robert dans ses recherches sur les procédés corrupteurs de la firme du Luxembourg. En réalité, l’ancien trader est missionné par la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) à la demande de Jean-Louis Gergorin. Ce dernier, numéro 2 du groupe EADS, principal vendeur d’armes et d’avions français, et membre du clan Chirac, a fait croire au gouvernement Villepin que son ami Lahoud a réussi à hacker le système informatif de Clearstream et qu’il y a découvert des comptes cachés aux noms de Strauss-Kahn, Chevènement, Madelin… et surtout Sarkozy. Le but de Gergorin et de Lahoud est de récolter un maximum d’informations sur Clearstream et sur les transactions réalisées par leurs adversaires politiques. L’information financière est en effet le nerf de la guerre politique car elle constitue un incroyable moyen de pression. Gergorin et Lahoud cherchent alors à obtenir des renseignements obtenus par Denis Robert après quatre ans d’enquête sur Clearstream. Séduit par les promesses de Lahoud et ses connaissances du dossier, Robert accepte de lui transmettre une liste contenant plus de 33.000 références de clients.
Le nœud de l’intrigue est alors noué. Chacun y trouve son intérêt. Lahoud et Gergorin obtiennent des informations confidentielles sur Clearstream auprès de Robert. Denis Robert se sent soutenu par un hacker de génie (Lahoud) et voit son enquête se poursuivre à l’échelon national. Villepin et Chirac sentent qu’ils peuvent décrédibiliser Nicolas Sarkozy pendant de longs mois car son nom figure sur la liste du réseau de corruption de Clearstream. Sauf que la liste est fausse. A l’époque (mi-2004), seuls Lahoud et Gergorin le savent…

Où Gergorin devient le corbeau…
Zélé autant que malhonnête, Gergorin va alors envoyer les faux listings au juge Renaud Van Ruymbeke, lui demandant de vérifier leur exactitude. Il sait qu’analyser des fichiers informatiques opaques, comme ceux de la finance internationale, réclame du temps, beaucoup de temps. Suffisamment en tout cas pour que Strauss-Kahn et Sarkozy soient plombés juridiquement et médiatiquement jusqu’à la présidentielle. C’est ainsi qu’il envoie les premiers courriers anonymes au juge qui décide d’instruire l’affaire. Ces derniers contiennent des comptes et des preuves de commissions qui auraient bénéficié à une soixante d’initiés, dont Sarkozy, Madelin, Chevènement… Le corbeau est né, l’affaire Clearstream 2 aussi.

Une manipulation savamment orchestréeLe pari de Gergorin et Lahoud est réussi. Villepin se délecte de savoir que son meilleur ennemi Sarkozy va être inquiété par la justice. Chirac évoque en interne un troisième mandat. Bref, tout va pour le mieux en Chiraquie. Jusqu’à ce qu’un jeune auditeur de la multinationale Arthur Andersen contacte Denis Robert. Florian Bourges explique au journaliste qu’il détient de nombreuses informations sur la firme luxembourgeoise. Il a en effet participé à l’audit de la banque des banques en 2001. Durant cet audit, Bourges a repéré de nombreuses anomalies et il tient à en faire part à Denis Robert pour apporter de l’eau à son moulin. Spécialiste des procédures informatiques et désireux de voir condamner les responsables du réseau de corruption Clearstream, il prend contact avec le juge Van Ruymbeke pour l’aider dans son instruction. Ce dernier lui confie alors l’un des CD-Roms que le corbeau lui a envoyés. La surprise de Bourges est totale : les listes contenues sur le CD-Rom sont en fait la base de son travail d’audit de 2001, à laquelle des noms falsifiés ont été ajoutés. Bref, les données envoyées par le corbeau sont fausses. Sarkozy, Madelin et les autres n’ont pas touché de commissions occultes, ils n’ont rien voulu cacher dans la boîte noire de Clearstream. Tout cela n’est que dissimulation.

Haine Sarkozy – VillepinL’affaire se termine-t-elle ici ? Pas vraiment ! Le Premier ministre Villepin est persuadé que les listes de Gergorin détiennent une part de vérité. Il ne souhaite donc pas transmettre le rapport de la Direction de la surveillance du territoire (DST) qui blanchit les politiques incriminés. Les mois passant, Van Ruymbeke se rend compte de la manipulation et finit par cesser son instruction. Comme les autres, Sarkozy est innocenté. Mais le futur Président n’a pas apprécié de voir le doute et la honte le poursuivre durant de longs mois. Villepin aurait pu le libérer du poids qui pesait sur lui de longue date. Il ne l’a pas fait. La revanche de Sarkozy sera terrible : il dépose plainte avec constitution de partie civile pour dénonciation calomnieuse. En ligne de mire directe : Lahoud, auteur des fausses listes, Gergorin, le corbeau, Villepin et Chirac qui ont voulu se débarrasser d’un rival avec une sinistre affaire judiciaire. Pour l’instant, seuls les deux premiers ont été mis en examen mais il semble que l’on ait pas fini d’entendre parler de l’affaire Clearstream…

Samuel Duhamel

[1] Révélation$ et La Boîte noire, éd. Les Arènes