14.5.06

Pâle ou vif, le rouge est à la mode à Berlin

Créé en janvier 2005 par des déçus de la gauche réformiste, le WASG (Alternative pour le travail et la justice sociale) cherche à fonder un pôle unitaire anti-libéral avec les anciens communistes du PDS (Parti du socialisme démocratique) en Allemagne. Mais à Berlin, la section locale du WASG ne veut pas s’unir avec le PDS régional. Pour les élections de septembre, ce sera du chacun pour soi !

Privatisation de 65.000 logements, suppression de 15.000 emplois dans les services publics, fin de la gratuité du matériel scolaire, instauration de postes payés un euro de l’heure dans l’administration… A quelques semaines des élections régionales, le bilan de la coalition « rouge – rouge » au pouvoir à Berlin depuis 2001, pourrait séduire les libéraux les plus orthodoxes. Il est pourtant l’œuvre d’un gouvernement de gauche, formé par le SPD (Parti social-démocrate) et le PDS. Contraint d’effacer une partie de la dette de la ville (estimée à 68 milliards d’euros, soit plus de trois fois le budget annuel), l’équipe du maire socialiste Klaus Wowereit a sacrifié de nombreux programmes éducatifs et sociaux. Résultat : de nombreux sympathisants socialistes se détournent du SPD, accusé de mener une politique antisociale. « A partir des années 90, la gauche réformiste allemande a accepté progressivement l’idée de déréguler et de privatiser pour économiser des fonds publics. Ce fut une grossière erreur ! », explique Holger Droge, ancien militant social-démocrate ayant adhéré au WASG.

Irréductibles
Jugeant les réformes de la coalition « rouge – rouge » catastrophiques, les 860 militants berlinois du WASG veulent présenter une liste autonome aux élections de septembre. Autour de la charmante candidate trotskyste Lucy Redler, le WASG berlinois entend restaurer l’image d’une gauche « rouge vif » : anti-capitaliste et redistributive. Figurent notamment au programme la renationalisation du service de l’eau, un revenu minimum à 10 euros de l’heure et la diminution du temps de travail sans réduction de salaire. Recueillant un faible score dans les enquêtes d’opinion, la candidature autonome du WASG berlinois dérange les délégués fédéraux du parti. Oskar Lafontaine, instigateur de l'alliance WASG - PDS au Bundestag, a ainsi annoncé vouloir sanctionner le WASG Berlin par des « mesures administratives » en cas de candidature autonome. Mais cela ne semble pas arrêter les militants indépendantistes : « Oskar Lafontaine doit comprendre que la politique du PDS berlinois s’oppose aux principes que défend notre parti. Accepter un traité de coalition avec eux signifierait accepter leurs erreurs et leurs compromissions avec le SPD. Nous ne pouvons pas faire cela ! », assure Lucy Redler, chef de file du WASG berlinois.

Victoire attendue du SPD
Les désaccords entre les deux formations de gauche radicale font les affaires de l’autre parti « rouge » berlinois, le SPD. Face à une CDU (Union pour une démocratie chrétienne) berlinoise minée par des scandales de corruption et l’absence d'un véritable leader, Klaus Wowereit voit son horizon politique se dégager. Apprécié par les Berlinois pour son ouverture d’esprit et son esprit d’initiative, l’élu socialiste obtiendrait près de 35% aux élections régionales, d’après les sondages. Ce score lui offrirait une latitude d’action suffisante pour construire une nouvelle coalition avec le PDS et/ou les Verts. Dix ans après la chute du mur, le rouge semble s’être définitivement trouvé une place au soleil dans la capitale allemande.

Samuel Duhamel