Privatisations, baisse des impôts, déréglementations, réduction des dépenses publiques, précarité de l’emploi, ouverture des frontières, flexibilité des salaires et du temps de travail… Les recettes prodiguées par les apôtres du libéralisme sont pléthoriques mais ne poursuivent qu’un seul but : encourager le libre fonctionnement des mécanismes de marché. Qu’importe le prix payé par les couches sociales les plus fragiles et les dégâts sur l’environnement, l’Homme doit être au service de l’économie et se soustraire aux impératifs de son institution reine, le marché.
Si les fondements moraux d’une telle doctrine sont contestables, ses résultats concrets le sont également. Le libéralisme économique est en effet un formidable tremplin aux inégalités. L’exemple états-unien, parangon de l’idéologie libérale depuis l’arrivée de l’acteur Ronald Reagan à la tête du pays en 1980, l’illustre admirablement. Nation la plus « développée » (!) au monde, les Etats-Unis sont aussi le pays le plus inégalitaire d’Occident. Le 1% d’Américains le plus riche détient plus de 40% de la richesse nationale. En 1976, juste avant l’arrivée du souffle libéral sur l’économie mondiale, ce même 1% de la population disposait d’à peine 20% du patrimoine[1]. Une évolution fracassante ! Autre exemple : en 1975, les 100 plus grands patrons américains recevaient moins de 40 fois le revenu d’un salarié moyen. Aujourd’hui, ils touchent plus de 1000 fois ce montant[2]. Encore plus obscène : d’après le programmes des Nations Unies pour le développement, la richesse des 10 personnes les plus opulentes du monde est supérieure à celle des 48… pays les plus pauvres.
L’accroissement des disparités entre puissants et modestes s’accompagne d’un recul du niveau de vie de ces derniers. Pendant les années Reagan (1980-88), le salaire minimum ne fut pas relevé une seule fois, perdant 35% de sa valeur. En dollars constants, le coût des programmes de lutte contre la pauvreté fut croissant de 1945 à 1977, avant de ralentir de 77 à 80. Avec la première administration Reagan, la progression devint recul[3]. En France, la même tendance est perceptible : en quinze ans, de 1982 à 1997, la part des salaires dans le produit intérieur brut français est passée de 69% à 60% , le profit passant, lui, de 26 à 31%[4]. Plus intéressant encore, la très forte augmentation du coût de la vie a considérablement pénalisé le niveau de vie des salariés moyens : en 1970, le pouvoir d’achat d’une famille occidentale moyenne avec deux enfants était supérieur à celui d’aujourd’hui. Autrement dit, il est plus difficile de vivre en 2007 qu’en 1970… alors que la richesse des nations a plus que quadruplé dans l’intervalle.
Autre fléau intrinsèque au libéralisme économique : le chômage. D’une certaine manière, les libéraux ont intérêt à voir la courbe de l’inemploi se gonfler et donc à ne pas le combattre. En effet, plus il y a de chômeurs, moins les travailleurs pourront exercer de pression pour réclamer de nouveaux avantages et plus les profits des actionnaires et des patrons seront importants. Comme le résume Godfrey Hodgson, « au nombre des groupes qui ont avantage à une baisse de l’inflation, même au prix d’une augmentation du chômage, il y a les hommes d’affaires, les investisseurs, les actionnaires… en bref, ceux dont la position dépend de la possession de capital. Au nombre de ceux qui redoutent le chômage, plus que l’inflation, il y a ceux pour qui la seule source de revenus provient du travail. En un mot, le choix entre le chômage et l’inflation est un choix politique entre travail et capital.[5] » Pour les libéraux, le choix est vite fait. Comme le réclame l’OCDE (organisation de coopération et de développement économique), les salariés doivent avoir « le sentiment de moins grande sécurité de l’emploi »…
En outre, force est de constater que libéralisme économique et libéralisme politique ont du mal à faire bon ménage. Généralement, les défenseurs du marché refusent de donner une place importante à la participation citoyenne dans le choix des réformes. Car l’intérêt général n’est pas forcément celui du marché. Selon Philippe Seguin, président de la Cour des comptes et ancien conseiller politique de Chirac, « certaines décisions fondamentales sont prises à l’échelle européenne ou planétaire, de manière formelle ou informelle, sur un mode libéral voire ultralibéral, sans que les peuples aient voix au chapitre. » Pour s’en convaincre, lisons Claude Imbert, fondateur et éditorialiste du Point, à propos du référendum sur le traité instaurant une constitution pour l’Europe : « Un système de démocratie représentative eût été plus prudent. Vous avez un garçon qui bosse toute la journée dans une usine à Nancy. Il rentre tard le soir. J’aime autant vous dire qu’il a envie de boire une bière. Il ne va pas regarder la Constitution dans le détail. A quoi ça sert les Parlements ?[6] » Dans le même style, Philippe Devedjian, ancien ministre de l’Industrie et proche de Nicolas Sarkozy : « Il y a moins de participation aux élections aujourd’hui. Notre peuple est un peu plus sceptique sur la politique et c’est une des formes de la sagesse. » Encore plus fort, Samuel Huntington, historien conservateur états-unien : « Le fonctionnement efficace d’un système démocratique requiert en général un certain niveau d’apathie et de non-participation de la part de certains groupes et individus. » Dormez braves gens, les néolibéraux s’occupent de vous…
En revanche, l’idéologie du marché s’accouple bien avec celle de la violence et de la soumission. Comment faire en effet pour s’introduire dans des pays protectionnistes ou autarciques qui veulent protéger leur économie locale ? Il faut passer en force, évidemment ! Les négociations de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) imposent ainsi le libre-échange aux nations incapables d’affronter la concurrence internationale. Ainsi, par exemple, le coton et le riz, principales ressources du Burkina Faso, sont deux des principales matières importées… au Burkina Faso. Produits ailleurs à moindre coût, le coton et le riz burkinabé ne sont pas rentables lorsque les frontières sont ouvertes. Conséquence : une économie qui ne décolle pas malgré les efforts des agriculteurs locaux. Et pour ceux, qui ne veulent vraiment pas se faire dompter : il reste la guerre. Dans son livre The Lexus and the Olive Tree, Thomas Friedman, père fondateur du néolibéralisme avec Friedrich Hayek, explique : « L’intégration économique de la planète requiert la disposition de la puissance américaine à utiliser sa force contre ceux qui menaceraient le système de mondialisation. La main invisible du marché ne peut pas fonctionner sans un poing caché – McDonald’s ne peut prospérer sans McDonnell, qui construit les F16. Et le poing caché qui rend le monde sûr pour notre économie s’appelle l’armée, la force aérienne, la force navale et les marines US. » La classe, non !
Autre tour de force des néolibéraux : demander à la population de régler des problèmes qu’ils ont eux-mêmes engendrés. L’exemple des déficits publics est évocateur : à force de baisser les impôts (sur le revenu, sur la fortune, sur les entreprises…), de nombreux Etats se sont retrouvés avec un solde de la balance courante négatif. Conséquence : les gouvernants reprennent aux citoyens certains de leurs avantages (assurance chômage, assurance maladie…) en invoquant une nécessité absolue. Bien joué, non : côté pile, les libéraux gagnent (moins d’impôts), côté face, les libéraux gagnent (réduction des dépenses de l’Etat). Reagan, qui croyait en « la magie du marché » - moins l’Etat taxe, plus il remplie ses caisses grâce à un marché salvateur - fut le premier à utiliser ce précepte. Sous son administration, alors que l’activité redémarre, le déficit explose : 175 milliards de dollars en 1984 et 220 milliards en 1986. Georges Bush s’inspire de son maître spirituel et parvient à métamorphoser un excédent budgétaire de 127 milliards en 2001 en déficit colossal de 374 milliards en 2003, soit une détérioration de plus de 500 milliards en trois ans. La énième baisse des impôts destinée aux plus riches avait fait son office.
Enfin, à une époque où la protection de la planète devient la base fondamentale de la poursuite de la vie humaine, le libéralisme économique continue d’exercer une pression insoutenable sur notre environnement. Généralement, les marchés sont myopes (ils voient relativement bien de près mais sont quasiment aveugles quand il s’agit de regarder un peu plus loin). Autrement dit, les marchés sont incapables de penser le moyen ou long terme. L’objectif est de maximiser le profit le plus rapidement possible sans se soucier des conséquences directes que peut occasionner la mise sur le marché de nouveaux produits. D’après les libéraux, il faut donc déréglementer à tout va pour laisser ce dernier opérer son œuvre. Oui mais voilà : ce qui marche économiquement à court terme peut être dramatique au niveau environnemental. Des exemples aussi divers que l’abattage d’arbres dans la forêt amazonienne (l’équivalent d’un terrain de football par minute), le distilbène, la nutrition de bovins avec des farines animales, les OGM, le nucléaire, l’agriculture productiviste, l’amiante… sont efficaces à l’aune du libéralisme mais dramatiques à l’échelle humaine.
En un mot, le libéralisme économique débridé, tel qu’il est pratiqué aujourd’hui, est une plaie pour le développement harmonieux de la civilisation humaine. Même si la pensée du tout marché a conquis le monde, mandaté ses commissaires dans des institutions conçues pour lutter contre elle (FMI, banque mondiale, OMC…), organisé ses congrès (Davos), gravé dans le marbre son règlement intérieur (critères de convergence du système monétaire européen, pacte de stabilité dans l’Union Européenne, plans d’ajustement structurels dans le reste du monde), il ne faut pas se plier à son diktat. Si l’on veut sauver la Terre, si l’on veut redonner espoir aux populations du Nord et sortir les peuples du Sud de la misère, la page du libéralisme doit être tournée. Et plus que cela encore, c’est le système économique actuel - le « capitalisme libéral productiviste mondialisé »[7] - qui doit disparaître pour que germe un modèle où l’homme sera considéré comme une fin plutôt que comme un moyen. Tout reste à faire aujourd’hui. Mais l’heure où le durabilisme régulé qualitatif régionalisé remplacera ce système d’un autre temps n’est peut-être plus si lointaine…
Samuel Duhamel
[1] Kevin Philips, Wealth and democracy : a political history of the American rich, 2002
[2] « Even higher society, even harder to ascend », The Economist, janvier 2005
[3] David Stockman, The triumph of politics : why the Reagan revolution failed, 1986
[4] Dominique Strauss-Kahn, conférence de presse du 21 juillet 1997
[5] Godfrey Hodgson, The World turned right side up : a History of the Conservative Ascendancy in America, 1996
[6] LCI, 15 avril 2005
[7] Yves Cochet, Sauver la Terre, 2004
"Qu'en est-il de notre savoir s'il reste sans conséquence ? A l'heure de quitter ce monde, il ne s'agira pas d'avoir été bon, cela ne suffit pas. Il s'agira de quitter un monde bon." Bertolt Brecht
14.1.07
Le bêtisier du libéralisme économique
Votre amour vous a quitté(e)? Vous avez pris trois kilos le mois dernier ? Votre équipe favorite a perdu à domicile contre Valenciennes ? Pas de souci : si vous voulez retrouver le sourire, lisez avec attention ce bêtisier du libéralisme économique. A mourir de rire…
« Si les pauvres savent qu’il leur faut travailler pour ne pas mourir de faim, ils travaillent. Si des hommes jeunes savent qu’ils n’auront pas de secours dans leur vieillesse, ils économisent. Si des vieillards savent qu’ils auront besoin de leurs enfants, ils tâchent de s’en faire aimer. »
Nassau Senior, spécialiste de la lutte contre la pauvreté
« Plus on organise des secours publics pour prendre soin des pauvres, moins ils prennent soin d’eux-mêmes et, naturellement, plus ils deviennent misérables. »
Benjamin Franklin, philosophe (!), ancien ambassadeur des Etats-Unis en France
« Je suis gaulliste. »
Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire, candidat à l’élection présidentielle, président de l’UMP, conseiller général du canton de Neuilly-sur-Seine Nord, président du conseil général des Hauts de Seine, un café, l’addition.
Pour info, De Gaulle avait écrit dans ses Mémoires de guerre : « L’économie doit être dirigée, d’autant qu’elle est déficiente et qu’elle ne se relèvera pas si on ne la détermine pas. Cette conception du pouvoir armé pour agir dans le domaine économique est directement liée à l’idée que je me fais de l’Etat.»
« Il n’y a pas d’alternative au libéralisme. »
Margaret Thatcher, ancien Premier ministre britannique
« Nul n’a fait davantage que Pinochet et ses conseillers pour démontrer la supériorité de l’économie de marché sur le socialisme. »
Robert Barro, professeur d’économie à Harvard
« Le fait que plus de 90% de notre peuple soient opposés à nos politiques prouve que notre modèle est le bon. »
Pablo Boraona, ancien président de la banque centrale du Chili
« C’est la soumission de l’homme aux forces impersonnelles du marché qui a rendu possible le développement de la civilisation. C’est par cette soumission quotidienne que nous contribuons à quelque chose qui est plus grand que nous ne pouvons comprendre. »Friedrich Hayek, économiste, père du libéralisme économique
« La liberté s’arrête là où on commence le code du travail. »
Laurence Parisot, présidente du Medef
« Là où le commerce passe les armes s’arrêtent. »
Pascal Lamy, directeur général de l’OMC
Pour info, les cinq pays membres du conseil de sécurité de l’Onu (Etats-Unis, France, Chine, Russie, Grande-Bretagne) sont les cinq plus grands vendeurs d’armes au monde.
« Clinton est de gauche. »
Dominique Strauss-Kahn, ancien ministre français de l’Economie
Pour info, Bill Clinton a laissé se creuser les inégalités sociales aux Etats-Unis, a aboli l’aide fédérale aux pauvres, a supprimé la garantie fédérale d’aide à l’enfance en péril, est pour la peine de mort, a décidé un embargo sur l’Irak ayant coûté la vie à 500 000 personnes, a bombardé l’Irak, un café, l’addition.
« Je ne crois pas qu’on puisse désormais administrer l’économie. Ce n’est pas par la loi, les textes, qu’on régule l’économie. Tout le monde admet maintenant l’économie de marché, toutes les forces politiques françaises pratiquement. »
Lionel Jospin, ancien Premier ministre français
« Le droit du travail et la protection de l’environnement sont devenus excessifs dans la plupart des pays développés. Le libre-échange peut permettre de réprimer ces excès en imposant les importations des pays en voie de développement dans nos pays. »
Gary Becker, prix Nobel d’Economie
« Notre but est d’éliminer les obstacles à la flexibilité du marché du travail. »Tony Blair, Premier ministre britannique
« Quand je suis avec Tony Blair et Gerhard Schroeder, je suis quasiment le plus à gauche. »
Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre français
« Si les pauvres savent qu’il leur faut travailler pour ne pas mourir de faim, ils travaillent. Si des hommes jeunes savent qu’ils n’auront pas de secours dans leur vieillesse, ils économisent. Si des vieillards savent qu’ils auront besoin de leurs enfants, ils tâchent de s’en faire aimer. »
Nassau Senior, spécialiste de la lutte contre la pauvreté
« Plus on organise des secours publics pour prendre soin des pauvres, moins ils prennent soin d’eux-mêmes et, naturellement, plus ils deviennent misérables. »
Benjamin Franklin, philosophe (!), ancien ambassadeur des Etats-Unis en France
« Je suis gaulliste. »
Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire, candidat à l’élection présidentielle, président de l’UMP, conseiller général du canton de Neuilly-sur-Seine Nord, président du conseil général des Hauts de Seine, un café, l’addition.
Pour info, De Gaulle avait écrit dans ses Mémoires de guerre : « L’économie doit être dirigée, d’autant qu’elle est déficiente et qu’elle ne se relèvera pas si on ne la détermine pas. Cette conception du pouvoir armé pour agir dans le domaine économique est directement liée à l’idée que je me fais de l’Etat.»
« Il n’y a pas d’alternative au libéralisme. »
Margaret Thatcher, ancien Premier ministre britannique
« Nul n’a fait davantage que Pinochet et ses conseillers pour démontrer la supériorité de l’économie de marché sur le socialisme. »
Robert Barro, professeur d’économie à Harvard
« Le fait que plus de 90% de notre peuple soient opposés à nos politiques prouve que notre modèle est le bon. »
Pablo Boraona, ancien président de la banque centrale du Chili
« C’est la soumission de l’homme aux forces impersonnelles du marché qui a rendu possible le développement de la civilisation. C’est par cette soumission quotidienne que nous contribuons à quelque chose qui est plus grand que nous ne pouvons comprendre. »Friedrich Hayek, économiste, père du libéralisme économique
« La liberté s’arrête là où on commence le code du travail. »
Laurence Parisot, présidente du Medef
« Là où le commerce passe les armes s’arrêtent. »
Pascal Lamy, directeur général de l’OMC
Pour info, les cinq pays membres du conseil de sécurité de l’Onu (Etats-Unis, France, Chine, Russie, Grande-Bretagne) sont les cinq plus grands vendeurs d’armes au monde.
« Clinton est de gauche. »
Dominique Strauss-Kahn, ancien ministre français de l’Economie
Pour info, Bill Clinton a laissé se creuser les inégalités sociales aux Etats-Unis, a aboli l’aide fédérale aux pauvres, a supprimé la garantie fédérale d’aide à l’enfance en péril, est pour la peine de mort, a décidé un embargo sur l’Irak ayant coûté la vie à 500 000 personnes, a bombardé l’Irak, un café, l’addition.
« Je ne crois pas qu’on puisse désormais administrer l’économie. Ce n’est pas par la loi, les textes, qu’on régule l’économie. Tout le monde admet maintenant l’économie de marché, toutes les forces politiques françaises pratiquement. »
Lionel Jospin, ancien Premier ministre français
« Le droit du travail et la protection de l’environnement sont devenus excessifs dans la plupart des pays développés. Le libre-échange peut permettre de réprimer ces excès en imposant les importations des pays en voie de développement dans nos pays. »
Gary Becker, prix Nobel d’Economie
« Notre but est d’éliminer les obstacles à la flexibilité du marché du travail. »Tony Blair, Premier ministre britannique
« Quand je suis avec Tony Blair et Gerhard Schroeder, je suis quasiment le plus à gauche. »
Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre français
Une bible pour les "nonistes" de gauche
Si les antilibéraux n’ont pas encore trouvé de candidat unitaire pour la présidentielle, ils disposent au moins d’un ouvrage de référence. Le grand bond en arrière, dernier essai de Serge Halimi, revient sur le tournant néolibéral qui a bouleversé le système économique mondial, à partir de la fin des années 70. Dans un style limpide et soutenu, les 600 pages du livre présentent les méfaits de l’économie de marché sur les pays pauvres et industrialisés ainsi que la manière dont le capitalisme libéral s’est imposé comme seul horizon économique possible, en dépit de l’opposition d’une majorité de la population mondiale.
La force du livre repose sur la quantité significative d’exemples et de cas concrets rapportés par l’auteur. Du Royaume-Uni aux Etats-Unis, en passant par la Nouvelle-Zélande, la France ou l’Allemagne, le libéralisme a conquis l’ensemble de la planète. Serge Halimi a suivi ce mouvement d’internationalisation de l’économie et explique comment le primat du marché, d’abord considéré comme inopérant entre 1930 et 1970, est rentré dans les cerveaux sans jamais y ressortir. Doucement mais sûrement, la contamination s’est développée jusqu’à atteindre des familles politiques qu’on croyait vaccinées comme les socio démocrates ou une partie des écologistes. Le journaliste du Monde diplomatique s’appuie toujours sur les faits et les dires des thuriféraires du néolibéralisme pour construire son argumentaire. Une méthode efficace qui le préserve du risque de diffamation. Mais s’il donne la parole à Camdessus, Clinton, Sarkozy et les autres, c’est pour mieux les contrer. A la lecture du livre, il apparaît évident qu’humanisme et économie dérégulée sont incompatibles. La démonstration est éclatante. Halimi ne critique pas pour le plaisir ou parce qu’il se croit supérieur à ceux qui pilotent le système économique mondial. Il le fait car, à la lumière de ses recherches, il s’est aperçu que le libéralisme conduisait à davantage d’inégalités entre riches et pauvres et pénalisait les catégories sociales les plus fragiles.
Le travail de recherche est exceptionnel. Une biographie de plus de 200 ouvrages permet de considérer à sa juste valeur la synthèse réalisée par l’auteur. Bien qu’un peu long sur certains passages, Halimi nous emmène là où il le souhaite : dans le domaine du savoir et de la réflexion. Et pour ceux qui n’y connaissent rien en économie, pas de panique : l’essayiste rappelle les fondamentaux (stagflation, politique de l’offre, désinflation compétitive (!)…) qui permettent de suivre le propos sans heurt. Un récit exigeant et détaillé, des convictions aiguisées à l’aune de la réalité, une incitation à changer le monde… Pas de doute, à côté de La grande désillusion de Joseph Stiglitz ou des Nouveaux maîtres du monde de Jean Ziegler, Le grand bond en arrière mérite une place sur le podium dans le palmarès des livres de vulgarisation économique anti-système. A distribuer de toute urgence dans les lycées… et les Parlements !
Samuel Duhamel

Le grand bond en arrière de Serge Halimi, Fayard, Paris, 2006
592 pages, 24 euros
La force du livre repose sur la quantité significative d’exemples et de cas concrets rapportés par l’auteur. Du Royaume-Uni aux Etats-Unis, en passant par la Nouvelle-Zélande, la France ou l’Allemagne, le libéralisme a conquis l’ensemble de la planète. Serge Halimi a suivi ce mouvement d’internationalisation de l’économie et explique comment le primat du marché, d’abord considéré comme inopérant entre 1930 et 1970, est rentré dans les cerveaux sans jamais y ressortir. Doucement mais sûrement, la contamination s’est développée jusqu’à atteindre des familles politiques qu’on croyait vaccinées comme les socio démocrates ou une partie des écologistes. Le journaliste du Monde diplomatique s’appuie toujours sur les faits et les dires des thuriféraires du néolibéralisme pour construire son argumentaire. Une méthode efficace qui le préserve du risque de diffamation. Mais s’il donne la parole à Camdessus, Clinton, Sarkozy et les autres, c’est pour mieux les contrer. A la lecture du livre, il apparaît évident qu’humanisme et économie dérégulée sont incompatibles. La démonstration est éclatante. Halimi ne critique pas pour le plaisir ou parce qu’il se croit supérieur à ceux qui pilotent le système économique mondial. Il le fait car, à la lumière de ses recherches, il s’est aperçu que le libéralisme conduisait à davantage d’inégalités entre riches et pauvres et pénalisait les catégories sociales les plus fragiles.
Le travail de recherche est exceptionnel. Une biographie de plus de 200 ouvrages permet de considérer à sa juste valeur la synthèse réalisée par l’auteur. Bien qu’un peu long sur certains passages, Halimi nous emmène là où il le souhaite : dans le domaine du savoir et de la réflexion. Et pour ceux qui n’y connaissent rien en économie, pas de panique : l’essayiste rappelle les fondamentaux (stagflation, politique de l’offre, désinflation compétitive (!)…) qui permettent de suivre le propos sans heurt. Un récit exigeant et détaillé, des convictions aiguisées à l’aune de la réalité, une incitation à changer le monde… Pas de doute, à côté de La grande désillusion de Joseph Stiglitz ou des Nouveaux maîtres du monde de Jean Ziegler, Le grand bond en arrière mérite une place sur le podium dans le palmarès des livres de vulgarisation économique anti-système. A distribuer de toute urgence dans les lycées… et les Parlements !
Samuel Duhamel


592 pages, 24 euros
7.1.07
Les 16e, au bout du suspense !

Vous pouvez réécouter les buts de Valenciennes - Caen en cliquant ci-dessous.
VAFC - SMC.mp3
26.12.06
L'hiver sera chaud

4.12.06
Premier sur 19
27.11.06
Savigol a encore frappé
Le Valenciennes Football Club a battu l'AS Nancy Lorraine un but à zéro, dimanche 26 novembre pour le compte de la 15e journée du championnat de Ligue 1. Retrouvez le but éclair de Steve Savidan en cliquant ci-dessous.
19.11.06
Lens Nantes
12.11.06
Une minute assourdissante
19h59, ce samedi 11 novembre au stade Félix-Bollaert. Les « Sang et or » de Lens s’apprêtent à défier le stade rennais dans un match de championnat ordinaire. Dans les travées, 34 000 supporters passionnés chantent à tue-tête à la gloire de leurs héros. Convivialité, plaisir d’être ensemble et chaleur humaine sont les ingrédients utilisés par les c’htis lensois pour faire grimper la température.
Deux speakers, sortes de Laurel et Hardy des temps modernes, font monter l’ambiance dans les tribunes du meilleur public de France. « Est-ce que la tribune Delacourt est en formeeeeeeeeeeeeeee ? » Le public répond comme un seul homme, feignant d’oublier les tracas du quotidien. « Ouaihhhhhhhhhh ! »Les secondes s’égrainent : il n’en reste plus beaucoup avant que les attaquants rennais donnent le coup d’envoi. Petit à petit, l’excitation devient plus intense. Et soudain sonnent les 20h00 : l’arbitre met son sifflet à la bouche, le match commence. Pour ces milliers de supporters venus encourager leurs joueurs, c’est la délivrance. Pour des centaines d’autres venus au stade pour le plaisir, c’est l’incompréhension.
11 novembre 2006 : 88 ans que l’armistice de la Grande Guerre a été signé. 8 millions de morts, six millions d’invalides, des milliers de gueules cassées… Morts pour la France et pour la Liberté. Morts pour qu’un siècle après, on puisse jouer au foot tranquillement dans un stade de province. On aurait aimé une minute de silence en pareille occasion. Ni les arbitres, ni les joueurs ne semblent être perturbés par une telle omission. Score final : 0 à 0.
Samuel Duhamel
Deux speakers, sortes de Laurel et Hardy des temps modernes, font monter l’ambiance dans les tribunes du meilleur public de France. « Est-ce que la tribune Delacourt est en formeeeeeeeeeeeeeee ? » Le public répond comme un seul homme, feignant d’oublier les tracas du quotidien. « Ouaihhhhhhhhhh ! »Les secondes s’égrainent : il n’en reste plus beaucoup avant que les attaquants rennais donnent le coup d’envoi. Petit à petit, l’excitation devient plus intense. Et soudain sonnent les 20h00 : l’arbitre met son sifflet à la bouche, le match commence. Pour ces milliers de supporters venus encourager leurs joueurs, c’est la délivrance. Pour des centaines d’autres venus au stade pour le plaisir, c’est l’incompréhension.
11 novembre 2006 : 88 ans que l’armistice de la Grande Guerre a été signé. 8 millions de morts, six millions d’invalides, des milliers de gueules cassées… Morts pour la France et pour la Liberté. Morts pour qu’un siècle après, on puisse jouer au foot tranquillement dans un stade de province. On aurait aimé une minute de silence en pareille occasion. Ni les arbitres, ni les joueurs ne semblent être perturbés par une telle omission. Score final : 0 à 0.
Samuel Duhamel
2.11.06
Suburbios : um ano depois, nada mudou !
Várias mortes, 500 cidades atingidas, milhões de euros em estragos, filhos de imigrantes rebelados, cerca de 3.000 prisões, 8.970 carros incendiados. Há um ano, a França atravessou a sua pior crise social desde os eventos de maio 1968. Três semanas de terror durante as quais os direitos e as liberdades individuais não eram mais respeitados. “O maior motim francês”, na opinião do sociólogo Sébastien Roché, especialista em subúrbios e violência urbana. “Uma revolta popular sem precedente”, de acordo com os Renseignements Généraux, encarregados de explicar os fenômenos sociais às autoridades.
No entanto, o governo de Dominique de Villepin (UMP – direita) não parece ter compreendido o quanto a crise dos subúrbios era grave. Um ano depois, nenhuma reforma de importância foi implementada para melhorar a vida dos habitantes dos bairros populares. Poucos dias após o motim, o governo prometeu instalar um sistema de currículos anônimos nas empresas para lutar contra a discriminação contra os imigrantes. Nada se fez. O ministro do Interior, Nicolas Sarkozy, prometeu zerar a delinqüência juvenil nas periferias. Nada se fez. O ministro do emprego, Jean-Louis Borloo, prometeu incentivar “a igualdade das chances” para que um jovem dos subúrbios tenha as mesmas oportunidades que um jovem de Paris. Foi um fracasso. Nenhuma comissão parlamentar foi criada para analisar as raízes da crise. Pior ainda, nenhuma base de informação foi concebida pelo governo. Todas as informações dadas ao público sobre o perfil sociológico dos rebeldes e suas reivindicações vêm de fontes científicas independentes ou de associações locais. Em resumo: o balanço da crise dos subúrbios não foi tirado pelas autoridades. O resultado é catastrófico: a taxa de desemprego atinge os 40% na categoria 18-25 anos nas periferias, contra 9% noutro lugar, a maioria das cidades periféricas carece de serviços públicos, o problema da habitação é preocupante... Parece esquecida a mensagem de desespero dos jovens de Clichy-sous-Bois, Sarcelles, Lille-Sud e dos outros bairros populares.
E como os motivos da ira não desapareceram, as probabilidades de ver uma nova crise acontecer são altas. Os Renseignements généraux estimam que o governo tem de considerar “a possibilidade de violências estruturadas e não mais espontâneas, como no último ano contra as instituições republicanas”. De fato, o governo não entendeu nada da crise das periferias e continua a provocar. Símbolo da irresponsabilidade governamental: a viagem do ministro do Interior, Nicolas Sarkozy, à Lozère, um departamento rural conservador e próspero, em 27 de outubro, 365 dias após o início dos motins. Em frente aos plutocratas reunidos para apoiá-lo, falou que conhecia “os sofrimentos, os pedidos, as necessidades e as inquietações do povo daqui em termos de serviços públicos, de acesso a internet, de desertificação...”. Um discurso que nunca pronunciou nos súburbios diante de jovens sem futuro.
Samuel Duhamel
No entanto, o governo de Dominique de Villepin (UMP – direita) não parece ter compreendido o quanto a crise dos subúrbios era grave. Um ano depois, nenhuma reforma de importância foi implementada para melhorar a vida dos habitantes dos bairros populares. Poucos dias após o motim, o governo prometeu instalar um sistema de currículos anônimos nas empresas para lutar contra a discriminação contra os imigrantes. Nada se fez. O ministro do Interior, Nicolas Sarkozy, prometeu zerar a delinqüência juvenil nas periferias. Nada se fez. O ministro do emprego, Jean-Louis Borloo, prometeu incentivar “a igualdade das chances” para que um jovem dos subúrbios tenha as mesmas oportunidades que um jovem de Paris. Foi um fracasso. Nenhuma comissão parlamentar foi criada para analisar as raízes da crise. Pior ainda, nenhuma base de informação foi concebida pelo governo. Todas as informações dadas ao público sobre o perfil sociológico dos rebeldes e suas reivindicações vêm de fontes científicas independentes ou de associações locais. Em resumo: o balanço da crise dos subúrbios não foi tirado pelas autoridades. O resultado é catastrófico: a taxa de desemprego atinge os 40% na categoria 18-25 anos nas periferias, contra 9% noutro lugar, a maioria das cidades periféricas carece de serviços públicos, o problema da habitação é preocupante... Parece esquecida a mensagem de desespero dos jovens de Clichy-sous-Bois, Sarcelles, Lille-Sud e dos outros bairros populares.
E como os motivos da ira não desapareceram, as probabilidades de ver uma nova crise acontecer são altas. Os Renseignements généraux estimam que o governo tem de considerar “a possibilidade de violências estruturadas e não mais espontâneas, como no último ano contra as instituições republicanas”. De fato, o governo não entendeu nada da crise das periferias e continua a provocar. Símbolo da irresponsabilidade governamental: a viagem do ministro do Interior, Nicolas Sarkozy, à Lozère, um departamento rural conservador e próspero, em 27 de outubro, 365 dias após o início dos motins. Em frente aos plutocratas reunidos para apoiá-lo, falou que conhecia “os sofrimentos, os pedidos, as necessidades e as inquietações do povo daqui em termos de serviços públicos, de acesso a internet, de desertificação...”. Um discurso que nunca pronunciou nos súburbios diante de jovens sem futuro.
Samuel Duhamel
30.10.06
Affaire Elf, Lambert du décor

Dans un décor minimaliste où chaque objet a son importance, l’auteur et comédien Nicolas Lambert reconstitue avec minutie les quatre mois de procès. Seul sur scène, il campe une dizaine de personnages avec ingéniosité imitant les mimiques des uns et des autres sans tomber dans la caricature. Stupéfaction du juge devant les déclarations ubuesques des accusés, dédain teinté d’ironie de Louis Le Floch-Prigent, impudence déconcertante d’Alfred Sirven, mauvaise foi irritante d’André Tarallo… Il n’est pas besoin de masque ou de maquillage pour distinguer les personnages. Le génie de la pièce de Nicolas Lambert consiste à reprendre uniquement les phrases prononcées lors des audiences du tribunal correctionnel de Paris. Résultat : un texte savoureux digne de Labiche ou de Guitry. Le burlesque (Le juge à Guelfi : « Vous vous trouvez dans le même tribunal que Marie-Antoinette lors de son procès ! », Guelfi : « Qui çà ? », Le juge : « Marie-Antoinette, la femme de Louis XVI ! », Guelfi : « Et combien elle a pris, monsieur le juge ? ») succède au pathétique (Sirven : « Je n’ai jamais proposé l’argent de la compagnie à quiconque, monsieur le juge. Je ne le donnais que lorsqu’on me le demandait… et j’en tire une fierté personnelle ! ») dans un tempo bien senti.
Mais l’essentiel est ailleurs : la pièce de Lambert rappelle les sombres implications politiques de l’affaire Elf. Ce ne sont pas seulement 37 anciens officiels de la compagnie pétrolière qui ont été jugés devant la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris, c’est aussi un régime politique entier. Chefs de l’Etat coupables d’entretenir des relations amicales avec des dictateurs sanguinaires pour préserver l’intérêt de la France, ministres encourageant le pillage de l’Afrique au bénéfice d’une entreprise milliardaire, hauts fonctionnaires empêchant le travail efficace de la Justice… L’addition est salée pour « la patrie des droits de l’homme ».
A l’heure où les grands médias industriels dispensent des informations de plus en plus aseptisées, on ne peut que se réjouir de voir Nicolas Lambert revenir avec brio sur ce scandale d’Etat. Plus qu’une pièce de théâtre, c’est à un cours d’histoire et d’instruction civique que l’on assiste en allant voir Elf la pompe Afrique. A six mois des élections présidentielle et législatives, la leçon est salutaire…
Samuel Duhamel
Pour en savoir plus sur la pièce et découvrir les prochaines dates de la tournée : http://www.unpasdecote.org/
25.10.06
« Avec la pièce, je veux que les gens comprennent mieux le monde dans lequel on vit. »

Entretien avec Nicolas Lambert (auteur, metteur en scène et comédien de la pièce Elf, la pompe Afrique)
Pourquoi avoir décidé de suivre les quatre mois de procès des 37 anciens dirigeants d’Elf en 2003 ?A l’époque, je souhaitais faire un travail sur la justice et plus précisément sur cette monstruosité qu’est le système carcéral. Je suis donc allé voir plusieurs procès pour m’imprégner de l’ambiance, découvrir le rôle des juges, des avocats, du procureur… Et puis, je suis allé assister au procès Elf. Ca a été une grande surprise : cette affaire condensait une série impressionnante de problèmes et de dysfonctionnements à tous les niveaux (politiques, financiers, économiques…). Après le procès, j’ai abandonné une idée de spectacle que j’avais déjà commencé. Je devais faire une pièce sur le procès Elf, cette affaire s’imposait à moi. Je ne pouvais plus faire autrement.
Quels sont vos objectifs avec cette pièce ? Quels buts voulez-vous atteindre ?Mes ambitions avec Elf la pompe Afrique sont nombreuses. Je souhaite d’abord faire venir des gens qui ne sont pas habitués à aller au théâtre. J’ai joué dans des petites salles, des bistrots, des amphithéâtres pour qu’un maximum de citoyens puissent voir la pièce et apprendre ce qui s’est passé dans les arcanes de la société Elf pendant toutes ces années. Je veux aussi proposer au public une pièce de notre époque, une histoire qui les touche par sa contemporanéité. J’aime beaucoup Molière, Shakespeare ou Marivaux mais je trouve çà bien aussi de voir des pièces d’aujourd’hui, plus proches de nous. Autre objectif : faire en sorte que les spectateurs passent un bon moment. La pièce dure pas loin de trois heures, il est donc important qu’ils prennent du plaisir en me voyant jouer et en découvrant les horreurs qu’ont commises les personnages que j’interprète. Enfin, je souhaite vraiment que les gens sortent de la pièce armés d’autre chose que de l’information aseptisée qu’ils regardent à la télé. De grands groupes industriels ont fait main basse sur l’information et la culture. Moi, je veux que les gens utilisent leur temps de cerveau disponible pour autre chose que la publicité. Si les gens sortent du théâtre en comprenant davantage le monde dans lequel on vit, j’aurais réussi ma mission.
Dans votre pièce, de nombreux chefs d’Etat ou ministres en prennent pour leur grade. N’avez-vous pas peur que votre pièce dégoûte les spectateurs de la vie politique et conforte le sentiment partagé du « tous pourris » ?
Après avoir vu Elf la pompe Afrique, le risque d’être déçu de la politique et de nos représentants existe. Mais dans le même temps, à force de regarder des émissions de télé réalité ou de divertissement, le risque de rejet du politique existe aussi. Quelque part, assister à la pièce est un exercice pénible, c’est sûr… mais je n’en suis pas responsable. Je suis juste le rapporteur de ce qui s’est passé. Il faut maintenant tourner la page Elf et tenter d’en écrire une nouvelle. La pièce doit donner envie d’agir, de résister, de réfléchir… Il me semble de mon devoir de jouer des pièces qui permettent une prise de conscience. De Gaulle savait qu’Elf était une société corrompue qui pillait l’Afrique à l’avantage de quelques uns, il n’a pas bougé. Mitterrand non plus. Chirac non plus… Maintenant, nous aussi, nous savons. Et nous nous devons d’agir pour changer les choses.
A entendre certaines répliques, on a du mal à croire que toutes les phrases aient été tirées du procès. Comment les accusés ont-ils pu tenir des propos aussi ridicules ou irresponsables ?Les hautes fonctions, l’argent facile, le sentiment d’impunité… tout cela peut aboutir à de telles dérives. Mais la grande médiocrité de l’affaire Elf peut se comprendre : on peut être aveuglé par tant de fastes et d’apparats. La simplicité et la niaiserie des accusés montrent aussi qu’il n’est pas besoin d’avoir fait bac + 8 pour faire de la politique. Que des gens aussi bêtes et primaires aient occupé des fonctions aussi importantes montrent que la politique, l’économie, la diplomatie, ce n’est pas aussi compliqué que cela. Quand un homme politique décidé de vendre des armes à un dictateur en échange d’un pétrole bon marché, il est facile de comprendre que l’intérêt économique passe avant les droits de l’homme. Quand des hommes d’affaire ouvrent des comptes dans des paradis fiscaux pour ne pas imposés au mépris du droit international, il est facile de comprendre que l’intérêt économique passe avant les droits de l’homme. Aujourd’hui, le groupe Total est plus puissant que l’Etat français vu les profits pharamineux qu’il draine[1] et la dépendance pétrolière de notre société. Cela est aussi facile à comprendre mais cela doit nous poser des questions.
Après quatre mois de procès et deux ans de tournée, que vous inspirent aujourd’hui les principaux personnages que vous incarnez (Le Floch-Prigent, Sirven, Tarallo…) ?Rien de bien. Dans ma pièce, j’essaie de leur donner un maximum de sympathie, de les rendre humais, de montrer aux gens que ce ne sont pas des gros monstres. Ils ont fait d’immenses conneries mais chacun d’entre nous pourrait faire les mêmes sans vigilance et sans sens critique. Heureusement, je ne me laisse pas bouffer par mes personnages : j’ai beau vouloir les humaniser le plus possible sur scène, je vois toujours leur mauvaise foi, leur cynisme et leur médiocrité. Ces gens ont profité d’un système injuste qui les a servis pendant plusieurs années. Moi, j’ai envie de me battre contre ce système.
Pourquoi avoir décidé de camper autant de personnages seul ?Pour trois raisons : d’abord, j’ai fait la pièce à une époque où je voulais bosser en solo. Ensuite, j’étais le seul à avoir assisté au procès et il aurait été difficile d’expliquer à d’autres comédiens les gestes, mimiques et comportements des accusés sans qu’ils ne les aient vus. Enfin, j’ai joué la pièce des dizaines de fois sans être rémunéré pour des amis, des étudiants ou des associations que j’apprécie. Je ne sais pas si d’autres comédiens auraient pu ou voulu accepter cela.
Pensez-vous qu’Alfred Sirven ait été assassiné ?Aucune idée… mais vu le nombre de macchabées qu’a laissés l’affaire Elf derrière elle, je me dis que c’est possible !
Que peut-on faire pour que la France et Total aujourd’hui cessent de sucer le sang et les richesses des anciens pays colonisés et arrêtent de soutenir les dictatures sur place ?
Il faut informer, aller voir plus loin que ce que l’on dit dans les journaux télé, se poser des questions sur l’origine des informations que l’on reçoit, interpeller nos élus, soutenir des associations qui se battent pour assainir les relations franco-africaines et contre les mensonges d’Etat. En un mot, il ne faut pas se laisser endormir par le système. Mais attention : le système est fort, c’est une machine qui broie les libertés et les droits, qui préserve les privilèges de quelques uns, qui empêche le travail de la justice. Méfions-nous aussi de cette gigantesque industrie du divertissement qui veut nous endormir. Pourquoi les marchands d’arme et les grands industriels, qui détiennent les médias de masse, veulent-ils nous divertir avec leurs émissions débiles et leurs magazines voyeuristes ? Quels intérêts ont-ils à çà ?
Que vous inspire la mise en examen récente de Christophe de Margerie, numéro 2 de Total, pour complicité d’abus de biens sociaux et complicité de corruption d’agents publics étrangers ?L’affaire Elf semble se poursuivre. Espérons que, cette fois, le juge d’instruction [Philippe Courroye] puisse effectuer son travail sereinement et sans être menacé. Ca n’a malheureusement pas été le cas d’Eva Joly, la juge d’instruction de l’affaire Elf, l’a été pendant ses huit ans d’instruction… Alors restons debout, les yeux ouverts.
Propos recueillis par Samuel Duhamel
[1] Plus de 13 milliards d’euros en 2005
22.10.06
La pensée du jour
Une croissance indéfinie est impossible, nous n'avons qu'une seule Terre, mais une civilisation du bonheur est possible. Les solutions existent, mais l'opinion les ignore car les structures actuelles et les détenteurs du pouvoir économique et politique s'y opposent.
René Dumont
René Dumont
18.10.06
A utopia concreta da renda basica de cidadania
"Eu agora estou convencido de que o mais simples meio provará ser o mais eficaz – a solução para a pobreza é aboli-la diretamente por meio de uma medida amplamente discutida: a renda garantida."Martin Luther King
Where do we go from here? Chaos or community
Mais uma prova! Desta vez, é certo: os defensores da renda de existência não são ingênuos que não refletem. Pelo contrário, o livro Renda básica de cidadania: a resposta dada pelo vento, do senador e economista Eduardo Suplicy, mostra com brio que a implementação de um salário incondicional distribuído a cada um será a maior reforma social do século 21. Num estilo claro e didático, o autor da lei que instituiu a renda básica no Brasil explica as inúmeras vantagens de tal salário: eliminação da burocracia, desaparecimento do sentimento de estigmatização ou vergonha na hora de receber a renda, estímulo ao trabalho, aumento da demanda por bens e serviços, liberdade maior para os mais humildes frente a uma proposta de trabalho desumanizante...
Pois bem, por que os detendores de capital, os que não precisam trabalhar para viver, deveriam ser os únicos cidadãos a não cuidarem das suas condições de sobrevida?
Basta ver os nomes dos grandes filósofos, economistas e homens políticos que defenderam a renda de cidadania para se dar conta de que a idéia não é irrealista: Confucius, Thomas Paine, Condorcet, Yves Cochet e os prêmios Nobel de economia John Maynard Keynes, James Meade, John Tinberghen, Robert Solow e James Tobin. A renda básica dá a oportunidade de colocar o ser humano em primeiro lugar diante do economicismo ambiente.
A força do ensaio de Suplicy é mostrar o que seria a vida com a implementaçao de uma renda garantida para todos. Mais leve, mais igual, mais justa, mais simples..., a existência de cada membro da sociedade seria facilitada. Então, por que é que o poder político, em todos os países do mundo, não instala um dividendo social que permita a todos o atendimento de suas necessidades vitais? O Suplicy acaba o livro com essa frase: "O Brasil será melhor quando a renda básica de cidadania estiver em plena vigência". Após leitura, ninguém irá contestá-la.
Samuel Duhamel

Renda basica de cidadania : a resposta dada pelo vento, de Eduardo Suplicy, éditions L&PM Pocket, 8 Rs
Where do we go from here? Chaos or community

Pois bem, por que os detendores de capital, os que não precisam trabalhar para viver, deveriam ser os únicos cidadãos a não cuidarem das suas condições de sobrevida?
Basta ver os nomes dos grandes filósofos, economistas e homens políticos que defenderam a renda de cidadania para se dar conta de que a idéia não é irrealista: Confucius, Thomas Paine, Condorcet, Yves Cochet e os prêmios Nobel de economia John Maynard Keynes, James Meade, John Tinberghen, Robert Solow e James Tobin. A renda básica dá a oportunidade de colocar o ser humano em primeiro lugar diante do economicismo ambiente.
A força do ensaio de Suplicy é mostrar o que seria a vida com a implementaçao de uma renda garantida para todos. Mais leve, mais igual, mais justa, mais simples..., a existência de cada membro da sociedade seria facilitada. Então, por que é que o poder político, em todos os países do mundo, não instala um dividendo social que permita a todos o atendimento de suas necessidades vitais? O Suplicy acaba o livro com essa frase: "O Brasil será melhor quando a renda básica de cidadania estiver em plena vigência". Após leitura, ninguém irá contestá-la.
Samuel Duhamel

Renda basica de cidadania : a resposta dada pelo vento, de Eduardo Suplicy, éditions L&PM Pocket, 8 Rs
9.10.06
La révolution manquée de Lula da Silva

106 ans après Dom Casmurro, l’histoire de Machado de Assis semble se répéter, dans la vie réelle cette fois. Capitú a laissé sa place au président Luiz Inácio Lula da Silva dans le rôle du héros controversé. Contrairement à 2002, le leader du parti des travailleurs (PT) ne fait l’unanimité ni chez les plus démunis, ni chez les intellectuels de gauche. Les critiques de la population sont d’autant plus violentes que l’espoir de voir l’ancien ouvrier métallurgiste construire un Brésil socialement plus équitable était immense. « Il a trahi son camp en menant une politique économique de rigueur et en perdant sa vocation sociale », assure Fabio Araújo, ancien électeur de Lula. Pour Cláudio Leal, journaliste politique au quotidien bahianais A Tarde: « Le président n’a pas tenu ses principales promesses et s’est embourbé dans plusieurs scandales de corruption extrêmement graves. En plus, il flirte de manière permanente avec le populisme : pendant la campagne, il est allé jusqu’à se comparer à Jésus Christ ! » Autre signe révélateur de la déception ambiante : deux des trois adversaires de Lula à la présidence de la République sont d’anciens membres du PT. La sénatrice Heloísa Helena a abandonné son ancien chef de file, le jugeant « autoritaire et trop libéral sur le plan économique ». Pour sa part, l’ancien ministre Cristovam Buarque a estimé que Lula avait complètement négligé le secteur éducatif depuis son arrivée au pouvoir.
Promesses non tenues Il est vrai que l’action politique de l’ancien syndicaliste pernambuco laisse perplexe : d’après le magasine Época (qui soutient le président Lula), sur les 700 promesses effectuées lors de la campagne de 2002, seules 360 ont été réalisées. Et les engagements non tenus ne sont pas sans importance : éradiquer la faim, diminuer le temps de travail, créer un système participatif pour le vote du budget fédéral, taxer les grandes fortunes, supprimer la corruption, taxer les entreprises recourant trop souvent aux contrats de travail précaires, refuser l’entrée de cultures OGM sur le territoire, éliminer le travail esclave… Rien de tout cela n’a été fait. Dans certains cas, la situation a même empiré comme le prouve la multiplication des affaires de corruption impliquant le PT (achat de votes au parlement fédéral, financement illégal de campagnes électorales, achat à prix d’or d’un dossier incriminant des adversaires politiques…).
Le 1er octobre, lors du premier tour de l'élection présidentielle, le président brésilien a obtenu pres de 49% des voix contre 41,5 pour son adversaire conservateur, Geraldo Alckmin. Mais contrairement a 2002, le soutien apporte a Lula n’a pas été enthousiaste. Pour la classe moyenne, le vote Lula était souvent synonyme de dépit. Quant aux plus pauvres, ils ont souvent choisi celui qui se présente comme le « candidat du peuple », le seul a vouloir faire en sorte que « chaque Brésilien puisse manger trois fois par jour ». Le bon score de Lula au premier tour s’explique autant par la faiblesse de l’opposition qu’aux réformes discrètes mais réelles de son gouvernement. Parmi ces dernières, la création d’un revenu garanti (Bolsa Família) pour les parents pauvres envoyant leurs enfants à l’école fait figure de « grand bond en avant ». Autre points positifs : une augmentation de 20% du revenu minimum (en valeur réelle), une legère inflexion du nombre d’habitants vivant sous le seuil de pauvreté, la création de 5 millions d’emplois en quatre ans et le développement progressif du microcrédit. Par ailleurs, plus de 300.000 terrains ont été accordés aux familles de paysans sans terre. Une première dans un pays où l’agriculture industrielle règne en maître.
Lula, défenseur de l’économisme et de la croissance Bien loin de la révolution douce qu’attendaient les Brésiliens, le premier gouvernement Lula a permis au pays de conforter sa place dans le groupe des puissances dites émergentes (Chine, Inde, Russie…). « Plutôt que de critiquer la mondialisation néolibérale et de défendre un modèle d’échanges socialement et écologiquement plus harmonieux, Lula a voulu adapter son pays aux exigences de la compétition internationale », affirme l’économiste Paulo Nogueira de la Fondation Getúlio Vargas de São Paulo. Au prix d’une politique économique orthodoxe, le président a épongé la dette que le pays devait au FMI, réduit la dette publique et maintenu l’inflation sous les 5%. Par ailleurs, sous Lula, la croissance économique du pays a fait des bonds de 3% par an en moyenne (l’ancien ouvrier espérait 5% !). Mais pendant ce temps, les budgets de l’éducation et de la santé stagnaient… Entre 2002 et 2006, Lula a donc privilégié la santé économique de son pays au détriment du bien-être de sa population. Espérons que son deuxième mandat soit d’un autre acabit.
Samuel Duhamel
29.9.06
Une allocation universelle pour en finir avec la misère extrême
« Les conditions de vie se détériorent, les inégalités sociales s’accentuent, l’environnement se dégrade mais je reste persuadé qu’une civilisation du bonheur est possible.»
René Dumont
Sur la Terre aujourd’hui, trois milliards d’individus reçoivent 1,2 % du revenu global alors qu’un milliard d’habitants en reçoit 80%[1]. En 2005, les 500 personnes les plus riches concentraient autant de richesses que les 420 millions les plus pauvres[2]. La vérité des chiffres est cristalline mais de tels déséquilibres finissent par aveugler. Pourtant, jamais les écarts de revenus entre les serviteurs du capitalisme financier et les sans-grades des pays du Sud n’ont été aussi importants. Pour inverser cette tendance inégalitaire, des économistes (dont les Prix Nobel Jan Tinbergen, James Meade et James Tobin), des écologistes (André Gorz, Alain Lipietz, Yves Cochet…) et un mouvement social hétéroclite allant des communistes révolutionnaires aux catholiques conservateurs défendent l’instauration d’une allocation universelle. Egalement appelée revenu d’existence ou dividende social, l’allocation universelle a pour principe de ne laisser aucun individu sans ressources suffisantes pour se nourrir, se vêtir et se loger. Contrairement au Revenu minimum d’insertion, elle est accordée à tous les citoyens, de manière individuelle et sans contrepartie de recherche d’emploi.
Ses avantages sont innombrables : écologique, elle freine la croissance de la production industrielle et privilégie le « mieux-être » au « plus avoir ». Sociale, elle permet de s’attaquer à la grande pauvreté et libère l’individu de la crainte d’être exclu. Economique, elle allège le coût du travail et incite certains urbains à retourner à la campagne où la vie est globalement moins chère. Loin d’être utopique, l’allocation universelle peut être financée par une taxation accrue des activités polluantes, des combustibles fossiles, des transactions immobilières et financières et de la publicité. Pour le moment, seul le Brésil a osé franchir le pas en instaurant la bolsa familia (bourse familiale) en octobre 2003 puis en votant une loi instaurant la renda básica de cidadania (ou rente minimale de citoyenneté) en janvier 2004 [voir ci-dessous]. Mais d’autres pays comme l’Afrique du Sud, les Pays-Bas ou certains Etats fédérés américains prévoient de la mettre en place à plus ou moins long terme. A une époque où les budgets consacrés aux programmes sociaux se réduisent toujours davantage, voir l’allocation universelle s’immiscer dans le débat politique est porteur d’espoir. Gageons qu’il ne soit pas déçu.
Samuel Duhamel
[1] Rapport de l’Unesco (Organisation des Nations Unis pour l’éducation, la science et le culture), Lutter contre la pauvreté, 2005
[2] Rapport mondial sur le développement du PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement), 2005
René Dumont
Sur la Terre aujourd’hui, trois milliards d’individus reçoivent 1,2 % du revenu global alors qu’un milliard d’habitants en reçoit 80%[1]. En 2005, les 500 personnes les plus riches concentraient autant de richesses que les 420 millions les plus pauvres[2]. La vérité des chiffres est cristalline mais de tels déséquilibres finissent par aveugler. Pourtant, jamais les écarts de revenus entre les serviteurs du capitalisme financier et les sans-grades des pays du Sud n’ont été aussi importants. Pour inverser cette tendance inégalitaire, des économistes (dont les Prix Nobel Jan Tinbergen, James Meade et James Tobin), des écologistes (André Gorz, Alain Lipietz, Yves Cochet…) et un mouvement social hétéroclite allant des communistes révolutionnaires aux catholiques conservateurs défendent l’instauration d’une allocation universelle. Egalement appelée revenu d’existence ou dividende social, l’allocation universelle a pour principe de ne laisser aucun individu sans ressources suffisantes pour se nourrir, se vêtir et se loger. Contrairement au Revenu minimum d’insertion, elle est accordée à tous les citoyens, de manière individuelle et sans contrepartie de recherche d’emploi.
Ses avantages sont innombrables : écologique, elle freine la croissance de la production industrielle et privilégie le « mieux-être » au « plus avoir ». Sociale, elle permet de s’attaquer à la grande pauvreté et libère l’individu de la crainte d’être exclu. Economique, elle allège le coût du travail et incite certains urbains à retourner à la campagne où la vie est globalement moins chère. Loin d’être utopique, l’allocation universelle peut être financée par une taxation accrue des activités polluantes, des combustibles fossiles, des transactions immobilières et financières et de la publicité. Pour le moment, seul le Brésil a osé franchir le pas en instaurant la bolsa familia (bourse familiale) en octobre 2003 puis en votant une loi instaurant la renda básica de cidadania (ou rente minimale de citoyenneté) en janvier 2004 [voir ci-dessous]. Mais d’autres pays comme l’Afrique du Sud, les Pays-Bas ou certains Etats fédérés américains prévoient de la mettre en place à plus ou moins long terme. A une époque où les budgets consacrés aux programmes sociaux se réduisent toujours davantage, voir l’allocation universelle s’immiscer dans le débat politique est porteur d’espoir. Gageons qu’il ne soit pas déçu.
Samuel Duhamel
[1] Rapport de l’Unesco (Organisation des Nations Unis pour l’éducation, la science et le culture), Lutter contre la pauvreté, 2005
[2] Rapport mondial sur le développement du PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement), 2005
Au Brésil, la bourse familiale profite à 11 millions de familles
« Si, à la fin de mon mandat, tous les Brésiliens ont de quoi manger trois fois par jour, j’aurais accompli la mission de ma vie. » Trois ans et demi après son discours d’investiture à la présidence de la République, Luiz Inacio Lula da Silva n’a pas atteint son objectif. Malgré une baisse sensible de la pauvreté, 14 des 190 millions de Brésiliens souffrent encore de la faim[1]. Pourtant, 55% de la population considère que c’est dans l’aide aux plus démunis que l’action de l’ancien ouvrier métallurgiste a été la plus efficace[2]. Etrange paradoxe…
L’explication tient en deux mots : bolsa familia (bourse familiale). Fruit de la fusion de quatre programmes d’aide sociale et du triplement du budget alloué à la lutte contre la faim, la bourse est un revenu individuel garanti aux familles dont les revenus sont inférieurs à 240 reals (100 euros) par mois. Deux conditions sont nécessaires pour toucher la bolsa familia : scolariser ses enfants et les faire vacciner contre les principales maladies infantiles. D’un montant de 15 reals (6 euros) par enfant et ne pouvant excéder 95 reals (39 euros) par foyer, la bourse profite aujourd’hui à plus de 11 millions de familles, soit un quart de la population brésilienne. Le succès de l’allocation dans l’opinion est tel que même les partis d’opposition en viennent à souligner ses mérites. « La bourse familiale est la réforme sociale la plus ambitieuse que le Brésil ait jamais connue », résume Waldir Pires, ministre de la défense du gouvernement Lula. « Avec un budget de 8,3 milliards de reals (3,5 milliards d’euros), c’est le plus grand programme de redistribution des richesses du monde. Grâce à la bourse, jamais l’écart entre riches et pauvres n’a été aussi mince au Brésil », complète Ricardo Mendonça, journaliste à la revue Época.
Mais le président Lula ne veut pas s’arrêter là. Le 16 septembre, il rappelait lors d’un meeting à Salvador de Bahia que le Brésil était encore « l’un des pays les plus inégalitaires au monde[3] » et que « l’Etat devait augmenter les transferts de revenus en direction des plus modestes ». Prochaine étape : instaurer un véritable revenu d’existence. Une loi créant la renda basica de cidadania (ou revenu minimum de citoyenneté), fixée à 40 reals (18 euros) par personne et par mois, a déjà été votée en janvier 2004. Son entrée en vigueur est prévue après les élections présidentielles d’octobre. Pour le député du Parti des travailleurs Eduardo Suplicy, initiateur du projet au Parlement fédéral, « la bourse familiale n’est qu’un début. Il faut maintenant accorder à chacun un revenu inaliénable lui permettant de vivre décemment. C’est le meilleur moyen d’éradiquer la pauvreté, de mieux redistribuer les richesses et de garantir la dignité et la liberté aux citoyens. » Mais l’instauration du revenu de citoyenneté prendra du temps. Marco Weissheimer, spécialiste des questions sociales au Brésil, estime qu’ « il faudra encore une dizaine d’année avant que l’allocation universelle soit distribuée à tous les citoyens. Un tel projet ne peut être mis en place que graduellement sous peine de creuser le déficit public.» Pour autant, après plus de quarante ans d’augmentation continue des inégalités entre Brésiliens modestes et fortunés, le pays semble enfin avoir trouvé la parade pour supprimer la grande pauvreté. Reste à savoir quand la mission du président Lula sera définitivement accomplie.
Samuel Duhamel
[1] Etude de l’institut brésilien de géographie et des statistiques, 2004
[2] Etude de l’institut de sondage Vox populi, juin 2006
[3] D’après le PNUD, le Brésil est l’un des trois pays les plus inégalitaires d’Amérique latine avec le Chili et le Paraguay.
L’explication tient en deux mots : bolsa familia (bourse familiale). Fruit de la fusion de quatre programmes d’aide sociale et du triplement du budget alloué à la lutte contre la faim, la bourse est un revenu individuel garanti aux familles dont les revenus sont inférieurs à 240 reals (100 euros) par mois. Deux conditions sont nécessaires pour toucher la bolsa familia : scolariser ses enfants et les faire vacciner contre les principales maladies infantiles. D’un montant de 15 reals (6 euros) par enfant et ne pouvant excéder 95 reals (39 euros) par foyer, la bourse profite aujourd’hui à plus de 11 millions de familles, soit un quart de la population brésilienne. Le succès de l’allocation dans l’opinion est tel que même les partis d’opposition en viennent à souligner ses mérites. « La bourse familiale est la réforme sociale la plus ambitieuse que le Brésil ait jamais connue », résume Waldir Pires, ministre de la défense du gouvernement Lula. « Avec un budget de 8,3 milliards de reals (3,5 milliards d’euros), c’est le plus grand programme de redistribution des richesses du monde. Grâce à la bourse, jamais l’écart entre riches et pauvres n’a été aussi mince au Brésil », complète Ricardo Mendonça, journaliste à la revue Época.
Mais le président Lula ne veut pas s’arrêter là. Le 16 septembre, il rappelait lors d’un meeting à Salvador de Bahia que le Brésil était encore « l’un des pays les plus inégalitaires au monde[3] » et que « l’Etat devait augmenter les transferts de revenus en direction des plus modestes ». Prochaine étape : instaurer un véritable revenu d’existence. Une loi créant la renda basica de cidadania (ou revenu minimum de citoyenneté), fixée à 40 reals (18 euros) par personne et par mois, a déjà été votée en janvier 2004. Son entrée en vigueur est prévue après les élections présidentielles d’octobre. Pour le député du Parti des travailleurs Eduardo Suplicy, initiateur du projet au Parlement fédéral, « la bourse familiale n’est qu’un début. Il faut maintenant accorder à chacun un revenu inaliénable lui permettant de vivre décemment. C’est le meilleur moyen d’éradiquer la pauvreté, de mieux redistribuer les richesses et de garantir la dignité et la liberté aux citoyens. » Mais l’instauration du revenu de citoyenneté prendra du temps. Marco Weissheimer, spécialiste des questions sociales au Brésil, estime qu’ « il faudra encore une dizaine d’année avant que l’allocation universelle soit distribuée à tous les citoyens. Un tel projet ne peut être mis en place que graduellement sous peine de creuser le déficit public.» Pour autant, après plus de quarante ans d’augmentation continue des inégalités entre Brésiliens modestes et fortunés, le pays semble enfin avoir trouvé la parade pour supprimer la grande pauvreté. Reste à savoir quand la mission du président Lula sera définitivement accomplie.
Samuel Duhamel
[1] Etude de l’institut brésilien de géographie et des statistiques, 2004
[2] Etude de l’institut de sondage Vox populi, juin 2006
[3] D’après le PNUD, le Brésil est l’un des trois pays les plus inégalitaires d’Amérique latine avec le Chili et le Paraguay.
Grâce au revenu garanti, Iracy ne se sacrifie plus pour sa famille
Dans les hauteurs de Lençois, une bourgade paisible de 9 000 âmes, située au fin fond de la région Nordeste – le plus pauvre du Brésil –, de petites maisons colorées fleurissent dans un océan de verdure. Dans l’une d’elles, Iracy Britto Almeida Paiva s’occupe seule de son petit-fils Patrick, 4 ans. Depuis six mois, la grand-mère de 53 ans reçoit une bourse familiale de 80 reals (32 euros) qui la soulage dans sa vie quotidienne : « Avant, j’avais des difficultés pour payer mes factures et acheter à manger. De temps en temps, je me privais pour mes enfants et petits-enfants. Mais aujourd’hui, avec la bourse familiale, c’est fini : je ne suis plus au centime près quand je fais mes courses. Pour moi et Patrick, l’horizon se dégage. »
La famille Almeida Paiva ne vit pas sur l’or pour autant : dans leur maison, vous ne trouvez ni téléphone, ni livres, ni appareils électroménagers. L’unique objet de valeur de la maison d’Iracy est une vieille télé couleurs qui trône au milieu du salon. Pour les loisirs, le budget familial est pratiquement nul. Pour se détendre, Iracy va de temps en temps à la plage ou regarde des novelas sur TV Globo. Mais ce sont surtout les visites régulières des amis et voisins qui égaient ses journées. « On compense notre absence de biens matériels par des relations accrues avec notre entourage. Il est impossible de sentir seul ici. Dans les moments difficiles, l’entourage nous pousse à aller de l’avant. », explique la mère de six enfants, tous âgés de plus de 22 ans.
Iracy reconnaît au président Lula le mérite de vouloir endiguer la pauvreté même si elle trouve le montant de la bourse trop bas. « La bolsa familia est davantage une allocation de complément qu’un véritable revenu. Mais avec cet argent, je sais où je vais, je me pose moins de questions : en fait, c’est autant une aide financière que psychologique », plaisante l’ancienne couturière.
A Lençois, près de 1 060 familles vivent dans des conditions similaires à celle d’Iracy et touchent un revenu garanti. D’après Cassia Alves, assistante sociale chargée du programme Bolsa Familia à la mairie de la ville, « la misère disparaît à l’œil nu dans les quartiers les plus défavorisés. Les gens souffrent moins de la faim, ils reprennent confiance en eux, prennent des initiatives. Vous n’entendrez personne ici dire que la bourse est une hérésie politique. » Malgré le succès de la bourse familiale, le devoir de solidarité doit continuer avec les familles modestes du Brésil. L’éradication de la famine et des maladies de la pauvreté est à ce prix.
Samuel Duhamel
Pour en savoir plus :
Livres :
- L’allocation universelle, de Yannick Vanderborght et Philippe Van Parijs, éd. La découverte
- Le revenu d’existence ou la métamorphose de l’être social, de Yoland Bresson, éd. L’esprit frappeur
- L’allocation universelle. Pour un revenu de citoyenneté, de Jean-Marc Ferry, éd. Cef
- Renda básica de cidadania : a resposta dada pelo vento, de Eduardo Suplicy, éd. LPM Pocket
- Bolsa Familia, de Marco Weissheimer, éd. Fundação Perseu Abramo
Sur la toile :
- Basic Income Earth Network : http://www.basicincome.org/
- Libérer l’avenir avec le revenu d’existence : http://chezsamuca.blogspot.com/2006/03/librer-lavenir.html
La famille Almeida Paiva ne vit pas sur l’or pour autant : dans leur maison, vous ne trouvez ni téléphone, ni livres, ni appareils électroménagers. L’unique objet de valeur de la maison d’Iracy est une vieille télé couleurs qui trône au milieu du salon. Pour les loisirs, le budget familial est pratiquement nul. Pour se détendre, Iracy va de temps en temps à la plage ou regarde des novelas sur TV Globo. Mais ce sont surtout les visites régulières des amis et voisins qui égaient ses journées. « On compense notre absence de biens matériels par des relations accrues avec notre entourage. Il est impossible de sentir seul ici. Dans les moments difficiles, l’entourage nous pousse à aller de l’avant. », explique la mère de six enfants, tous âgés de plus de 22 ans.
Iracy reconnaît au président Lula le mérite de vouloir endiguer la pauvreté même si elle trouve le montant de la bourse trop bas. « La bolsa familia est davantage une allocation de complément qu’un véritable revenu. Mais avec cet argent, je sais où je vais, je me pose moins de questions : en fait, c’est autant une aide financière que psychologique », plaisante l’ancienne couturière.
A Lençois, près de 1 060 familles vivent dans des conditions similaires à celle d’Iracy et touchent un revenu garanti. D’après Cassia Alves, assistante sociale chargée du programme Bolsa Familia à la mairie de la ville, « la misère disparaît à l’œil nu dans les quartiers les plus défavorisés. Les gens souffrent moins de la faim, ils reprennent confiance en eux, prennent des initiatives. Vous n’entendrez personne ici dire que la bourse est une hérésie politique. » Malgré le succès de la bourse familiale, le devoir de solidarité doit continuer avec les familles modestes du Brésil. L’éradication de la famine et des maladies de la pauvreté est à ce prix.
Samuel Duhamel
Pour en savoir plus :
Livres :
- L’allocation universelle, de Yannick Vanderborght et Philippe Van Parijs, éd. La découverte
- Le revenu d’existence ou la métamorphose de l’être social, de Yoland Bresson, éd. L’esprit frappeur
- L’allocation universelle. Pour un revenu de citoyenneté, de Jean-Marc Ferry, éd. Cef
- Renda básica de cidadania : a resposta dada pelo vento, de Eduardo Suplicy, éd. LPM Pocket
- Bolsa Familia, de Marco Weissheimer, éd. Fundação Perseu Abramo
Sur la toile :
- Basic Income Earth Network : http://www.basicincome.org/
- Libérer l’avenir avec le revenu d’existence : http://chezsamuca.blogspot.com/2006/03/librer-lavenir.html
Uma campanha sem política
Domingo, 1º de outubro, será o dia mais importante para a política brasileira desde a eleição do ex-operário Luiz Inácio Lula da Silva à presidência da República, em 2002. Com cinco eleições previstas para a mesma data, o cenário político do país pode ser completamente modificado. Novos representantes, novos programas de educação e de distribuição de renda, nova política social e econômica... O futuro dos 190 milhões de brasileiros depende diretamente do veredicto das urnas.
No entanto, os candidatos não parecem levar o assunto a sério. Apesar da importância do que está em jogo, a campanha eleitoral não ultrapassou o espetáculo fútil e sem interesse. Numa verdadeira democracia, os dias que precedem o voto são de intenso debate e troca de idéias. As propostas dos candidatos são comparadas e julgadas pelos cidadãos atentos e conscientes da realidade política. No Brasil, ainda não é assim. A campanha se decide no terreno da afetividade e da intuição. A meta dos concorrentes não consiste em convencer, mas em seduzir o eleitor. Conseqüência direta: a política some e a campanha se transforma num gigantesco entretenimento, onde o vencedor é o que suscita maiores emoções à opinião pública.
Para atrair o eleitor-consumidor, todas as estratégias são usadas: candidaturas esquisitas ou espetaculares (Doutor X, Mamãe, Enéas), ações em família (na Bahia, os Magalhães, o casal João Henrique e companhia), além de canções e slogans simplistas (Lula: o candidato do povo, Buarque: o candidato da educação, Alckmin: o candidato da ética). Como nos filmes comerciais, a campanha eleitoral de 2006 usou também sangue e tiroteio para distrair os eleitores. Os candidatos tentaram assumir o papel do super-herói contra a quadrilha de inimigos malvados. Numa humildade sem limite, Lula se comparou a “Jesus” e a “Tiradentes”. Em resposta, o tucano Alckmin o comparou a um “diabo”. Para a comunista Heloísa Helena, o antigo metalúrgico “está mais para Judas ou Pilatos”. E, de acordo com ACM, o presidente não passa de um vulgar rato. Estamos a milhões de quilômetros de qualquer proposta para combater a fome ou ampliar investimentos em infra-estrutura.
A vontade do presidente Lula de não comentar os fracassos do seu primeiro mandato (redução da jornada de trabalho abortada, imposto sobre as grandes fortunas não foi implemantado, transgênicos entraram no Brasil...) e de não ficar e de não dar entrevistas à Associação dos Correspondentes Estrangeiros simboliza perfeitamente a ausência completa de debate político nessa campanha eleitoral.
Qualquer cidadão interessado pelo futuro do país e o melhoramento da vida dos seus habitantes há de se envergonhar deste imobilismo estéril. Na história, vários presidentes da Républica tais como Juscelino Kubitschek ou João Goulart mostraram que era possível conciliar promessas sérias e vingardistas durante a campanha e ação concreta sucedida durante o mandato. O próximo presidente do Brasil falhou a primeira fase ; esperamos que passará a segunda.
Samuel Duhamel
No entanto, os candidatos não parecem levar o assunto a sério. Apesar da importância do que está em jogo, a campanha eleitoral não ultrapassou o espetáculo fútil e sem interesse. Numa verdadeira democracia, os dias que precedem o voto são de intenso debate e troca de idéias. As propostas dos candidatos são comparadas e julgadas pelos cidadãos atentos e conscientes da realidade política. No Brasil, ainda não é assim. A campanha se decide no terreno da afetividade e da intuição. A meta dos concorrentes não consiste em convencer, mas em seduzir o eleitor. Conseqüência direta: a política some e a campanha se transforma num gigantesco entretenimento, onde o vencedor é o que suscita maiores emoções à opinião pública.
Para atrair o eleitor-consumidor, todas as estratégias são usadas: candidaturas esquisitas ou espetaculares (Doutor X, Mamãe, Enéas), ações em família (na Bahia, os Magalhães, o casal João Henrique e companhia), além de canções e slogans simplistas (Lula: o candidato do povo, Buarque: o candidato da educação, Alckmin: o candidato da ética). Como nos filmes comerciais, a campanha eleitoral de 2006 usou também sangue e tiroteio para distrair os eleitores. Os candidatos tentaram assumir o papel do super-herói contra a quadrilha de inimigos malvados. Numa humildade sem limite, Lula se comparou a “Jesus” e a “Tiradentes”. Em resposta, o tucano Alckmin o comparou a um “diabo”. Para a comunista Heloísa Helena, o antigo metalúrgico “está mais para Judas ou Pilatos”. E, de acordo com ACM, o presidente não passa de um vulgar rato. Estamos a milhões de quilômetros de qualquer proposta para combater a fome ou ampliar investimentos em infra-estrutura.
A vontade do presidente Lula de não comentar os fracassos do seu primeiro mandato (redução da jornada de trabalho abortada, imposto sobre as grandes fortunas não foi implemantado, transgênicos entraram no Brasil...) e de não ficar e de não dar entrevistas à Associação dos Correspondentes Estrangeiros simboliza perfeitamente a ausência completa de debate político nessa campanha eleitoral.
Qualquer cidadão interessado pelo futuro do país e o melhoramento da vida dos seus habitantes há de se envergonhar deste imobilismo estéril. Na história, vários presidentes da Républica tais como Juscelino Kubitschek ou João Goulart mostraram que era possível conciliar promessas sérias e vingardistas durante a campanha e ação concreta sucedida durante o mandato. O próximo presidente do Brasil falhou a primeira fase ; esperamos que passará a segunda.
Samuel Duhamel
7.9.06
Nelson Rodrigues, o poeta da bola

O negócio parecia inconcebível quando o Uruguai derrotou o escrete canarinho, num Maracanã lotado, na Copa de 50. Naquele tempo, o Brasil era uma "terra de vira-latas", um país onde o futebol não se impunha como esporte e religião. Mudou rápido: as gerações douradas de 58, 62 e 70, as do "príncipe etíope de rancho" Didi, do Mané Garrincha ou do "rei crioulo" Pelé, trouxeram a luz. Essas seleções auriverdes deram ao brasileiro uma nova imagem de si mesmo. A confiança e o orgulho substituíram o medo e o complexo de inferioridade. Nelson ousou afirmar que os sucessos magníficos do Brasil futebolístico ajudaram o país a se constituir como nação. Uma análise óbvia e incontestável à leitura de À sombra das chuteiras imortais.
Claro, o Nelson tem também defeitos, notadamente o de acreditar que o povo brasileiro é um povo eleito, melhor do que os outros por essência. Às vezes, o comentarista esportivo previligiou a paixão subjectiva à análise imparcial. Em 1958, escreveu depois do jogo Brasil-França (5-2): "O árbitro comportou-se como um larápio. Não houve, em toda a história da Copa do Mundo, um roubo mais cristalino e cínico. Tivemos que fazer 3 gols para que valesse um". Eis a verdade: os "Bleus" de Kopa e Fontaine jogaram a partida inteira com nove jogadores... Naquele tempo, os substitutos não existiam e dois franceses estavam machucados. Mas a ma-fé do Nelson não é nefasta: pemite entender o espírito do tempo.
Talvez o melhor mérito de Nelson Rodrigues seja o de transformar o futebol em teatro: os jogadores são atores, o campo um palco, a bola o enredo... e ele o encenador mágico. O heroísmo, a tristeza, a honra, a vida e a morte: com Nelson Rodrigues, o futebol atingiu os requintes de uma obra-de-arte.
Samuel Duhamel

Palavras aladas, as melhores frases de Nelson Rodrigues:
- Brasil – União Soviética (2-0), 15/6/58, em Gotemburgo (Suécia): "O Garrincha foi driblando um, driblando outro e consta inclusive que, na sua penetração fantástica, driblou até as barbas de Rasputin."
- Botafogo – Fluminense (2-1), 10/7/58, no Maracanã: "Ontem, só houve em campo um nome, uma figura, um show: Garrincha. Didi, Zagalo e Nilton Santos pertencem à miserável condição humana. Garrincha não. Garrincha está acima do bem e do mal."
- Flamengo – Olaria (8-0), 22/8/58, na Gávea : "Depois do jogo, qualquer paralelepípedo sabe que Dida é um jogador de alta qualidade."
- Brasil – Chile (4-2), 13/6/1962, em Santiago (Chile) : "Garrincha foi a maior figura do jogo, a maior figura da Copa do Mundo e, vamos admitir a verdade última e exasperada: a maior figura do futebol brasileiro desde Pedro Álvares Cabral."
- O Globo, 4/6/70 : "E Gerson ? Quanta gente o negou? Quanta gente disse e repetiu: ‘Não tem sangue! Não tem coragem!’ O vampiro de Dusseldorf, que era especialista em sangue, se provasse o sangue de Gerson, havia de piscar o olho: ‘Sangue do puro, do puro, do escocês’."
- O Globo, 6/6/70 : "Amanhã jogaremos a Inglaterra. Eu sei que a Inglaterra é grande. Mas nos somos maiores, porque somos Brasil, imensamente Brasil, eternamente Brasil."
3.9.06
Le silence est d'argent, la parole est d'or
La dernière fois, c’était durant le pot de départ d’un collègue ou lors du baptême d’un petit cousin. A moins que ce ne fut pendant le mariage de la voisine… Mais après tout qu’importe : le schéma est inlassablement le même. Une cinquantaine de personnes, un gigantesque buffet où les toasts au saumon côtoient les petits pains beurrés, une ambiance détendue et… moi. Enfin vous. Ou plutôt nous ! On est tous passés par là : seul(e) à s’empiffrer de tomates cerises parce qu’on ne connaît personne et qu’on n’ose pas déranger ces gens au regard intelligent. Alors on feint de se régaler et on reprend une coupe de champagne. Noyé(e) au milieu de l’assemblée avec la bouffe comme bouée de sauvetage…

Heureusement pour vous et votre ligne, la solution existe ! Elle s’appelle Le grand art de la petite conversation (Small talk en anglais). Sorti aux éditions Leduc en juillet dernier, l’ouvrage de la conférencière américaine Debra Fine est un concentré de petites recettes à appliquer pour se sentir à l’aise dans une discussion. Et figurez-vous que ça marche ! Après l’avoir lu, on se sent prêt à converser avec tout le monde. La timidité disparaît, la confiance renaît et les masques tombent. Arrivé au denier chapitre, on se sent presque prêt(e) à convaincre Florence Parisot de l’impérieuse nécessité d'une société de décroissance.
Certes, quelques conseils comme « Lors d’une première rencontre, demandez à votre interlocuteur s’il apprécie les sports d’hiver » paraissent hors-de-propos. Mais l’analyse des ressorts de nos problèmes de communication est pertinente : incapacité de prendre des risques, peur d’être ignoré ou contré, absence d’imagination, écoute dilettante, phobie de prendre la parole en public… Debra Fine propose mille et un petits filons permettant de gagner en assurance et de donner à chaque discussion une saveur singulière.
En voici quelques-uns : 1. Considérer vos interlocuteurs comme des fins et non comme des moyens : même si vous avez besoin de l’aide de quelqu’un, parlez-lui sans arrière-pensée, c’est le meilleur moyen d’obtenir ce que vous souhaitez.
2. Souriez, tendez la main, soyez avenant.
3. Faites un effort pour vous souvenir des noms de vos interlocuteurs et rappelez le vôtre si vous ne les avez pas vus depuis plusieurs mois. Quand vous ne savez plus à qui vous vous adressez, ne jouez pas la comédie et demandez-lui son prénom.
4. Posez des questions ouvertes.
5. Laissez tomber les « quoi de neuf ? » et « qu’est-ce que vous faites dans la vie ? » pour « quel a été le meilleur moment de ta journée ? » et « quels sont vos hobbies ? »
6. N’oubliez jamais que l’écoute se voit (montrer votre attention en opinant ou en hochant la tête).
7. Ne coupez pas la parole, ne prenez pas la parole en otage.
8. Trouvez de l’intérêt à tout (une bague, une veste, une parole… sont les témoins d’un souvenir, d’une humeur ou d’une conviction. Ils peuvent être le point de départ d’une conversation).
Certainement moqué ou dénigré par les rois de la tchatche, Le grand art de la petite conversation ravira les timides et les introverties qui voient dans l’échange oral une épreuve insurmontable. Alors finis les toasts au saumon et passez à l’action.

Le grand art de la petite conversation, de Debra Fine, éditions Leduc, 12 € 90
Samuel Duhamel
27.8.06
Portfolio : il y a un an, le drame d'Auriol
"Lorsque Nicolas Sarkozy arriva sur les lieux, il nous demanda si nous étions en situation régulière. Nous l'étions mais nos enfants étaient morts. Carbonisés." Kanouté Tapa, secrétaire général de l'association des victimes du 26 août






Un an après la mort des petits Mahamadou, Habi, Kadja, Gagny et des autres dans l'incendie de l'immeuble du 20, boulevard Auriol (Paris XIIIème), la question du logement insalubre reste toujours sans réponse dans la "patrie des droits de l'Homme". C'est pour dénoncer cet état de fait et se souvenir des 17 personnes dont 14 enfants disparus que plus de 300 citoyens se sont rassemblés ce 26 août, sur la parvis de la mairie du XIIIème. Un an après le drame, plus de trois millions de Français et d'étrangers restent mal-logés dans l'Hexagone.






Un an après la mort des petits Mahamadou, Habi, Kadja, Gagny et des autres dans l'incendie de l'immeuble du 20, boulevard Auriol (Paris XIIIème), la question du logement insalubre reste toujours sans réponse dans la "patrie des droits de l'Homme". C'est pour dénoncer cet état de fait et se souvenir des 17 personnes dont 14 enfants disparus que plus de 300 citoyens se sont rassemblés ce 26 août, sur la parvis de la mairie du XIIIème. Un an après le drame, plus de trois millions de Français et d'étrangers restent mal-logés dans l'Hexagone.
Samuel Duhamel
"S'il y a bien un coupable dans l'incendie d'Auriol, c'est tout ce tas de gens qui n'ont pas de papier pour certains et qui s'entassent à Paris alors qu'il n'y a pas de conditions pour les loger."
Nicolas Sarkozy, le 26 août 2005, devant l'immeuble du 20 boulevard Vincent Auriol encore fumant
16.8.06
Interview d'Arno Klarsfeld

Arno Klarsfeld, médiateur national (en charge des cas litigieux dans le cadre de la procédure de régularisation ouverte par la circulaire du 13 juin pour les familles d'élèves sans papiers)
A 3 jours de la date limite de demandes de régularisation, combien de dossiers ont été déposés en préfecture ?
Le ministre d'Etat a fait connaître sa projection le 24 juillet dernier : environ 6000 régularisations sur 20000 dossiers déposés en préfecture. Il a estimé qu'environ 30% des demandes des demandes seraient satisfaites. Je ne vois pas pourquoi cela changerait aujourd'hui. Ca sera peut-être un peu plus ou un peu moins mais on restera dans ces eaux-là.
Combien de cas litigieux avez-vous épluchés ?
On m'a envoyé environ 200 dossiers pour le moment. Ce sont généralement des demandes qui ne rentrent pas complètement dans le cadre de la circulaire ministérielle et qui nécessitent davantage d'attention. Je reçois des dossiers de genres différents. Certains ne rentrent pas dans mes prérogatives comme les demandes de regroupement familial ou de célibataire sans enfant... Mardi, Réseau éducation sans frontière m'a envoyé des demandes de régularisation pour trois familles : dans la première, le père a fait trois mois de prison, dans la deuxième, l'enfant a été scolarisé après septembre 2005 et la troisième est du ressort de la Convention de Dublin (droit d'asile). Quand je reçois des demandes de familles entrant dans le cadre de la circulaire et ne comportant aucune spécificité, je les renvoie directement à la préfecture compétente : je ne suis chargé que des cas litigieux.
Quels sont vos critères pour décider si, oui ou non, vous régularisez une famille ?Je ne décide rien du tout. Je ne fais qu’éplucher des dossiers, rencontrer les familles, comprendre leurs vies pour me faire une impression sur la pertinence de la demande. Ensuite, je transmets mon sentiment au Préfet, responsable des régularisations. C’est l’administration qui prend la décision finale. Moi, je ne suis que médiateur, c’est-à-dire celui qui fait le lien entre les familles en situation irrégulière et la préfecture. Toutefois, quand j’étudie un cas, j’ai une ligne directrice : il ne faut pas expulser les familles dont les enfants ont de fortes attaches en France. Les enfants n’ayant pas de lien avec le pays de leurs parents ne seront expatriés. Nous ne voulons pas déraciner les mineurs qui se sentent chez eux en France.
L’Espagne a procédé à 700 000 régularisations en 2005, l’Italie à 350 000 le mois dernier et s’apprête à accorder des papiers à un million d’étrangers irréguliers d’ici la fin de l’année. Avec ses 400 000 clandestins estimés, pourquoi la France ne fait-elle pas de même ? Pourquoi la France ne régularise pas massivement ?
L’Italie et l’Espagne étaient des terres d’émigration qui sont devenues des terres d’immigration. Par le passé, ces pays ont accueilli beaucoup moins d’étrangers que la France. Leur situation n’est donc pas comparable à la nôtre. Par ailleurs, ce sont des pays dont l’indice de natalité est faible et qui sont en recherche de main d’œuvre. La régularisation d’étrangers clandestins peut donc leur redonner du dynamisme. Mais même là-bas, je ne crois pas que la régularisation en masse soit la meilleure solution. A mon avis, l’Espagne et l’Italie vont au devant de graves problèmes d’intégration. Je tiens également à dénoncer la position démagogique des partis et associations d’extrême gauche qui tentent de nous faire croire qu’une régularisation massive est possible en France. Quand on dit « non » au traité constitutionnel européen parce qu’on a peur d’être envahis par des plombiers polonais et qu’on assure, quelques mois après, que faire régulariser tous les clandestins est une bonne solution pour la en France, on n’est pas crédibles.
Réseau éducation sans frontières (RESF) craint que les jeunes majeurs bénéficient de moins d’indulgence que les mineurs en vue d’une éventuelle régularisation. Certains parlent de « chasse aux lycéens ».Qu’en pensez-vous ?
Ca n’a aucun sens. Les jeunes majeurs qui sont en situation irrégulière seront expulsés. C’est tout. Il n’y a rien d’inhumain à renvoyer un jeune homme de vingt ans dans son pays d’origine si celui-ci est arrivé en France à quinze ans. Mais la situation des majeurs n’entre pas dans le cadre de ma mission.
Justement, êtes-vous déçu de ne devoir vous occuper que des cas litigieux concernant les mineurs ?
Absolument pas. Je suis allé voir Nicolas Sarkozy pour lui témoigner de mon intérêt pour les questions concernant les jeunes de moins de 18 ans. En me nommant médiateur national, le ministre d’Etat me pense compétent pour analyser les dossiers des mineurs. C’était mon objectif initial, j’en suis très satisfait. M’occuper des mineurs me prend déjà beaucoup de temps : je dois lire les dossiers, les transmettre aux préfectures, faire une travail de pédagogie auprès des familles, rencontrer les gens, faire des voyages… Ce travail sera bénéfique car il n’y aura pas d’expulsion de familles dont les enfants ont de fortes attaches en France.
Mais alors pourquoi vous prononcez-vous aussi sur des cas de jeunes majeurs comme celui de Jeff qui devrait être renvoyé au Nigéria ?
Simplement parce qu’on me l’a demandé. Quand on me questionne sur des cas comme celui-ci, je ne réponds pas en tant que médiateur national mais en tant que citoyen. Le cas de Jeff m’a interpellé car il n’a plus aucun lien dans son pays d’origine : plus de famille, plus d’amis. Il s’est créé une nouvelle vie ici : il a appris le français, réussit ses études, a une famille d’accueil… Certaines expulsions de majeurs peuvent également être injustes. J’essaie donc d’apporter mon soutien aux associations pour qu’il ne soit pas renvoyé. Je me satisfais d’ailleurs du contrat d’embauche qui lui a été proposé par la mairie du XIème. C’est un argument de plus pour qu’il reste ici.
Propos recueillis par Samuel Duhamel
7.8.06
Opprimés au Sri Lanka, les Tamouls manifestent pacifiquement en France
« Nous voulons la paix avec les Cinghalais ! Respectez nos vies ! Nous ne sommes pas de chair à canon ! » Les messages des 37 associations des Tamouls de France ont beau être limpides, ils ne sont pas entendus. Snobés par les médias, ignorés par l’opinion publique, dénigrés par les instances internationales, les Tamouls continuent de montrer patte blanche en manifestant dans les rues de Paris. Mardi 25 juillet, ils étaient plusieurs milliers sur le Champ-de-Mars à Paris pour dire « non » à la répression dont ils sont victimes au Sri Lanka.
Sur la pelouse jaunie par un soleil ardent, les Tamouls défilent pour la paix de la plus belle des manières : en dansant et avec le sourire. Sur une estrade montée pour l’occasion, un animateur appelle les participants à entonner des chants traditionnels. Les couleurs rouge et jaune du peuple tamoul, présentes sur les vêtements et les calicots, interpellent les touristes incrédules. Rires, ambiance bon enfant, plaisir d’être ensemble… On en oublierait presque les raisons du rassemblement.
Au milieu de l’assemblée, un cercueil en carton trône majestueusement. Il représente les 3 000 Tamouls exterminés par l’armée cinghalaise les 22, 23 et 24 juillet 1983, lors de l’épisode de « juillet noir ». Morts pour être nés, morts pour rien... Vingt-trois ans après, on ne peut pas oublier pareille cicatrice. Surtout dans le contexte actuel : le 29 mai dernier, le conseil de l’Union européenne a décidé de mettre les représentants tamouls des Tigres Libérateurs de l’Eelam (LTTE) sur sa liste des organisations terroristes.
Difficile de faire plus cynique ! Certes, les Tigres tamouls utilisent la violence, via les attentats suicides notamment, mais que faire quand ses droits sont bafoués, quand l’Etat sri lankais réprime dans le sang, quand l’espoir a fui ? Gare toutefois au manichéisme : si les indépendantistes tamouls ne sont pas tous des anges, le gouvernement sri lankais n’est pas composé uniquement de bureaucrates sanguinaires et véreux. Mais à voir les Tamouls de France manifester à l’ombre de la Tour Eiffel avec autant d’enthousiasme, on s’étonne de voir la communauté internationale agir de manière si arbitraire avec leurs représentants.
Au même titre que les Tchétchènes, les Kurdes ou les Palestiniens, les Tamouls sri lankais font partie de la catégorie des sans-grade : celle des nations sans Etat, celle des damnés de la terre... Puisse leur appel pour la paix et la liberté être un jour entendu.
Samuel Duhamel
Sur la pelouse jaunie par un soleil ardent, les Tamouls défilent pour la paix de la plus belle des manières : en dansant et avec le sourire. Sur une estrade montée pour l’occasion, un animateur appelle les participants à entonner des chants traditionnels. Les couleurs rouge et jaune du peuple tamoul, présentes sur les vêtements et les calicots, interpellent les touristes incrédules. Rires, ambiance bon enfant, plaisir d’être ensemble… On en oublierait presque les raisons du rassemblement.
Au milieu de l’assemblée, un cercueil en carton trône majestueusement. Il représente les 3 000 Tamouls exterminés par l’armée cinghalaise les 22, 23 et 24 juillet 1983, lors de l’épisode de « juillet noir ». Morts pour être nés, morts pour rien... Vingt-trois ans après, on ne peut pas oublier pareille cicatrice. Surtout dans le contexte actuel : le 29 mai dernier, le conseil de l’Union européenne a décidé de mettre les représentants tamouls des Tigres Libérateurs de l’Eelam (LTTE) sur sa liste des organisations terroristes.
Difficile de faire plus cynique ! Certes, les Tigres tamouls utilisent la violence, via les attentats suicides notamment, mais que faire quand ses droits sont bafoués, quand l’Etat sri lankais réprime dans le sang, quand l’espoir a fui ? Gare toutefois au manichéisme : si les indépendantistes tamouls ne sont pas tous des anges, le gouvernement sri lankais n’est pas composé uniquement de bureaucrates sanguinaires et véreux. Mais à voir les Tamouls de France manifester à l’ombre de la Tour Eiffel avec autant d’enthousiasme, on s’étonne de voir la communauté internationale agir de manière si arbitraire avec leurs représentants.
Au même titre que les Tchétchènes, les Kurdes ou les Palestiniens, les Tamouls sri lankais font partie de la catégorie des sans-grade : celle des nations sans Etat, celle des damnés de la terre... Puisse leur appel pour la paix et la liberté être un jour entendu.
Samuel Duhamel
Retour sur la « sale guerre » qui mine le Sri Lanka

04 février 1948 : l’île de Ceylan obtient son indépendance. Avant leur départ, les Britanniques instaurent un régime parlementaire dominé par deux partis ethniques cinghalais. C’est le début de la discrimination anti-Tamouls.
1956 : le cinghalais, parlé par 70 % de la population, devient la langue officielle de l’île de Ceylan. La langue tamoule utilisée par 15 % des habitants est marginalisée.
Début des années 70 : devant les humiliations et les violences dont ils sont victimes, des Tamouls décident de créer les « Tamoul New Tigers », un groupe radical armé revendiquant l’indépendance du nord-est de l’île de Ceylan. Les TNT deviennent les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE) en 1976.
1972 : proclamation de la République : l’île de Ceylan devient le Sri Lanka.
Juillet 1983 : après un attentat des LTTE tuant douze soldats cinghalais, le président sri lankais Jayavardne ordonne à l’armée sri lankaise de réprimer « dans le sang » la population civile tamoule : 3 000 morts, 3 000 blessés, 150 000 personnes déplacées, c’est l’épisode du « black July » (juillet noir).
1987 : sous l’égide de l’Inde, un accord de paix est signé entre gouvernement sri lankais et indépendantistes tamouls.
1988 : le tamoul devient la seconde langue officielle du pays.
Début des années 90 : continuant à être moins bien traités que les Cinghalais (discriminations dans la fonction publique, inégalités devant la justice…), les LTTE reprennent les armes pour obtenir l’indépendance. Ils commettent de multiples attentats sanglants perdant ainsi leur légitimité aux yeux de l’opinion publique mondiale.
Février 2002 : cessez-le-feu obtenu grâce à la mission de surveillance du Sri Lanka (Danemark, Suède, Finlande et Norvège). Les LTTE excluent tout démantèlement de ses troupes et ne renoncent pas à l’indépendance du nord du Sri Lanka.

Samuel Duhamel
12.7.06
Vers une science élitiste... pour tous !
Si tu ne viens pas à la science, la science ira à toi ! Le message de l'association Paris-Montagne, qui regroupe une soixantaine d’élèves de l'Ecole Normale Supérieure (ENS) et de chercheurs reputés, est limpide. En organisant du 17 au 25 juillet un festival de sciences, au 45 rue d'Ulm (Vème), les futurs normaliens veulent partager leur goût de la connaissance avec le plus grand nombre. Ainsi, plus de 4.000 jeunes de 7 à 18 ans, issus de quartiers populaires de Paris et de la petite couronne, sont conviés dans les locaux de l’ENS sur la montagne Sainte-Geneviève à partir d'aujourd'hui pour étancher leur soif de savoir. « Nous voulons recréer des liens entre les élèves en difficulté scolaire et les sciences. C’est pour rendre accessible la science à tous, notamment aux enfants en difficulté scolaire, que nous avons organisé cette manifestation », raconte Livio Riboli-Sasco, président de Paris-Montagne. « Conscients de notre chance et des disparités économiques criantes de notre société, nous voulons tendre la main à des jeunes moins privilégiés. C’est naturel ! », poursuit Alice Richard, vice-présidente de l’association.
Et les activités seront nombreuses durant cette semaine de la découverte et de la solidarité. Dès aujourd’hui, vingt adolescents boursiers ou en Zones d’éducation prioritaire (ZEP) entameront une Science Académie décapante. Choisis pour leur motivation, les apprentis chercheurs vont s’initier aux pratiques de laboratoire et lancer une sonde météorologique. Tout un programme ! De mercredi à vendredi, des milliers d’adolescents en centres aérés participeront à des ateliers scientifiques autour de thèmes aussi divers que le réchauffement climatique, la géologie, la purification de l’eau ou les technologies mobiles. « Nous proposons aux enfants une grande diversité d’approches. Apprendre, ce n’est pas seulement lire ou écouter un professeur, c’est aussi le spectacle, le concert ou l’expérience pratique », explique Richard-Emmanuel Eastes, de l’association les Atomes Crochus, partenaire de l’évènement. Samedi, l’Ecole normale ouvrira ses portes aux citoyens intéressés pour d’autres ateliers ludiques avant d’accueillir un colloque sur le rôle de la science dans la société les 24 et 25 juillet. Et pour les amateurs de réflexion, des conférences sont animées tous les soirs par des invités prestigieux comme François de Closets ou Frédéric Courant.
Tisser des liens durables
Pour les organisateurs, le projet de vulgarisation de la science ne s’arrête pas le 25 juillet. Des contacts seront maintenus avec chaque jeune de la Science Ac’. Le but est de créer des clubs de sciences dans les établissements des adolescents concernés. « Ce que nous voulons, c’est dépasser les inhibitions, résume François Taddei, conseiller scientifique de Paris-Montagne. Nous aurons réussi notre mission quand la France de la science ressemblera à la France du foot avec des jeunes de toutes les origines et de tous les milieux ! » Nul doute qu’avec une telle équipe, les succès de la recherche nationale seront nombreux !
Samuel Duhamel
Et les activités seront nombreuses durant cette semaine de la découverte et de la solidarité. Dès aujourd’hui, vingt adolescents boursiers ou en Zones d’éducation prioritaire (ZEP) entameront une Science Académie décapante. Choisis pour leur motivation, les apprentis chercheurs vont s’initier aux pratiques de laboratoire et lancer une sonde météorologique. Tout un programme ! De mercredi à vendredi, des milliers d’adolescents en centres aérés participeront à des ateliers scientifiques autour de thèmes aussi divers que le réchauffement climatique, la géologie, la purification de l’eau ou les technologies mobiles. « Nous proposons aux enfants une grande diversité d’approches. Apprendre, ce n’est pas seulement lire ou écouter un professeur, c’est aussi le spectacle, le concert ou l’expérience pratique », explique Richard-Emmanuel Eastes, de l’association les Atomes Crochus, partenaire de l’évènement. Samedi, l’Ecole normale ouvrira ses portes aux citoyens intéressés pour d’autres ateliers ludiques avant d’accueillir un colloque sur le rôle de la science dans la société les 24 et 25 juillet. Et pour les amateurs de réflexion, des conférences sont animées tous les soirs par des invités prestigieux comme François de Closets ou Frédéric Courant.
Tisser des liens durables
Pour les organisateurs, le projet de vulgarisation de la science ne s’arrête pas le 25 juillet. Des contacts seront maintenus avec chaque jeune de la Science Ac’. Le but est de créer des clubs de sciences dans les établissements des adolescents concernés. « Ce que nous voulons, c’est dépasser les inhibitions, résume François Taddei, conseiller scientifique de Paris-Montagne. Nous aurons réussi notre mission quand la France de la science ressemblera à la France du foot avec des jeunes de toutes les origines et de tous les milieux ! » Nul doute qu’avec une telle équipe, les succès de la recherche nationale seront nombreux !
Samuel Duhamel
30.6.06
Zidane, o modelo francês

A história de amor entre Zidane e o povo francês começou em 17 de agosto de 1994. Desde as epopéias da equipe de Michel Platini entre 1982 e 86, o time tricolor decepcionava os seus torcedores. Incapazes de se classificarem para as Copas de 90 e 94, os franceses encadeavam fracassos. Naquela noite de agosto de 1994, a França perdia por 2 a 0 em casa contra a República Tcheca. Cansado pela falta de imaginação do seu time, o treinador francês Aimé Jacquet apelou a um novo jogador, pouco conhecido pelo público. O seu nome: Zinédine Zidane. E de repente, a luz brilhou... Em 25 minutos, o menino de Marselha marcou dois golaços e ofereceu o empate ao time tricolor por sua primeira seleção. A França possuía o seu novo gênio.
Após uma Eurocopa 96 mitigada, Zizou rumou à Juventus, onde progrediu constantemente. Na Itália, se mostrou incrivelmente regular na excelência. A cada saída no campo, parecia mais forte. Técnica, eficiência, elegância: o mestre dominava os seus adversários com uma facilidade desconsertante. Embasbacada pelo talento do médio francês, a estrela do basquete internacional, Magic Johnson, diria depois de um jogo de Zidane: “Ele é mais forte do que eu e Mickael Jordan juntos!” Entre 1997 e 2001, estava tão bom com os “ bleus” que os torcedores franceses não se perguntavam “Vamos ganhar?”, mas “De quanto vamos ganhar?”. Com os seus dois gols de cabeça na final da Copa do Mundo de 1998, mostrou que era mais “brasileiro” do que os jogadores da seleção de Zagallo. Dois anos mais tarde, durante a Eurocopa na Bélgica e na Holanda, Zidane atingiu um nível inigualado. Durante três semanas, fez um recital de futebol, eliminando Espanha, Portugal e Itália quase sozinho.
O craque francês ganhou tudo: Copa do Mundo, Eurocopa, campeonatos nacionais, taças diversas, títulos de melhor jogador FIFA, Bola de Ouro, título de melhor jogador europeu da história... Até 2003, só a Liga dos Campeoes lhe resistia. Mas após duas finais perdidas com a Juventus, uma outra oportunidade apresentava-se a ele com o Real Madrid. Na vitória sobre o Bayer Leverkusen, da Alemanha, Zidane marcou um gol digno de obra de arte. “Zidane, agradeço a sua mãe de ter dado luz a você!”, foi o comentário de um jornalista espanhol após o golaço! Ontem, nao sabemos o que disse depois do gol do gênio frente ao time ibérico…
Que importa o resultado do jogo de sabado, Zinédine Zidane deixará um vazio imenso no meio do futebol. Os seus torcedores do mundo inteiro já devem estar com saudades dos seus dribles, das suas fintas e de seus passes. Mas cuidado Brasileiros, o nosso gênio ainda nao se aposentou…
Samuel Duhamel
15.6.06
La précarité pour tous !
« La vie, la santé, l’amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ? »
Laurence Parisot, présidente du MEDEF in Le Figaro Economie (30 août 2005)
On connaissait le « Wohlstand für alle ! » (L’abondance pour tous !) de l’ancien Chancellier ouest-allemand, Ludwig Ehrard, voici maintenant « le travail précaire pour tous ! » de Laurence Parisot. La phrase de la présidente du MEDEF est intéressante à double titre : elle permet d’abord de découvrir le fond de sa personnalité et de ses convictions, elle dévoile ensuite les principes iniques et égoïstes qui gouvernent notre société.
Il existe des phrases qui révèlent un comportement, une personnalité. Les entendre, c'est saisir le sens d'une action, c'est comprendre les motivations d'un combat, d'une lutte, d'un engagement. La citation de Laurence Parisot fait partie de ces phrases qui révèlent les âmes. Quand Martin Luther King dit : "Je fais un rêve, que mes quatre jeunes enfants habiteront un jour une nation où ils ne seront pas jugés pour leur couleur de peau mais par le contenu de leur caractère", Martin Luther King dit qui il est. Quand Gandhi dit : "Il y a assez sur terre pour répondre aux besoins de tous mais pas assez pour satisfaire l'avidité de chacun", Gandhi dit qui il est. Quand Alfred Sauvy dit : "un homme qui n'est pas informé est un sujet, un homme informé est un citoyen", Alfred Sauvy dit qui il est...
Quand Laurence Parisot dit dans le Figaro en août 2005 : "La vie, la santé, l'amour sont précaires. Pourquoi le travail échapperait à cette loi ?", elle dit qui elle est. Elle dit que l'Homme doit être au service de l'économie et non pas l'inverse. Elle dit que l'épanouissement de l'Homme n'est pas la finalité ultime de la société au contraire de l'augmentation du capital et de la compétitivité. Elle dit que la pauvreté et la précarité font partie de la vie d'une société : ce sont les dommages collatéraux de la course vers le "toujours plus". A partir de là, pourquoi combattre l’injustice et le sentiment de fragilité ? Elle chosifie le plus beau sentiment humain, "l'amour", pour en faire un état aseptisé répondant à une "loi". Elle refuse de voir le lien évident entre travail précaire et vie, santé et amour "précaires", comme si tout cela n'était pas lié. Elle dit que la passion de sa vie, c'est l'économiSME et qu'il devrait en être de même pour chacun si les gens veulent que leur état d’agent consommateur s'améliore un peu à la fin du mois.
Dans un deuxième temps, cette phrase est symptomatique de la pensée économique qui domine nos sociétés, celle qui régit le capitalisme contemporain. Vivre devient un combat, la précarité est un sentiment à ce point institué (institutionnalisé ?) qu'on ne le considère plus comme l'ennemi à combattre mais comme l'allié de la production, celui qui va aider les "précaires" à se dépasser, à offrir un peu plus de leur temps ou de leur santé.
Non, la précarité n'est pas une loi immuable. Non, l'amour n'est pas un sentiment précaire qui répond à une loi. Non, l'instauration de la précarité n'est pas bénéfique. Oui, il faut chanter la vie, défendre des services publics de santé de qualité pour éviter les sociétés déprimées et malades.
Si Laurence Parisot veut faire la guerre aux travailleurs et leur imposer la précarité comme unique horizon, pas étonnant de voir les syndicats et les partis de gauche faire la guerre au MEDEF. 158 ans après le Capital de Karl Marx et de Friedrich Engels, la guerre des classes n’a pas fini de sévir. A quand la trêve ?
Samuel Duhamel
Laurence Parisot, présidente du MEDEF in Le Figaro Economie (30 août 2005)
On connaissait le « Wohlstand für alle ! » (L’abondance pour tous !) de l’ancien Chancellier ouest-allemand, Ludwig Ehrard, voici maintenant « le travail précaire pour tous ! » de Laurence Parisot. La phrase de la présidente du MEDEF est intéressante à double titre : elle permet d’abord de découvrir le fond de sa personnalité et de ses convictions, elle dévoile ensuite les principes iniques et égoïstes qui gouvernent notre société.
Il existe des phrases qui révèlent un comportement, une personnalité. Les entendre, c'est saisir le sens d'une action, c'est comprendre les motivations d'un combat, d'une lutte, d'un engagement. La citation de Laurence Parisot fait partie de ces phrases qui révèlent les âmes. Quand Martin Luther King dit : "Je fais un rêve, que mes quatre jeunes enfants habiteront un jour une nation où ils ne seront pas jugés pour leur couleur de peau mais par le contenu de leur caractère", Martin Luther King dit qui il est. Quand Gandhi dit : "Il y a assez sur terre pour répondre aux besoins de tous mais pas assez pour satisfaire l'avidité de chacun", Gandhi dit qui il est. Quand Alfred Sauvy dit : "un homme qui n'est pas informé est un sujet, un homme informé est un citoyen", Alfred Sauvy dit qui il est...
Quand Laurence Parisot dit dans le Figaro en août 2005 : "La vie, la santé, l'amour sont précaires. Pourquoi le travail échapperait à cette loi ?", elle dit qui elle est. Elle dit que l'Homme doit être au service de l'économie et non pas l'inverse. Elle dit que l'épanouissement de l'Homme n'est pas la finalité ultime de la société au contraire de l'augmentation du capital et de la compétitivité. Elle dit que la pauvreté et la précarité font partie de la vie d'une société : ce sont les dommages collatéraux de la course vers le "toujours plus". A partir de là, pourquoi combattre l’injustice et le sentiment de fragilité ? Elle chosifie le plus beau sentiment humain, "l'amour", pour en faire un état aseptisé répondant à une "loi". Elle refuse de voir le lien évident entre travail précaire et vie, santé et amour "précaires", comme si tout cela n'était pas lié. Elle dit que la passion de sa vie, c'est l'économiSME et qu'il devrait en être de même pour chacun si les gens veulent que leur état d’agent consommateur s'améliore un peu à la fin du mois.
Dans un deuxième temps, cette phrase est symptomatique de la pensée économique qui domine nos sociétés, celle qui régit le capitalisme contemporain. Vivre devient un combat, la précarité est un sentiment à ce point institué (institutionnalisé ?) qu'on ne le considère plus comme l'ennemi à combattre mais comme l'allié de la production, celui qui va aider les "précaires" à se dépasser, à offrir un peu plus de leur temps ou de leur santé.
Non, la précarité n'est pas une loi immuable. Non, l'amour n'est pas un sentiment précaire qui répond à une loi. Non, l'instauration de la précarité n'est pas bénéfique. Oui, il faut chanter la vie, défendre des services publics de santé de qualité pour éviter les sociétés déprimées et malades.
Si Laurence Parisot veut faire la guerre aux travailleurs et leur imposer la précarité comme unique horizon, pas étonnant de voir les syndicats et les partis de gauche faire la guerre au MEDEF. 158 ans après le Capital de Karl Marx et de Friedrich Engels, la guerre des classes n’a pas fini de sévir. A quand la trêve ?
Samuel Duhamel
Inscription à :
Articles (Atom)