27.8.06

Portfolio : il y a un an, le drame d'Auriol

"Lorsque Nicolas Sarkozy arriva sur les lieux, il nous demanda si nous étions en situation régulière. Nous l'étions mais nos enfants étaient morts. Carbonisés." Kanouté Tapa, secrétaire général de l'association des victimes du 26 août







Un an après la mort des petits Mahamadou, Habi, Kadja, Gagny et des autres dans l'incendie de l'immeuble du 20, boulevard Auriol (Paris XIIIème), la question du logement insalubre reste toujours sans réponse dans la "patrie des droits de l'Homme". C'est pour dénoncer cet état de fait et se souvenir des 17 personnes dont 14 enfants disparus que plus de 300 citoyens se sont rassemblés ce 26 août, sur la parvis de la mairie du XIIIème. Un an après le drame, plus de trois millions de Français et d'étrangers restent mal-logés dans l'Hexagone.
Samuel Duhamel
"S'il y a bien un coupable dans l'incendie d'Auriol, c'est tout ce tas de gens qui n'ont pas de papier pour certains et qui s'entassent à Paris alors qu'il n'y a pas de conditions pour les loger."
Nicolas Sarkozy, le 26 août 2005, devant l'immeuble du 20 boulevard Vincent Auriol encore fumant

16.8.06

Interview d'Arno Klarsfeld

«Aucun mineur ayant des attaches en France ne sera expulsé»
Arno Klarsfeld, médiateur national (en charge des cas litigieux dans le cadre de la procédure de régularisation ouverte par la circulaire du 13 juin pour les familles d'élèves sans papiers)

A 3 jours de la date limite de demandes de régularisation, combien de dossiers ont été déposés en préfecture ?
Le ministre d'Etat a fait connaître sa projection le 24 juillet dernier : environ 6000 régularisations sur 20000 dossiers déposés en préfecture. Il a estimé qu'environ 30% des demandes des demandes seraient satisfaites. Je ne vois pas pourquoi cela changerait aujourd'hui. Ca sera peut-être un peu plus ou un peu moins mais on restera dans ces eaux-là.

Combien de cas litigieux avez-vous épluchés ?
On m'a envoyé environ 200 dossiers pour le moment. Ce sont généralement des demandes qui ne rentrent pas complètement dans le cadre de la circulaire ministérielle et qui nécessitent davantage d'attention. Je reçois des dossiers de genres différents. Certains ne rentrent pas dans mes prérogatives comme les demandes de regroupement familial ou de célibataire sans enfant... Mardi, Réseau éducation sans frontière m'a envoyé des demandes de régularisation pour trois familles : dans la première, le père a fait trois mois de prison, dans la deuxième, l'enfant a été scolarisé après septembre 2005 et la troisième est du ressort de la Convention de Dublin (droit d'asile). Quand je reçois des demandes de familles entrant dans le cadre de la circulaire et ne comportant aucune spécificité, je les renvoie directement à la préfecture compétente : je ne suis chargé que des cas litigieux.

Quels sont vos critères pour décider si, oui ou non, vous régularisez une famille ?Je ne décide rien du tout. Je ne fais qu’éplucher des dossiers, rencontrer les familles, comprendre leurs vies pour me faire une impression sur la pertinence de la demande. Ensuite, je transmets mon sentiment au Préfet, responsable des régularisations. C’est l’administration qui prend la décision finale. Moi, je ne suis que médiateur, c’est-à-dire celui qui fait le lien entre les familles en situation irrégulière et la préfecture. Toutefois, quand j’étudie un cas, j’ai une ligne directrice : il ne faut pas expulser les familles dont les enfants ont de fortes attaches en France. Les enfants n’ayant pas de lien avec le pays de leurs parents ne seront expatriés. Nous ne voulons pas déraciner les mineurs qui se sentent chez eux en France.

L’Espagne a procédé à 700 000 régularisations en 2005, l’Italie à 350 000 le mois dernier et s’apprête à accorder des papiers à un million d’étrangers irréguliers d’ici la fin de l’année. Avec ses 400 000 clandestins estimés, pourquoi la France ne fait-elle pas de même ? Pourquoi la France ne régularise pas massivement ?
L’Italie et l’Espagne étaient des terres d’émigration qui sont devenues des terres d’immigration. Par le passé, ces pays ont accueilli beaucoup moins d’étrangers que la France. Leur situation n’est donc pas comparable à la nôtre. Par ailleurs, ce sont des pays dont l’indice de natalité est faible et qui sont en recherche de main d’œuvre. La régularisation d’étrangers clandestins peut donc leur redonner du dynamisme. Mais même là-bas, je ne crois pas que la régularisation en masse soit la meilleure solution. A mon avis, l’Espagne et l’Italie vont au devant de graves problèmes d’intégration. Je tiens également à dénoncer la position démagogique des partis et associations d’extrême gauche qui tentent de nous faire croire qu’une régularisation massive est possible en France. Quand on dit « non » au traité constitutionnel européen parce qu’on a peur d’être envahis par des plombiers polonais et qu’on assure, quelques mois après, que faire régulariser tous les clandestins est une bonne solution pour la en France, on n’est pas crédibles.

Réseau éducation sans frontières (RESF) craint que les jeunes majeurs bénéficient de moins d’indulgence que les mineurs en vue d’une éventuelle régularisation. Certains parlent de « chasse aux lycéens ».Qu’en pensez-vous ?
Ca n’a aucun sens. Les jeunes majeurs qui sont en situation irrégulière seront expulsés. C’est tout. Il n’y a rien d’inhumain à renvoyer un jeune homme de vingt ans dans son pays d’origine si celui-ci est arrivé en France à quinze ans. Mais la situation des majeurs n’entre pas dans le cadre de ma mission.

Justement, êtes-vous déçu de ne devoir vous occuper que des cas litigieux concernant les mineurs ?
Absolument pas. Je suis allé voir Nicolas Sarkozy pour lui témoigner de mon intérêt pour les questions concernant les jeunes de moins de 18 ans. En me nommant médiateur national, le ministre d’Etat me pense compétent pour analyser les dossiers des mineurs. C’était mon objectif initial, j’en suis très satisfait. M’occuper des mineurs me prend déjà beaucoup de temps : je dois lire les dossiers, les transmettre aux préfectures, faire une travail de pédagogie auprès des familles, rencontrer les gens, faire des voyages… Ce travail sera bénéfique car il n’y aura pas d’expulsion de familles dont les enfants ont de fortes attaches en France.

Mais alors pourquoi vous prononcez-vous aussi sur des cas de jeunes majeurs comme celui de Jeff qui devrait être renvoyé au Nigéria ?
Simplement parce qu’on me l’a demandé. Quand on me questionne sur des cas comme celui-ci, je ne réponds pas en tant que médiateur national mais en tant que citoyen. Le cas de Jeff m’a interpellé car il n’a plus aucun lien dans son pays d’origine : plus de famille, plus d’amis. Il s’est créé une nouvelle vie ici : il a appris le français, réussit ses études, a une famille d’accueil… Certaines expulsions de majeurs peuvent également être injustes. J’essaie donc d’apporter mon soutien aux associations pour qu’il ne soit pas renvoyé. Je me satisfais d’ailleurs du contrat d’embauche qui lui a été proposé par la mairie du XIème. C’est un argument de plus pour qu’il reste ici.

Propos recueillis par Samuel Duhamel

7.8.06

Opprimés au Sri Lanka, les Tamouls manifestent pacifiquement en France

« Nous voulons la paix avec les Cinghalais ! Respectez nos vies ! Nous ne sommes pas de chair à canon ! » Les messages des 37 associations des Tamouls de France ont beau être limpides, ils ne sont pas entendus. Snobés par les médias, ignorés par l’opinion publique, dénigrés par les instances internationales, les Tamouls continuent de montrer patte blanche en manifestant dans les rues de Paris. Mardi 25 juillet, ils étaient plusieurs milliers sur le Champ-de-Mars à Paris pour dire « non » à la répression dont ils sont victimes au Sri Lanka.
Sur la pelouse jaunie par un soleil ardent, les Tamouls défilent pour la paix de la plus belle des manières : en dansant et avec le sourire. Sur une estrade montée pour l’occasion, un animateur appelle les participants à entonner des chants traditionnels. Les couleurs rouge et jaune du peuple tamoul, présentes sur les vêtements et les calicots, interpellent les touristes incrédules. Rires, ambiance bon enfant, plaisir d’être ensemble… On en oublierait presque les raisons du rassemblement.
Au milieu de l’assemblée, un cercueil en carton trône majestueusement. Il représente les 3 000 Tamouls exterminés par l’armée cinghalaise les 22, 23 et 24 juillet 1983, lors de l’épisode de « juillet noir ». Morts pour être nés, morts pour rien... Vingt-trois ans après, on ne peut pas oublier pareille cicatrice. Surtout dans le contexte actuel : le 29 mai dernier, le conseil de l’Union européenne a décidé de mettre les représentants tamouls des Tigres Libérateurs de l’Eelam (LTTE) sur sa liste des organisations terroristes.
Difficile de faire plus cynique ! Certes, les Tigres tamouls utilisent la violence, via les attentats suicides notamment, mais que faire quand ses droits sont bafoués, quand l’Etat sri lankais réprime dans le sang, quand l’espoir a fui ? Gare toutefois au manichéisme : si les indépendantistes tamouls ne sont pas tous des anges, le gouvernement sri lankais n’est pas composé uniquement de bureaucrates sanguinaires et véreux. Mais à voir les Tamouls de France manifester à l’ombre de la Tour Eiffel avec autant d’enthousiasme, on s’étonne de voir la communauté internationale agir de manière si arbitraire avec leurs représentants.
Au même titre que les Tchétchènes, les Kurdes ou les Palestiniens, les Tamouls sri lankais font partie de la catégorie des sans-grade : celle des nations sans Etat, celle des damnés de la terre... Puisse leur appel pour la paix et la liberté être un jour entendu.

Samuel Duhamel

Retour sur la « sale guerre » qui mine le Sri Lanka

1796 : après avoir été sous domination portugaise au XVIIème siècle et hollandaise au XVIIIème, l’île de Ceylan tombe sous le contrôle de l’Empire Britannique.

04 février 1948 : l’île de Ceylan obtient son indépendance. Avant leur départ, les Britanniques instaurent un régime parlementaire dominé par deux partis ethniques cinghalais. C’est le début de la discrimination anti-Tamouls.

1956 : le cinghalais, parlé par 70 % de la population, devient la langue officielle de l’île de Ceylan. La langue tamoule utilisée par 15 % des habitants est marginalisée.

Début des années 70 : devant les humiliations et les violences dont ils sont victimes, des Tamouls décident de créer les « Tamoul New Tigers », un groupe radical armé revendiquant l’indépendance du nord-est de l’île de Ceylan. Les TNT deviennent les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE) en 1976.

1972 : proclamation de la République : l’île de Ceylan devient le Sri Lanka.

Juillet 1983 : après un attentat des LTTE tuant douze soldats cinghalais, le président sri lankais Jayavardne ordonne à l’armée sri lankaise de réprimer « dans le sang » la population civile tamoule : 3 000 morts, 3 000 blessés, 150 000 personnes déplacées, c’est l’épisode du « black July » (juillet noir).

1987 : sous l’égide de l’Inde, un accord de paix est signé entre gouvernement sri lankais et indépendantistes tamouls.

1988 : le tamoul devient la seconde langue officielle du pays.

Début des années 90 : continuant à être moins bien traités que les Cinghalais (discriminations dans la fonction publique, inégalités devant la justice…), les LTTE reprennent les armes pour obtenir l’indépendance. Ils commettent de multiples attentats sanglants perdant ainsi leur légitimité aux yeux de l’opinion publique mondiale.

Février 2002 : cessez-le-feu obtenu grâce à la mission de surveillance du Sri Lanka (Danemark, Suède, Finlande et Norvège). Les LTTE excluent tout démantèlement de ses troupes et ne renoncent pas à l’indépendance du nord du Sri Lanka.

Au total, ce sont plus de 60 000 personnes, en grande majorité tamouls, qui ont péri dans la sale guerre du Sri Lanka. Aujourd’hui, malgré les quelques concessions effectuées par les LTTE en 2003 et les efforts de la Norvège pour trouver une solution au conflit, l’espoir d’une paix durable semble inaccessible…

Samuel Duhamel

12.7.06

Vers une science élitiste... pour tous !

Si tu ne viens pas à la science, la science ira à toi ! Le message de l'association Paris-Montagne, qui regroupe une soixantaine d’élèves de l'Ecole Normale Supérieure (ENS) et de chercheurs reputés, est limpide. En organisant du 17 au 25 juillet un festival de sciences, au 45 rue d'Ulm (Vème), les futurs normaliens veulent partager leur goût de la connaissance avec le plus grand nombre. Ainsi, plus de 4.000 jeunes de 7 à 18 ans, issus de quartiers populaires de Paris et de la petite couronne, sont conviés dans les locaux de l’ENS sur la montagne Sainte-Geneviève à partir d'aujourd'hui pour étancher leur soif de savoir. « Nous voulons recréer des liens entre les élèves en difficulté scolaire et les sciences. C’est pour rendre accessible la science à tous, notamment aux enfants en difficulté scolaire, que nous avons organisé cette manifestation », raconte Livio Riboli-Sasco, président de Paris-Montagne. « Conscients de notre chance et des disparités économiques criantes de notre société, nous voulons tendre la main à des jeunes moins privilégiés. C’est naturel ! », poursuit Alice Richard, vice-présidente de l’association.

Et les activités seront nombreuses durant cette semaine de la découverte et de la solidarité. Dès aujourd’hui, vingt adolescents boursiers ou en Zones d’éducation prioritaire (ZEP) entameront une Science Académie décapante. Choisis pour leur motivation, les apprentis chercheurs vont s’initier aux pratiques de laboratoire et lancer une sonde météorologique. Tout un programme ! De mercredi à vendredi, des milliers d’adolescents en centres aérés participeront à des ateliers scientifiques autour de thèmes aussi divers que le réchauffement climatique, la géologie, la purification de l’eau ou les technologies mobiles. « Nous proposons aux enfants une grande diversité d’approches. Apprendre, ce n’est pas seulement lire ou écouter un professeur, c’est aussi le spectacle, le concert ou l’expérience pratique », explique Richard-Emmanuel Eastes, de l’association les Atomes Crochus, partenaire de l’évènement. Samedi, l’Ecole normale ouvrira ses portes aux citoyens intéressés pour d’autres ateliers ludiques avant d’accueillir un colloque sur le rôle de la science dans la société les 24 et 25 juillet. Et pour les amateurs de réflexion, des conférences sont animées tous les soirs par des invités prestigieux comme François de Closets ou Frédéric Courant.

Tisser des liens durables

Pour les organisateurs, le projet de vulgarisation de la science ne s’arrête pas le 25 juillet. Des contacts seront maintenus avec chaque jeune de la Science Ac’. Le but est de créer des clubs de sciences dans les établissements des adolescents concernés. « Ce que nous voulons, c’est dépasser les inhibitions, résume François Taddei, conseiller scientifique de Paris-Montagne. Nous aurons réussi notre mission quand la France de la science ressemblera à la France du foot avec des jeunes de toutes les origines et de tous les milieux ! » Nul doute qu’avec une telle équipe, les succès de la recherche nationale seront nombreux !

Samuel Duhamel

30.6.06

Zidane, o modelo francês

No sabado, o Brasil tenterà pôr um fim na carreira do Zinedine Zidane. O craque francês fez sonhar o pais inteiro desde 12 anos com a camisa azul nos ombros. Volta sobre uma carreira magnifica.

A história de amor entre Zidane e o povo francês começou em 17 de agosto de 1994. Desde as epopéias da equipe de Michel Platini entre 1982 e 86, o time tricolor decepcionava os seus torcedores. Incapazes de se classificarem para as Copas de 90 e 94, os franceses encadeavam fracassos. Naquela noite de agosto de 1994, a França perdia por 2 a 0 em casa contra a República Tcheca. Cansado pela falta de imaginação do seu time, o treinador francês Aimé Jacquet apelou a um novo jogador, pouco conhecido pelo público. O seu nome: Zinédine Zidane. E de repente, a luz brilhou... Em 25 minutos, o menino de Marselha marcou dois golaços e ofereceu o empate ao time tricolor por sua primeira seleção. A França possuía o seu novo gênio.
Após uma Eurocopa 96 mitigada, Zizou rumou à Juventus, onde progrediu constantemente. Na Itália, se mostrou incrivelmente regular na excelência. A cada saída no campo, parecia mais forte. Técnica, eficiência, elegância: o mestre dominava os seus adversários com uma facilidade desconsertante. Embasbacada pelo talento do médio francês, a estrela do basquete internacional, Magic Johnson, diria depois de um jogo de Zidane: “Ele é mais forte do que eu e Mickael Jordan juntos!” Entre 1997 e 2001, estava tão bom com os “ bleus” que os torcedores franceses não se perguntavam “Vamos ganhar?”, mas “De quanto vamos ganhar?”. Com os seus dois gols de cabeça na final da Copa do Mundo de 1998, mostrou que era mais “brasileiro” do que os jogadores da seleção de Zagallo. Dois anos mais tarde, durante a Eurocopa na Bélgica e na Holanda, Zidane atingiu um nível inigualado. Durante três semanas, fez um recital de futebol, eliminando Espanha, Portugal e Itália quase sozinho.
O craque francês ganhou tudo: Copa do Mundo, Eurocopa, campeonatos nacionais, taças diversas, títulos de melhor jogador FIFA, Bola de Ouro, título de melhor jogador europeu da história... Até 2003, só a Liga dos Campeoes lhe resistia. Mas após duas finais perdidas com a Juventus, uma outra oportunidade apresentava-se a ele com o Real Madrid. Na vitória sobre o Bayer Leverkusen, da Alemanha, Zidane marcou um gol digno de obra de arte. “Zidane, agradeço a sua mãe de ter dado luz a você!”, foi o comentário de um jornalista espanhol após o golaço! Ontem, nao sabemos o que disse depois do gol do gênio frente ao time ibérico…
Que importa o resultado do jogo de sabado, Zinédine Zidane deixará um vazio imenso no meio do futebol. Os seus torcedores do mundo inteiro já devem estar com saudades dos seus dribles, das suas fintas e de seus passes. Mas cuidado Brasileiros, o nosso gênio ainda nao se aposentou…

Samuel Duhamel

15.6.06

La précarité pour tous !

« La vie, la santé, l’amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ? »
Laurence Parisot, présidente du MEDEF in Le Figaro Economie (30 août 2005)

On connaissait le « Wohlstand für alle ! » (L’abondance pour tous !) de l’ancien Chancellier ouest-allemand, Ludwig Ehrard, voici maintenant « le travail précaire pour tous ! » de Laurence Parisot. La phrase de la présidente du MEDEF est intéressante à double titre : elle permet d’abord de découvrir le fond de sa personnalité et de ses convictions, elle dévoile ensuite les principes iniques et égoïstes qui gouvernent notre société.
Il existe des phrases qui révèlent un comportement, une personnalité. Les entendre, c'est saisir le sens d'une action, c'est comprendre les motivations d'un combat, d'une lutte, d'un engagement. La citation de Laurence Parisot fait partie de ces phrases qui révèlent les âmes. Quand Martin Luther King dit : "Je fais un rêve, que mes quatre jeunes enfants habiteront un jour une nation où ils ne seront pas jugés pour leur couleur de peau mais par le contenu de leur caractère", Martin Luther King dit qui il est. Quand Gandhi dit : "Il y a assez sur terre pour répondre aux besoins de tous mais pas assez pour satisfaire l'avidité de chacun", Gandhi dit qui il est. Quand Alfred Sauvy dit : "un homme qui n'est pas informé est un sujet, un homme informé est un citoyen", Alfred Sauvy dit qui il est...
Quand Laurence Parisot dit dans le Figaro en août 2005 : "La vie, la santé, l'amour sont précaires. Pourquoi le travail échapperait à cette loi ?", elle dit qui elle est. Elle dit que l'Homme doit être au service de l'économie et non pas l'inverse. Elle dit que l'épanouissement de l'Homme n'est pas la finalité ultime de la société au contraire de l'augmentation du capital et de la compétitivité. Elle dit que la pauvreté et la précarité font partie de la vie d'une société : ce sont les dommages collatéraux de la course vers le "toujours plus". A partir de là, pourquoi combattre l’injustice et le sentiment de fragilité ? Elle chosifie le plus beau sentiment humain, "l'amour", pour en faire un état aseptisé répondant à une "loi". Elle refuse de voir le lien évident entre travail précaire et vie, santé et amour "précaires", comme si tout cela n'était pas lié. Elle dit que la passion de sa vie, c'est l'économiSME et qu'il devrait en être de même pour chacun si les gens veulent que leur état d’agent consommateur s'améliore un peu à la fin du mois.
Dans un deuxième temps, cette phrase est symptomatique de la pensée économique qui domine nos sociétés, celle qui régit le capitalisme contemporain. Vivre devient un combat, la précarité est un sentiment à ce point institué (institutionnalisé ?) qu'on ne le considère plus comme l'ennemi à combattre mais comme l'allié de la production, celui qui va aider les "précaires" à se dépasser, à offrir un peu plus de leur temps ou de leur santé.
Non, la précarité n'est pas une loi immuable. Non, l'amour n'est pas un sentiment précaire qui répond à une loi. Non, l'instauration de la précarité n'est pas bénéfique. Oui, il faut chanter la vie, défendre des services publics de santé de qualité pour éviter les sociétés déprimées et malades.
Si Laurence Parisot veut faire la guerre aux travailleurs et leur imposer la précarité comme unique horizon, pas étonnant de voir les syndicats et les partis de gauche faire la guerre au MEDEF. 158 ans après le Capital de Karl Marx et de Friedrich Engels, la guerre des classes n’a pas fini de sévir. A quand la trêve ?

Samuel Duhamel

22.5.06

Jacques Ellul, le visionnaire

« On ne peut créer une société juste avec des moyens injustes. On ne peut créer une société libre avec des moyens d’esclaves. »
Jacques Ellul



Il est des auteurs dont la sagesse et l’indépendance d’esprit sont telles qu’elles vous marquent à jamais. Jacques Ellul est de ceux-là. Pourfendeur du technicisme, apôtre de la non-puissance et précurseur de l’écologisme, Ellul garde, douze ans après sa mort, une influence fondamentale dans les milieux altermondialiste et libertaire. Il fait l’objet d’un nouveau livre universitaire dirigé par Patrick Troude-Chastenet, professeur de sciences politiques à l’Université de Poitiers. Entre hommage et synthèse d’une œuvre riche de soixante ouvrages, Jacques Ellul, penseur sans frontières ravira les lecteurs lassés par la violence et l’irresponsabilité de la société contemporaine.

Comment résumer en un livre le parcours intellectuel d’un des plus grands penseurs de notre temps ? En invitant plusieurs exégètes à écrire un chapitre sur l’œuvre d’Ellul, Patrick Troude-Chastenet semble avoir trouvé la bonne formule. L’addition des contributions des différents protagonistes (Alain Gras, Lucien Sfez, Jean Robert…) fait de Jacques Ellul, penseur sans frontières un livre complet, compact et stimulant. Quasiment tous les pans de la philosophie ellulienne sont évoqués : réflexion sur le droit, rejet de la politique, dangerosité des pratiques managériales, fourberies de la société de l’information, agressivité de l’art contemporain… Mais ce sont bien sûr la critique de « la société technicienne » et la création d’une éthique de la non-puissance, thèmes de prédilection d’Ellul, qui se voient accorder le plus d’importance.

Ellul, le contempteur du technicisme

« Qu’y a-t-il de plus absurde qu’une croissance illimitée dans un monde limité ? » La question laisse songeur. Pourtant, en ayant adopté la productivité, la compétitivité et l'efficacité comme valeurs de référence, le capitalisme avance toujours dans la même direction : celle du toujours plus loin, toujours plus haut, toujours plus vite ! Devant l’accroissement des capacités de production des entreprises manufacturières, la pensée d'Ellul tient un mot : STOP ! Pourquoi continuer dans cette voie si elle nous conduit dans une impasse : disparition des ressources fossiles, dégradation de notre environnement, misère et famine pour 45% de l’humanité… La solution aux maux de la Terre passe-t-elle vraiment par ce qu’on appelle le « progrès technique » et le "toujours plus" ?
Ellul remarque que plus les conséquences de la technique deviennent monstrueuses, plus celle-ci les nie avec arrogance et domination. Aujourd’hui, quel risque implique l’énergie nucléaire ? Une catastrophe occasionnerait des dizaines de milliers de morts[1] et une dette de plusieurs centaines de milliards d’euros pour l’Etat / les Etats concerné(s). Quel risque implique l’utilisation des OGM ? Outre les problèmes sanitaires, elle implique à long terme la fin de l’agriculture paysanne et l’uniformisation des cultures. Qu’implique la télévision ? Un vaste processus de désinformation conduisant à un rejet de la chose publique, à l’individualisation de la société et à la diminution du nombre de citoyens engagés. Qu’implique la multiplication des réseaux routiers et autoroutiers ? Outre la pollution atmosphérique occasionnant la mort d’environ trois millions de personnes par an dans le monde[2], elle est à l’origine d’un million de décès sur la planète par année[3] (rien que pour les accidents) et d’une marginalisation des transports alternatifs (marche, vélos, rollers…).
Pourtant, lobbys nucléaire et pro-OGM et industries télévisuelle et automobile n’ont jamais été aussi puissants…

Ellul, l’apôtre de la non-puissance

Pour enrayer cette dynamique, Ellul propose un retour à la simplicité volontaire, à une éthique de la responsabilité et à un refus de la puissance. En un mot, pour cet « anarchiste chrétien » comme il se définissait, la solution réside dans un changement de comportement de l’homme face à son environnement. L’homme ne doit plus domestiquer la nature comme le revendiquent les Claude Allègre, Luc Ferry et autres partisans du scientisme, mais la respecter pour ce qu’elle est, c’est-à-dire l’élément matériel supérieur duquel découlent les activités humaines. C’est seulement ainsi qu’il pourra se libérer du « tout technique », de ce diktat sociétal qui voit dans chaque innovation technique, un progrès. Le message d’Ellul tente donc de réveiller les citoyens, de leur donner l’envie et le courage de résister. Pour Ellul, les choses allant de soi n’existent pas. Rester debout les yeux ouverts, refuser les pseudo évidences, réinventer la démocratie « qui a cessé d’exister depuis longtemps »… voilà ce que nous inculque Jacques Ellul. Le lutte pacifique sera longue : commençons-la maintenant !

Samuel Duhamel

Jacques Ellul, penseur sans frontières, sous la direction de Patrick Troude-Chastenet, éd. L’Esprit du Temps, 367 pages, 21 euros



Pour aller plus loin :La technique ou l’enjeu du siècle, Paris, Armand Collin, 1954
Le système technicien, Paris, Calmann-Lévy, 1977
Le bluff technologique, Paris, Hachette, 1988
Anarchie et christianisme, Lyon, Atelier de la création libertaire, 1988

[1] D’après le CERI (Comité européen sur les Risques de l'Irradiation), le nucléaire civil et militaire aurait tué plus de 60 millions de personnes entre 1945 et 1989, soit environ 3.500 par jour.
[2] Serge Lepeltier, ancien ministre français du Développement Durable, affirmait dans Le Figaro en 2003 que « 30.000 personnes mouraient chaque année en France des suites de maladies liées à la pollution de l’air. » La pollution de l’air n’ayant pas de frontière, un calcul simple permet d’affirmer qu’elle tue 3 millions d’individus dans le monde chaque année.
[3] Le plein s’il vous plaît, Jean-Marc Jancovici, Alain Grandjean, éd. Seuil, 2006

L’allocation universelle : un rêve à portée de main ?

Défendue par Yves Cochet, l’un des deux candidats écologistes encore en lice pour l’élection présidentielle, l’allocation universelle (également appelée revenu d’existence ou dividende social) a le vent en poupe. Présentée comme la plus grande avancée écologique et sociale du XXIe siècle par ses partisans, elle offre à chacun un salaire minimum garanti, sans contrepartie de travail. Loin d’être une idée irréaliste ou un encouragement à la fainéantise, le revenu d’existence repose sur des arguments économiques, sociaux et philosophiques difficilement contestables. Yannick Vanderborght et Philippe Van Parijs en font la démonstration dans leur dernier ouvrage, L’allocation universelle.
« Impossible de penser l’avenir de la protection sociale, en Europe comme dans le reste du monde, sans évoquer l’allocation universelle, c’est-à-dire l’idée de verser sans conditions à tous les citoyens un revenu de base, cumulable avec tout autre revenu. » Le livre de Vanderborght et Van Parijs, professeurs à l’Université catholique de Louvain, tombe à point nommé. Dans une période agitée par les conflits sociaux et la défense d’intérêts particuliers, l’idée d’allocation universelle s’impose comme une réforme profitable à tous. Apparu à la fin du XIXe siècle, le revenu d’existence a été défendu par plusieurs Prix Nobel d’économie dont James Tobin, Jan Tinbergen et James Meade. Concrètement, le dividende social se différencie du revenu minimum d’insertion sur trois points : il est accordé de manière individuelle, à tous les citoyens et sans contrepartie. Permettant de s’attaquer à la pauvreté et de réduire le chômage, l’allocation universelle comporte également des avantages écologiques puisqu’elle freine la croissance de la production industrielle et privilégie le « mieux-être » au « plus avoir ».

Pour le moment, seul le Brésil a instauré – partiellement – une telle allocation. Nonobstant, de plus en plus de citoyens (écologistes, communistes, socio démocrates, libéraux de gauche ou même catholiques conservateurs) l’appellent de leurs vœux. En Belgique, Franck Vandenbroucke (ancien ministre des Affaires sociales) affirme qu’une « allocation universelle est peut-être la voie de la sagesse politique ». Aux Pays-Bas, l’ancien Premier ministre Wim Kok a émis l’idée d’une instauration d’un tel revenu. En Finlande, on remarque un soutien analogue de la part de l’ « Alliance de gauche », un rassemblement d’écologistes et de socialistes, ayant participé au gouvernement entre 1995 et 2003. Enfin, en France, Yves Cochet, candidat à la candidature verte à l’élection présidentielle de 2007, assure que « seul un revenu pour tous peut libérer de la crainte d’être exclu et permettre à chacun de construire son propre parcours ».

Si l’ouvrage de Vanderborght et Van Parijs éclaircit la définition et le contexte d’instauration de l’allocation universelle, il laisse toutefois quelques regrets. Les avantages d’un tel revenu, en termes de baisse du stress sociétal, éradication de la misère et création d’une société de consensus, sont oubliés. Rien n’est dit sur le coût monétaire d’une telle réforme et sur les différents moyens de la financer. Les nombreuses questions qu’on se pose en cours de lecture restent donc sans réponse : une augmentation de la TVA peut-elle financer à elle seule le dividende social ? A quel niveau doit-on fixer l’allocation universelle ? Sera-t-elle indexée au Produit Intérieur Brut ? A l’inflation ? Quelles incidences sur les allocations conditionnées existantes ?...

Le principal mérite du livre de Vanderborght et Van Parijs réside donc dans la présentation pédagogique de l’allocation universelle. Si les auteurs souhaitaient clarifier le concept de revenu d’existence et étudier ses conditions d’application concrètes, l’objectif est largement atteint. Mais le lecteur assoiffé de connaissances sur le sujet en voudra certainement davantage…

Samuel Duhamel

L’allocation universelle, de Yannick Vanderborght et Philippe Van Parijs, éd. La Découverte, 122 pages, 6 euros


Pour aller plus loin :
Libérer l’avenir avec le revenu d’existence, de Samuel Duhamel
Le revenu d’existence ou la métamorphose de l’être social, de Yoland Bresson, éd. L’esprit frappeur, 2000
L’allocation universelle. Pour un revenu de citoyenneté, de Jean-Marc Ferry, éd. Cerf, 1995
Basic Income Earth Network : http://www.basicincome.org/
Attention danger travail, réalisé par Pierre Carle, Christophe Coello, Stéphane Goxe, 2003

14.5.06

Trois questions à Udo Wolf

Vice-président du PDS de Berlin, Udo est le frère d’Harald, actuel sénateur PDS de l’économie, du travail et des femmes à Berlin.

Avec le WASG, un nouveau parti protestataire a vu le jour l’année dernière en Allemagne. Le PDS se fait-il dépasser sur sa gauche ?
Absolument pas. Le WASG reste un petit parti et la plupart de ses membres souhaitent travailler avec nous, même à Berlin. Mais ce parti a l’avantage de faire renaître l’espoir chez les sympathisants déçus par la gauche réformiste. Il représente un idéal à suivre et certains électeurs y seront sensibles. Malgré cela, le PDS reste le principal parti à la gauche du SPD en Allemagne.

Que pensez-vous de la candidature autonome du WASG pour des élections régionales de septembre ?C’est une catastrophe. Cette décision plombe la dynamique de fusion entre le PDS et le WASG. Pour moi, c’est une dérive sectaire et contre-productive puisqu’elle marginalise le WASG et crée de l’incompréhension chez nos sympathisants. Dans ces conditions, je ne vois pas comment Lucy Redler et ses colistiers pourraient dépasser les 2%.

La politique menée par le PDS à Berlin depuis 2001 n’a-t-elle pas une part de responsabilité dans le choix d’autonomie du WASG ?
Cette candidature indépendante provient d’une succession de malentendus. Par exemple, nous avons décidé de privatiser des appartements pour faire rentrer de l’argent dans les caisses du Land et investir dans des programmes sociaux. Le WASG n’a pas cherché à comprendre notre démarche. Pour eux, chaque privatisation est synonyme de recul social. En adoptant une telle posture, le WASG Berlin s’ancre durablement dans l’opposition.

Samuel Duhamel

Pâle ou vif, le rouge est à la mode à Berlin

Créé en janvier 2005 par des déçus de la gauche réformiste, le WASG (Alternative pour le travail et la justice sociale) cherche à fonder un pôle unitaire anti-libéral avec les anciens communistes du PDS (Parti du socialisme démocratique) en Allemagne. Mais à Berlin, la section locale du WASG ne veut pas s’unir avec le PDS régional. Pour les élections de septembre, ce sera du chacun pour soi !

Privatisation de 65.000 logements, suppression de 15.000 emplois dans les services publics, fin de la gratuité du matériel scolaire, instauration de postes payés un euro de l’heure dans l’administration… A quelques semaines des élections régionales, le bilan de la coalition « rouge – rouge » au pouvoir à Berlin depuis 2001, pourrait séduire les libéraux les plus orthodoxes. Il est pourtant l’œuvre d’un gouvernement de gauche, formé par le SPD (Parti social-démocrate) et le PDS. Contraint d’effacer une partie de la dette de la ville (estimée à 68 milliards d’euros, soit plus de trois fois le budget annuel), l’équipe du maire socialiste Klaus Wowereit a sacrifié de nombreux programmes éducatifs et sociaux. Résultat : de nombreux sympathisants socialistes se détournent du SPD, accusé de mener une politique antisociale. « A partir des années 90, la gauche réformiste allemande a accepté progressivement l’idée de déréguler et de privatiser pour économiser des fonds publics. Ce fut une grossière erreur ! », explique Holger Droge, ancien militant social-démocrate ayant adhéré au WASG.

Irréductibles
Jugeant les réformes de la coalition « rouge – rouge » catastrophiques, les 860 militants berlinois du WASG veulent présenter une liste autonome aux élections de septembre. Autour de la charmante candidate trotskyste Lucy Redler, le WASG berlinois entend restaurer l’image d’une gauche « rouge vif » : anti-capitaliste et redistributive. Figurent notamment au programme la renationalisation du service de l’eau, un revenu minimum à 10 euros de l’heure et la diminution du temps de travail sans réduction de salaire. Recueillant un faible score dans les enquêtes d’opinion, la candidature autonome du WASG berlinois dérange les délégués fédéraux du parti. Oskar Lafontaine, instigateur de l'alliance WASG - PDS au Bundestag, a ainsi annoncé vouloir sanctionner le WASG Berlin par des « mesures administratives » en cas de candidature autonome. Mais cela ne semble pas arrêter les militants indépendantistes : « Oskar Lafontaine doit comprendre que la politique du PDS berlinois s’oppose aux principes que défend notre parti. Accepter un traité de coalition avec eux signifierait accepter leurs erreurs et leurs compromissions avec le SPD. Nous ne pouvons pas faire cela ! », assure Lucy Redler, chef de file du WASG berlinois.

Victoire attendue du SPD
Les désaccords entre les deux formations de gauche radicale font les affaires de l’autre parti « rouge » berlinois, le SPD. Face à une CDU (Union pour une démocratie chrétienne) berlinoise minée par des scandales de corruption et l’absence d'un véritable leader, Klaus Wowereit voit son horizon politique se dégager. Apprécié par les Berlinois pour son ouverture d’esprit et son esprit d’initiative, l’élu socialiste obtiendrait près de 35% aux élections régionales, d’après les sondages. Ce score lui offrirait une latitude d’action suffisante pour construire une nouvelle coalition avec le PDS et/ou les Verts. Dix ans après la chute du mur, le rouge semble s’être définitivement trouvé une place au soleil dans la capitale allemande.

Samuel Duhamel

27.4.06

O mal-estar francês

Em menos de um ano, os franceses manifestaram, por três vezes, ira e insatisfação com as políticas dos seus dirigentes nacionais e europeus. O “não” à Constituição Européia, em maio de 2004, a revolta dos subúrbios em novembro de 2004 e as manifestações contra o Contrato Primeiro Emprego (CPE), em março de 2005, são sintomas da crise geral que atravessa o quinto poder econômico do mundo.

Um ano antes da eleição presidencial, a França sente-se mal. Nunca, na história recente do País, os indicadores socioeconômicos foram tão inquietantes. Cerca de 100.000 pessoas estão sem abrigo, a taxa de desemprego atingiu 9,8% e a dívida pública levantou vôo (1,138 trilhão de euros, ou seja, mais de R$3,004 trilhões). Pela primeira vez desde 1945, os franceses têm o sentimento de que a próxima geração viverá em piores condições sociais que a atual. As consequências politicas dessa crise foram sentidas pelo poder Executivo: pesquisas de opinião mostram que mais de 70% da população demonstra insatisfação com o presidente da República, Jacques Chirac, da UMP (União por uma Maioria Popular), partido de direita, e com o premiê Dominique de Villepin (UMP). A promessa de Villepin de “voltar a dar confiança aos franceses”, quando chegou ao governo, em junho de 2004, parece quase surrealista.

Com a sua trindade – liberalismo econômico, política de segurança e ajuda às igrejas –, Nicolas Sarkozy, atual ministro do Interior, é o mais cotado para suceder Jacques Chirac em 2007. Apesar do seu fracasso como ministro do Interior, com o crescimento da violência nos subúrbios, ele desfruta de boa popularidade. Sua vontade de “ruptura”, aliada a uma estratégia eficaz de comunicação e o apoio maciço do maior partido francês (a UMP), fazem dele um candidato competitivo.

De seu lado, a esquerda não lança nenhum programa alternativo. Os ambientalistas do Partido Verde são os únicos a apresentarem um programa radical, de instauração de renda básica de cidadania, saída da energia nuclear, divisão dos lucros do trabalho e projetos criadores de emprego. Mas não são bem retratados pelos meios de comunicação de massa.
Principal força política de oposição, o Partido Socialista (PS) não demonstra capacidade para satisfazer as expectativas do povo francês: sem projeto, sem líder e sem relações com outros partidos de esquerda, o PS brilha por sua falta de imaginação.
A alta popularidade de Ségolène Royal nas pesquisas confirma essa impressão. Mulher do primeiro-secretário do PS, François Hollande, ela não é apreciada por suas idéias, mas pelos valores que defende (família, saúde, defesa do meio ambiente) e, bem, pelo fato de ser mulher.

Neste quadro, os partidos extremistas podem se aproveitar da situação. Em 2002, Jean-Marie le Pen, líder nacionalista e racista da Frente Nacional (FN), atingiu o segundo turno da eleição presidencial – susto que pode ser repetido não só porque, hoje, ele tem mais apoio do que há quatro anos atrás, mas pelas deficiências dos projetos partidários à esquerda.
Há, outra vez, um mal-estar na França.


Samuel Duhamel, formado em Ciência Política no Instituto de Estudos Políticos de Lille, França

La convivialité d'Ivan Illich


La critique de la société industrielle exposée par Illich dans La convivialité repose sur une réflexion non marxiste et non anarchiste du capitalisme. Elle ne s’arrête ni sur l’exploitation de l’Homme par l’Homme ni sur la domination de l’Homme par l’Etat. La critique d’Illich dénonce la servitude que la société industrielle inflige à l’Homme.


Par l’intermédiaire du concept de « contre productivité de l’outil », Illich explique qu’à un certain moment du développement industriel d’une société, les institutions mises en place par cette dernière deviennent inefficaces. Ainsi, l’école uniformise et rejette au lieu de former, la voiture immobilise au lieu de transporter, la médecine ne soigne plus mais rend malade, l’énergie n’assure plus le confort mais met en danger…

Illich ne cesse de dénoncer la démesure des « outils » dans les sociétés industrielles. L’énormité de ces derniers est telle qu’elle écrase l’individu qui perd ainsi son autonomie et sa dignité. Ainsi, lorsqu’il prend l’exemple de l’école, Illich déconstruit la vulgate scolaire laudative. A force de monopoliser la mission d’éducation, l’école n’enseigne plus : elle exclut les non diplômés. De plus, le monopole de l’école comme source d’éducation lui permet de décider seule ce qui vaut la peine d’être enseigné ou non. Ainsi, ce sont des pans entiers de savoirs utiles qui sont laissés de côté (environnement, citoyenneté, solidarité et coopération…). Selon Illich, il faudrait arrêter de sacraliser l’école comme le font de nombreux progressistes contemporains et développer d’autres formes d’apprentissage (groupes d’enseignement en réseau, maisons d’éducation permanente, échanges entre individus…).

En grand défenseur du principe d’autonomie (l’Homme doit rester libre de ses choix en toutes circonstances), Illich assène de violentes attaques à un autre « monopole radical » : la voiture. Il ne supporte pas l’idée que l’Homme soit à ce point dépendant d’un outil. Face à leur véhicule personnel, de nombreux citoyens sont ainsi passés du statut de maîtrise au statut de servitude. Illich milite pour un changement culturel du rapport Homme – voiture. Selon lui, la voiture individuelle est un moyen de transport beaucoup plus contraignant mais surtout beaucoup plus lent que le vélo par exemple. Si l’on additionne tous les coûts inhérents à la possession d’une voiture (achat du véhicule, essence, garage, révisions, péages, entretien, assurances, stationnements…) plus le temps passé à travailler pour pouvoir payer ces dépenses, on s’aperçoit que la voiture n’avance pas à une vitesse moyenne de 60 ou 70 Km/heure comme on pouvait s’y attendre mais à une vitesse de 6 Km/heure, soit beaucoup moins vite qu’un vélo, un taxi ou un transport publique.

Illich définit alors trois critères indispensables pour qu’un instrument ou une institution soit considérée comme juste ou « convivial(e) » : - il/elle ne doit pas dégrader l’autonomie personnelle (autrement dit, on doit pouvoir faire sans en cas de force majeure)
- il/elle ne suscite ni esclave, ni maître
- il/elle élargit le rayon d’action personnelle

Dans un dernier temps, Illich dénonce la croissance économique comme fin ultime des sociétés industrielles. D’après lui, après avoir atteint un certain niveau de développement économique, chaque société se met en danger à vouloir croître davantage. Il considère la croissance ininterrompue comme néfaste pour trois raisons : - elle génère des coûts sociaux (exclusion et/ou chômage, précarité, aliénation)
- elle met en péril les conditions d’existence de l’Homme sur terre
- elle crée sans cesse des besoins nouveaux

Il s’agit donc de substituer à la société industrielle dominée par des impératifs de croissance économique et financière (AVOIR PLUS), une société conviviale (BIEN ÊTRE) dans laquelle les conditions d’une vie authentiquement humaine sur terre seront assurées.

Samuel Duhamel

Tous les livres d'Ivan Illich ont été réédités chez Fayard en deux volumes en 2005


Ivan Illich (1926 – 2002) : prêtre autrichien pourfendeur de la société industrielle, Ivan Illich a dirigé l’université catholique de Porto Rico, puis fondé, à Cuernavaca (Mexique), le Centre international de documentation (CIDOC) où l’on s’initie au monde latino-américain et participe à l’analyse critique de la société industrielle. Il renonce à la prêtrise en 1969 pour se consacrer à la rédaction d’ouvrages critiques sur les « monopoles radicaux imposés par la société industrielle ». Illich rejettera ainsi l’école, la voiture, l’énergie nucléaire, la médecine conventionnelle ou le travail qu’il considère comme des outils ou institutions « non conviviaux ». Son objectif consistait à tracer des sillons libérateurs pour que l’Homme échappe à la servitude et à la domination imposés par la société industrielle et les « monopoles radicaux » que cette dernière engendre.

Agir hic et nunc pour éviter l'apocalypse !

« La hausse du prix des hydrocarbures sera la fin du monde tel que nous le connaissons. » Le constat est amer mais lucide. Voilà le mérite de Pétrole apocalypse, le dernier ouvrage d’Yves Cochet, député vert de Paris. Annonçant une crise sans précédent dans l’histoire de l’humanité, l’auteur espère alerter l’opinion publique sur une thématique peu séduisante en apparence : la fin du pétrole à bas coût. Et ça marche ! Au fil des pages, on comprend les implications potentiellement désastreuses de 150 ans de consommation de pétrole à outrance sur nos vies quotidiennes. Relocalisation de l’économie, rationnement alimentaire, fin des voyages en avion…, ce sont l’ensemble de nos pratiques sociales qui vont évoluer avec la déplétion pétrolière. Le tout avant 2020 ! Tout un programme !

Malgré un titre un peu racoleur, le livre ne tombe donc pas dans l’écueil de la démagogie. L’auteur ne cherche pas à faire peur mais à tirer la sonnette d’alarme dans un désert d’indifférence. Chez Cochet, la volonté de convaincre s’appuie avant tout sur les rapports d’experts et les avis de spécialistes. La force de l’essai repose sur la manière dont il retourne brillamment les arguments de ses détracteurs potentiels (cf. p. 135 lorsqu’il évoque le truisme de l’ancienne ministre, Nicole Fontaine, sur l’énergie nucléaire). Un livre choc donc à conseiller à celles et ceux un tant soit peu intéressés par l’avenir de l’humanité. Car, au final, dans cet ouvrage, il n’est question que de cela.

Samuel Duhamel

Pétrole Apocalypse, d’Yves Cochet, éditions Fayard, 275 pages, 19 euros

Contre le mur de la honte

La Maison de Jeunes de Comines va organiser des manifestations citoyennes contre l’édification du mur en Palestine. Soutenus par 42 associations, les jeunes veulent sensibiliser l’opinion publique sur l’illégalité de la construction. En point d’orgue, une course solidaire de plus de 600 Km pour dire non au mur de la honte.

« Ce mur est illégal. Il sera à terme trois fois plus haut et deux fois plus large que le mur de Berlin. Nous devons donc nous y opposer. » L’appel de Matthew Brubacher, chercheur à la Maison d’Orient de Jérusalem, a trouvé un écho jusqu’à Comines Belgique. Il est vrai que l’édification d’une clôture entre Israël et la Cisjordanie (nord-est de la Palestine) a de quoi surprendre. Décidée unilatéralement par l’Etat hébreu, condamnée par la Cour Internationale de Justice et l’Assemblée Générale des Nations-Unies, la construction du mur se poursuit pourtant bon an mal an.

La Maison de Jeunes de Comines s’est saisi du problème et a décidé de monter des actions de soutien avec le peuple palestinien. « Les adolescents de la Maison sont avant tout de jeunes citoyens impliqués dans l’évolution du monde. Ils ont exprimé leur volonté d’agir contre le mur en Palestine en raison de son illégalité et des drames humains et sociaux qu’il engendre », explique Marie-Aude Breyne, coordinatrice de la Maison de Jeunes ‘Carpe Diem’ de Comines. Et les raisons de la colère des jeunes ne manquent pas : expulsion de dizaines de milliers de Palestiniens, dévastations de terres, séparation de familles…

Une recherche de partenaires a ainsi été effectuée en vue d’organiser la mobilisation. Au final, une liste hétéroclite de quarante-deux associations (wallonnes, flamandes, bruxelloises, françaises et européennes) ont accepté un partenariat avec la Maison de Jeunes. Parmi les soutiens, on retrouve Amnesty International, ATTAC, l’association France Palestine Solidarité ou encore l’union des progressistes juifs de Belgique.

Trois actions sont prévues dans le courant des mois d’avril et mai. Une conférence, intitulée « Mur de sécurité ou mur de l’annexion ? » se déroulera le 20 avril au centre culturel de Comines-Warneton à 20 heures. Le 26 avril, à 20 heures à la Maison de Jeunes, le ‘Carpe Diem’ organisera un ciné-forum avec la projection du film Le mur de Simone Bitton. Enfin, clou de la mobilisation, le samedi 6 mai aura lieu une course de solidarité au stade Maison de Jeunes de Comines Belgique. Le défi de cette « course contre le mur en Palestine » est de dépasser la distance de la clôture construite en Cisjordanie, soit plus de 650 Km. Les participants devront s’inscrire par équipe de deux ou quatre et s’élancer sur cinq ou dix kilomètres.

Mais pour Marie-Aude Breyne, la mobilisation ne s’arrête pas là : « En tant que citoyens responsables, nous devons interpeller nos élus, notre ministre des Affaires Etrangères pour qu’ils fassent pression sur Israël. L’Etat hébreu doit respecter l’avis de la Cour Internationale de Justice et rentrer dans la légalité. » Qui a dit que la jeunesse était démobilisée ?

Samuel Duhamel

12.4.06

Aider ici, là, là-bas...

Profondément marqués par la misère dont est victime le Congo-Brazzaville, leur pays d’origine, Philomène Bitoumbou et son fils, Claude, ont créé une association d’entraide à Lille-Sud en 1995. Entre actions menées dans le quartier et projets internationaux, c’est une véritable dynamique solidaire qu’a enclenchée la famille Bitoumbou. Prochaine mission : l’envoi d’un container de marchandises à Brazzaville début juin.
« Penser global, agir local… et global ». L’association interculturelle et d’entraide (AIE), implantée rue de l’Arbrisseau à Lille-Sud, reprendrait bien à son compte le slogan des militants altermondialistes. A une nuance près : l’action régionale ne lui suffit pas. Défendant les valeurs de respect et de solidarité, l’AIE cherche à aider les damnés de la terre, ceux que personne ne prend en considération : « Nous nous activons dans les pays les plus pauvres du monde comme le Burkina Faso, le Cameroun ou le Nicaragua. Grâce à l’aide de notre principal partenaire, le secours populaire, nous pouvons agir à plusieurs endroits en même temps », explique Claude Bitoumbou, président de l’association. « Dernièrement, nous avons envoyé des toiles au Congo afin de créer des moustiquaires. On parle souvent des ravages du SIDA en Afrique mais on oublie trop souvent que le paludisme tue davantage… »

La culture africaine, un outil de rapprochement entres les peuples
Si les trente bénévoles de l’AIE se soucient du sort des plus pauvres, elle n’en oublie pas pour autant les habitants du quartier et des environs. Mais ici, la démarche est différente : « Notre action locale n’est pas basée sur l’aide matérielle ou sur l’acquisition d’un savoir faire permettant de sortir de la misère. Dans la région, nous préférons utiliser une arme différente mais tout aussi efficace : la culture ! », raconte Philomène, présidente d’honneur de l’association. Ainsi, l’AIE promeut l’art africain dans les écoles, les centres sociaux et les maisons de retraite de la ville. Préparation de mets, danse folkloriques, lectures de contes : les moyens de transmettre des valeurs de paix et d’entraide sont pluriels : « Dans chaque histoire que je lis, il y a une leçon à retenir et je pense que c’est un excellent moyen d’aider les jeunes et de les inciter à la réflexion ». Récemment, c’est le lycée Valentine Labé à la Madeleine qui a eu recours aux services de l’association. Deux cents repas d’origine africaine ont été préparés pour les étudiants, désireux de connaître la richesse de la culture congolaise.

Solidaires en tous lieuxToutefois, actuellement, Claude Bitoumbou s’avoue davantage occupé par le volet humanitaire de l’association. Après un report d’un an dû à des difficultés économique, un convoi de marchandises (ordinateurs, chaises roulantes, matériels scolaires…) va être envoyé à Brazzaville le 10 juin prochain. « Comme pour tous les grands projets que nous organisons, nous sollicitons l’aide de chacun : la mairie de Lille, le conseil régional, les associations du quartier, les habitants : on doit tous se mobiliser pour que cet envoi soit une réussite », affirme Claude Bitoumbou. Réceptionné par les membres de l’AIE au Congo et par les bénévoles du secours populaire, le convoi devrait venir en aide aux jeunes handicapés de Brazzaville. « Là-bas, personne ne s’occupe d’eux. Ils vivent en marge d’une société frappée par la misère. Alors si nous ne sommes pas là pour les aider, qui le fera ? » A l’AIE, la solidarité n’a décidément plus de frontières…

Samuel Duhamel

Association interculturelle et d’entraide
301, rue l’Arbrisseau à Lille-Sud
Tél : Claude Bitoumbou au 06 18 88 89 43 ou Philomène Bitoumbou au 06 60 58 23 43

Jacques Richir : « Un palais omnisport permettra des retombées économiques positives »

Fil rouge : quel avenir pour l’ancienne gare de Lille-Sud ?

Troisième interview de la semaine avec Jacques Richir, conseiller d’opposition UDF, favorable à la création d’un palais omnisport sur la friche de l’ancienne gare de marchandises.

Quel est le projet que vous voudriez mettre en place sur la friche de Lille-Sud en cas de victoire aux élections municipales en 2008 ?Avant la décision de la communauté urbaine, je souhaitais l’instauration du Grand Stade sur cet emplacement. L’ancienne gare de Lille-Sud pouvait accueillir un stade de 30.000 places, au cœur de la ville. J’ai défendu cette idée depuis mai 2003. Les Verts l’ont d’ailleurs reprise à leur compte durant les débats sur l’emplacement du futur stade. Les élus de la communauté urbaine ayant opté pour le site de la Borne de l’Espoir entre Lezennes et Villeneuve d’Ascq, je propose la création d’un palais omnisport de 10.000 à 15.000 places, comparable à celui de Paris Bercy.

Pourquoi instaurer un palais omnisport à Lille-Sud ?Je pense que Lille-Sud a besoin d’un grand équipement structurant pour retrouver une attractivité et se redonner du dynamisme. Il faut donc compléter le Grand projet de rénovation urbaine (GRPU) lancé en début d’année par un projet d’importance, capable de renouer des liens entre Lille-Sud et les autres quartiers de la ville. Si je partage cette conviction avec les Verts, je trouve que leur projet de transfert du zoo de la citadelle à Lille-Sud est mauvais car il n’est porteur d’aucune plus-value. Le zoo étant gratuit, il ne créera aucune richesse nouvelle pour Lille-Sud. Je crois donc que les neuf hectares de la friche doivent être utilisés à autre chose. Un palais omnisport aura des retombées économiques positives. C’est un projet idéal car il incitera les gens à venir à Lille-Sud et permettra à la ville d’accueillir des événements sportifs ou culturels de première importance. En plus, le site a l’avantage d’être remarquablement desservi par les transports en commun.

Avez-vous d’autres projets pour cet emplacement ?
Oui, je suis également favorable à la création d’une esplanade piétonnière de 300 mètres de long pour 100 de large, reliant le boulevard de Strasbourg à l’ancienne gare de marchandises. Martine Aubry et les Verts se sont prononcés en faveur de la couverture du périphérique, c’est une erreur ! La couverture du périphérique est un projet pharaonique, dont le coût sera exorbitant. Les Verts proposent une couverture de 750 mètres de long pour 300 de large : vous imaginez les contraintes d’architecture que cela représente ! Créer une esplanade piétonnière favoriserait les liaisons entre Lille-Sud et les autres quartiers de la ville à un coût beaucoup plus modeste. En plus, l’esplanade est en soi un projet beaucoup plus écologique que la couverture du périphérique sur plusieurs hectares. Enfin, vu les difficultés qu’ont les automobilistes pour se stationner à Lille, je propose un nouveau parking près de la porte de Postes.

Etes-vous sûr que de tels projets pourront aboutir alors que le terrain de l’ancienne gare de marchandises n’appartient ni à la mairie, ni à la communauté urbaine ?
Effectivement, pour le moment la friche appartient au Réseau Ferré de France[1]. Mais, la communauté urbaine de Lille est actuellement en pourparler pour récupérer le site. Les négociations étant largement avancées, le rachat par la communauté urbaine n’est qu’une question de temps. De nouveaux projets vont donc pouvoir voir le jour à Lille-Sud.

Propos recueillis par Samuel Duhamel

[1] Le Réseau Ferré de France est un Etablissement public à caractère industriel et commercial (EPIC). Il a pour objet l’aménagement et la mise en valeur du réseau ferré national.

11.4.06

Le café du présent perpétuel

De la poussière sur la devanture, une porte grinçante, deux affiches jaune fluo portant l’inscription “A céder”. Le café des Grands vins d’Anjou, rue des Faubourgs des postes, ne fait rien pour aguicher le passant assoiffé.

L’intérieur du bistrot confirme cette impression. L’odeur de renfermé se mêle à celle des meubles anciens. Sur les murs, des photos de camions, de vieilles voitures et de nymphettes siliconées se font concurrence. Surplombant les banquette, deux images surprenantes, soigneusement glissées dans des pochettes transparentes, attirent les regards distraits : on y voit un sexe d’homme fumant une cigarette. Le message est explicite : “Arrête de fumer, t’attaques les roupettes !”

“Aux Grands vins d’Anjou”, la vie semble s’être arrêtée. Une horloge indique 8h35. Il est 13h57. Guy, le propriétaire, les bretelles acérées sur sa chemise à carreaux, regarde passer les voitures comme s’il n’en avait jamais vu. Ses quelques clients scrutent les faits et gestes des salariés de la marbrerie d’en face. Personne ne parle. En fond musical, les chansons de Mona FM se succèdent invariablement. Capri, c’est fini, Cocu mais content, Des idées bizarres... Trop concentrés à observer l’activité de la rue, les habitués du bistrot ne semblent plus écouter ces tubes d’un autre temps.

Entre nostalgie et insouciance, le café des Grands vins d’Anjou se laisse porter par le temps qui passe...

Samuel Duhamel

Michel Cucheval : « Il faut instaurer une troisième gare à Lille-Sud ou à Saint-Sauveur ! »

Fil rouge : quel avenir pour l’ancienne gare de Lille-Sud ?

Deuxième interview de la semaine avec l’élu communiste Michel Cucheval favorable à la création d’une troisième gare TER

Que pensez-vous de la proposition des Verts de transférer le zoo de la citadelle à Lille-Sud ?
Je crois que c’est de l’esbroufe. Les Verts veulent sembler originaux donc ils jouent sur les effets d’annonce. Les écologistes émettent des projets sans les avoir soumis à étude. Ils l’avaient déjà fait avec le parc Lebas et on a vu le résultat. [Les travaux du parc Lebas ont pris plusieurs mois de retard car des grenades ont été retrouvés dans la terre de remblai importée pour la construction - NDLR] Personnellement, je ne suis ni urbaniste, ni architecte mais élu. Mon objectif est donc de ne pas dépenser les deniers publics bêtement ou de manière inconséquente. Je ne sais pas si cette idée de transfert est pertinente, je préfère attendre les résultats des rapports des experts pour me positionner. Cela ne sert à rien de gloser sur un sujet que l’on ne connaît pas.

Quel est le projet des communistes pour l’ancienne gare de Lille-Sud ?
Je dirais que le projet des communistes, non seulement pour Lille-Sud mais aussi pour les autres quartiers, c’est d’aboutir au désengorgement de la ville par la voiture. Les conditions de circulation à Lille sont insupportables. Il faut donc inciter les gens à ne plus utiliser leur véhicule sans que cela coûte trop cher. Si les Verts ont compris le problème, la façon dont ils le traitent n’est pas la bonne car elle aboutit à stigmatiser l’automobiliste. Pour laisser leur voiture au garage, les utilisateurs doivent avoir un intérêt financier à le faire. C’est pourquoi les communistes proposent de baisser les prix des transports en commun et de créer de nouvelles infrastructures publiques de déplacement. L’arrivée prochaine du tram-train constitue donc un bon point de départ.

Concrètement, que proposez-vous ?
Nous devons faire des études pour instaurer une troisième gare au sein de la ville. Les deux gares existantes vont bientôt arriver à saturation car l’utilisation du train augmente de manière constante. Aux heures de pointe, un train arrive toutes les trois minutes à Lille-Flandres. Il faut donc créer une gare supplémentaire. Deux sites me paraissent envisageables pour ce nouvel équipement : la gare de triage Saint-Sauveur [dans le quartier Moulins, au sud-est de Lille - NDLR] ou la friche de Lille-Sud. Cette gare serait connectée au métro, au réseau de bus et au futur tram-train. Par ailleurs, si on veut encourager les automobilistes à laisser leur voiture chez eux, il faut des mesures incitatives : c’est pourquoi nous demandons la gratuité du train express régional (TER).

Si cette nouvelle gare ne voyait pas le jour à Lille-Sud, vers quelle idée vous tourneriez-vous ?
Certains ont parlé de couvrir le périphérique ou d’installer une esplanade piétonnière pour diminuer le bruit et favoriser les déplacements, pourquoi pas ? Je pense qu’avant de présenter un ou deux projets précis, il faut réfléchir à l’état du quartier. Malgré les avancées, Lille-Sud est encore un ghetto aujourd’hui. L’objectif doit donc être de désenclaver le quartier. Il faut réfléchir en termes d’accessibilité et de développement urbain. Les communistes soutiendront tous les projets répondant à ces impératifs de solidarité entre les quartiers et de promotion du secteur de Lille-Sud. Lançons des études et choisissons ensuite en connaissance de cause !

Propos receuillis par Samuel Duhamel

10.4.06

Eric Quiquet : « L’instauration du zoo à Lille-Sud est une garantie d’emplois et de dynamisme ! »

Fil rouge : quel avenir pour l’ancienne gare de Lille-Sud ?

Première interview de la semaine avec l’élu écologiste Eric Quiquet favorable à l’implantation du zoo de la citadelle sur la friche de l’ancienne gare de marchandises

Pourquoi voulez-vous transférez le parc zoologique de la citadelle à Lille-Sud ?Avec les Verts, nous pensons que la friche de Lille-Sud a besoin d’un équipement public fort, capable de créer des liens avec les autres quartiers de la ville, notamment Wazemmes et Moulins. Faute de pouvoir agrandir Grimonprez-Jooris, nous avions d’abord proposé de construire un stade de 30.000 places sur cet espace. Malheureusement, la communauté urbaine a décidé d’implanter le Grand Stade sur le site de la borne de l’espoir entre Lezennes et Villeneuve d’Ascq. Résultat : nous devons financer un stade de 50.000 places au coût exorbitant de 300 millions d’euros. C’est d’autant plus dommage que le futur stade sera mal desservi par les transports en commun. Face à cette absence de stratégie globale, nous devons nous démarquer en proposant des projets ambitieux pour la friche de Lille-Sud.

Pourquoi le zoo ne peut-il pas rester là où il est ?Le zoo est à l’étroit à la citadelle. Le site actuel du parc zoologique mesure trois hectares et demi, celui de l’ancienne gare de Lille-Sud environ neuf hectares. N’oubliez pas que le zoo de Lille est le site le plus visité de la ville, avec des pics à 30.000 visiteurs par jour. Comme Franck Haelewyn [directeur du parc zoologique - NDLR], je pense que le zoo n’est plus à la dimension de son succès. Il faut donc trouver un autre endroit pour que le zoo puisse continuer à se développer. Deux emplacements sont possibles : le magasin du pavé, derrière la porte de Strasbourg, au nord-ouest de la ville et la friche de Lille-Sud. Pour des raisons d’équilibre urbain, nous privilégions la seconde solution.

Quels seraient les avantages de l’instauration du zoo à Lille-Sud pour le quartier et ses habitants ?
Le projet du zoo est un projet dynamique car il est générateur d’emplois locaux et de bien-être pour les habitants du quartier. Contrairement à une salle de concert ou à un palais omnisport, le zoo accueille le public cinq ou six jours par semaine. En plus, c’est un projet que les habitants de Lille-Sud pourront s’approprier car il est populaire, accessible et donne une nouvelle attractivité au quartier. Par ailleurs, il serait situé à quelques pas du jardin botanique, ce qui permettrait de créer un ensemble d’équipements verts de qualité au sein du quartier.

Est-ce le seul projet à mettre en place à Lille-Sud ces prochaines années ?Non, je pense qu’il faut également recouvrir le périphérique. C’est une condition nécessaire pour donner du sens à la requalification du secteur. Ce projet aurait le double mérite de tisser plus de liens entre Lille-Sud et le reste de la ville et de diminuer la pollution sonore. Le périphérique est une balafre urbaine qu’il faut effacer partiellement. Sa couverture permettrait aux piétons de circuler plus facilement et favoriserait les échanges entre Lille-Sud et les autres quartiers. D’ailleurs, Martine Aubry considère que ce projet de couverture est une nécessité à moyen ou long terme. Je crois donc qu’il va falloir y venir !


Le transfert du zoo, la couverture du périphérique : ces projets sont-ils finançables ?Il est vrai que nos propositions sont ambitieuses. Mais, je pense que pour relancer la dynamique dans le sud de la ville, il faut faire des efforts financiers. Le transfert du zoo entrerait dans le contrat de plan Etat-Région et serait donc financé à plusieurs échelles. Quant à la couverture du périphérique, elle est envisageable. L’opération a d’ailleurs été réalisée à Paris sur cinq hectares pour environ 170 millions d’euros.

Propos recueillis par Samuel Duhamel